Parasha – 98 ‘Houkat 5783

בס”ד

Paracha ‘Houkat

La Paracha ‘Houkat est une Paracha “charnière” car elle amorce le passage de l’époque de la vie des Bené Israël dans le désert à la génération de la sortie du désert.

Après les lois de la Toum’a contractée au contact d’un cadavre, et le processus de la Para Adouma (Vache Rousse) qui permet de s’en purifier (Bamidbar, 19, 1-22), les évènements se succèdent, participant encore à la génération du désert, mais préparant déjà l’avenir de l’Histoire du Peuple Juif au long des siècles.

Le premier évènement décrit dans cette Paracha est le décès de Miriam, la sœur de Moché et Aharon, qui a pour conséquence l’arrêt de la source miraculeuse du rocher. Ce rocher abreuvait les Bené Israël par le mérite de Miriam depuis près de quarante ans (20,1-2).

Ce manque d’eau est une nouvelle épreuve pour les Bené Israël qui crient leur détresse et leur révolte face à Moché Rabénou. Cet épisode est appelé : “Mé Meriva” (les eaux de la querelle).
Du fait de l’échec du “Kidouch Hachem” (“Sanctification” du Nom de Hachem) Moché et Aharon seront punis et
n’entreront pas en Erets Israël. Ils mourront dans le désert (20, 3-14).

La Torah poursuit avec le récit de la confrontation des Bené Israël avec Edom (les descendants d’Essav) qui refuse de laisser les Bené Israël traverser leurs terres pour entrer en Erets Israël (20, 14-21).

Ce contact, même minime, avec Edom a affaibli la Emouna des Bené Israël (Rachi, 20, 23), et leur a fait perdre le mérite de la présence d’Aharon parmi eux (20, 22-29).
Avec l
e décès d’Aharon, les “Annené Kavod” (les Nuées d’Honneur) qui les accompagnaient depuis la Sortie d’Egypte par le mérite d’Aharon ont également disparu (Rachi, 21, 1).

Amalek ayant constaté ce phénomène, attaque les Bené Israël qui sortiront victorieux de cette confrontation, grâce à leurs prières à Hachem (21, 1-3).

Vient alors une nouvelle épreuve pour les Bené Israël : du fait du refus d’Edom de les laisser traverser leurs terres, le chemin vers Erets Israël s’est considérablement rallongé. Les Bené Israël trébuchent face à cette difficulté, et se plaignent “en vrac” de tout, depuis la Sortie d’Egypte, et jusqu’à la Manne dont Hachem les nourrit quotidiennement depuis près de quarante ans (21, 4-5).

Hachem les “sanctionne” alors en envoyant des serpents les mordre, causant de nombreux morts parmi eux (21, .)6
Comme nous le voyons partout dans la Torah, les “sanctions” de Hachem n’ont pas un caractère vindicatif, mais formateur. Il s’agit d’attirer l’attention de l’homme sur son erreur afin qu’il corrige son orientation.

Il incombait aux Bené Israël de prendre conscience que tout ce que fait Hachem n’est que pour leur bien. Ce que l’Homme perçoit comme mauvais provient de son regard négatif.

À la suite de cette attaque des serpent, les Bené Israël ont alors un élan de Techouva et demandent à Moché de supplier Hachem d’accepter leur repentir.

Hachem ordonne à Moché de confectionner un “Serpent” (que Moché Rabénou réalisera en cuivre, du fait de la proximité des mots “Na’hach” et “Ne’hochèt”) et de le suspendre “al haness”, en hauteur, afin qu’en élevant leur regard sur le serpent, les Bené Israël guérissent ainsi de la morsure qu’ils avaient subie (21, 7-9).
Rachi explique le mot “Ness” comme désignant une perche au haut de laquelle était placé le serpent (Rachi, 21, 8). Le Midrach (Bamidbar Rabah 19, 23) comprend ce terme comme “Miracle” (qui est aussi appelé “Ness”, comme la perche).

Moché lança le serpent en l’air, et il resta suspendu à la vue des Bené Israël.

La Michna (Roch Hachana, 29a) s’étonne : “mais est-ce que le serpent tue (celui qui mord), ou le serpent guérit-il (celui que Moché a confectionné) ?!
De fait,
lorsque les Bené Israël regardaient vers le haut, et soumettaient leur cœur à leur Père qui est “dans les Cieux” (c’est-à-dire dont la manifestation à nos yeux est assimilée aux “Cieux” comme la réalité spirituelle), ils guérissaient ; et sinon ils étaient perdus.

Ce “Serpent” avait donc comme “fonction” de rappeler aux Hommes leur lien avec Hachem.

Après cette période critique où il avait servi ponctuellement à rappeler la Présence de Hachem, les Bené Israël conservèrent précieusement ce “Serpent” pendant de nombreux siècles pour les sauver du danger de l’oubli.

Le verset (Melakhim II, 18, 4) mentionne que le roi ‘Hizkiyahou, roi Tsadik qui succéda à son père A’haz, (un idolâtre qui avait cherché à entraîner les Bené Israël à l’idolâtrie), répara un certain nombre de déviances des Bené Israël. Il ordonna en particulier la destruction du “Serpent de cuivre” que Moché Rabénou avait confectionné, car “jusqu’à ces jours-là les Bené Israël lui offraient des encens”.

La Guemara (Pessa’him 56a) cite cette action de ‘Hizkyahou parmi celles que les ‘Hakhamim approuvèrent.
Ce geste causa certainement un grand choc aux Bené Israël qui avaient conservé cet objet, tant pour la valeur attachée à un objet de rapprochement à Hachem provenant de Moché Rabénou, que pour son impact permanent de réveil même après l’époque initiale de sa mise en place.

Comment comprendre qu’un tel objet de réveil de la conscience de la Proximité de Hachem ait pu devenir lui- même l’objet d’un culte idolâtre, au point qu’il soit devenu nécessaire de le détruire ?!

Si même les outils destinés à nous rapprocher de Hachem, comme ce “Serpent de cuivre” peuvent être détournés de leur but initial, et devenir à leur tour des sources d’embuche, comment les Bené Israël pourraient-ils échapper aux embuches ?!

Le Rambam (Hilkhot Avoda Zara, 1, 1) explique les débuts de la Avoda Zara (l’idolâtrie). Cela commença à l’époque d’Enoch, le petit-fils d’Adam Harichon. Ayant observé les astres mis en place par Hachem en tant que mécanismes de fonctionnement du monde, ils en vinrent dans un premier temps à l’idée que certainement Hachem souhaite qu’on honore Ses plus proches serviteurs. De là ils en arrivèrent à leur ériger des sanctuaires, puis à leur offrir des sacrifices et à leur adresser des hymnes et même à se prosterner face à eux. Toutefois, les initiateurs de cette démarche ne reniaient pas le Créateur, mais pensaient L’honorer par cela.

Nous pouvons comprendre ainsi la dérive qui atteignit le “Serpent de cuivre” de Moché Rabénou : pendant des siècles, il servit de rappel de notre lien étroit avec Hachem. Toutefois l’affaiblissement des générations amena à un déplacement des valeurs. Au lieu que le miracle soit la source d’un réveil de rapprochement désintéressé vers Hachem, le but glissa vers le résultat matériel obtenu, la guérison.

Dès lors l’outil précieux était devenu une embuche dramatique, que le roi ‘Hizkyahou n’eut d’autre choix que de le faire disparaître, malgré sa grande valeur passée.

Dans le même sens, le verset dit (Michlé, 16, 14) : “La colère du Roi est les “Mal’akhim” (anges-messagers) de mort, et un homme sage la répare”. La Guemara (Bava Batra, 116a) explique ainsi : “Quiconque a un malade dans sa maison, qu’il aille chez un sage, et qu’il (le sage) sollicite la Miséricorde Divine sur lui”.

Le Nimouké Yossef (commentaire sur le Rif dans la Guemara) rapporte le Minhag (coutume) en France à son époque d’aller solliciter le Rav tenant une Yechiva (lieu d’étude de la Torah) de prier pour lui. Le commentaire Ein Eliahou rapporte au nom du Zohar HaKadoch que celui qui étudie la Torah est comme un fils pour Hachem, et à ce titre Hachem accomplit particulièrement ses désirs.

Ce n’est pas la place ici de faire une étude complète du sens de la Tefila du Tsadik pour autrui et de son efficacité… Rav Dessler consacre de nombreux textes dans Mikhtav MeEliahou à l’impact de la Tefila.

Notre objectif ici est de prendre conscience que les serpents qui mordaient les Bené Israël ne venaient pas “par hasard”, et la guérison par le regard sur le “Serpent de cuivre” n’avait rien d’une recette “magique”. L’objectif de chacun de nos besoins est de nous amener à nous tourner vers Hachem. La solution de nos problèmes n’a pas comme but essentiel de soulager une souffrance physique. Tout l’intérêt réside dans le rapprochement profond que la solution des problèmes doit déclencher en nous.

De même aujourd’hui, alors que nous vivons sans Beth Hamikdach, sans “Serpent de cuivre”, sans tant d’outils d’éveil dont disposaient nos ancêtres, il nous reste la Torah, et la puissance qu’elle nous communique.
Mais là encore, il ne faut pas se tromper de “cible” !
Si nous allons à l’accessoire en le considérant comme l’essentiel, nous commettons la même erreur que la génération d’Enoch, et que les Bené Israël qui en vinrent à vénérer le “Serpent de cuivre”.

Ne commettons pas l’erreur d’aller voir nos Grands de la Torah pour trouver “la” solution “magique” à nos difficultés !

Ne nous déchargeons pas de notre responsabilité face à Hachem sur le “Tsadik” qui “travaille à notre place” !

N’en arrivons pas à considérer Les Tsadikim – Grands de la Torah, puis leurs descendants (“héritiers” de leur renommée), comme des “distributeurs automatiques” de Berakhot gratuites, qui nous dispenseraient de cibler l’objectif réel des difficultés et de leur résolution à savoir de nous rapprocher véritablement de Hachem !

Le Navi (Prophète) Amos dit : “Voici viendront des jours, parole de Hachem Elokim, et J’enverrai une famine sur la terre ; ni une famine de pain, ni une soif d’eau ! Mais d’entendre les paroles de Hachem !” (8,11).

Rav Eliahou Lopian (Lev Eliahou) explique ce verset étonnant : En quoi une faim de Torah serait-elle une catastrophe ?! Il souligne que lors d’une famine, les hommes en viennent à s’alimenter de ce qu’ils trouvent, sans se préoccuper si le produit est sain ! ainsi ils se contaminent avec des produits avariés.
De même, souligne Rav Lopian, à une époque de “pénurie” de Torah, les gens se “précipitent” sur n’importe quel “message” se prétendant être de la Torah. Et on se retrouve ainsi pollué par des paroles totalement étrangères au message de Hachem.

Ne transformons pas la Torah en “Serpent de cuivre”, de peur que le contact formateur avec la Torah, par la présence des Grands parmi nous, ne nous soit occulté par Hachem, comme l’a été le “Serpent de cuivre” écarté par le roi ‘Hizkyahou !

La Torah nous montre ici comment utiliser à bon escient les cadeaux de Hachem, et comment ne pas les dévoyer de leur but fondamental. Tel est le regard Juif authentique sur les péripéties de la vie !

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36