Parasha – 97 Kora’h 5783

בס »ד

La Paracha Kora’h commence avec le récit de la contestation par Kora’h en raison du statut particulier d’Aharon, et ses péripéties tragiques (Bamidbar 16, 1-35).

Cet évènement ainsi que ses diverses facettes ont déjà fait l’objet de Divré Torah que vous pouvez demander à kvlhm.ezr@gmail.com.

Nous aborderons ici le lien entre ce début de la Paracha et la fin qui développe les « Matenot Kehouna », les 24 « cadeaux » octroyés par Hachem à Aharon et à ses descendants, les Cohanim, au titre de leur « fonction » dans le Beth Hamikdach (le Temple) (18, 8-20).

La Torah ajoute la « rémunération » des Leviim (les descendants de la Tribu de Lévi) pour leur accompagnement du Service des Cohanim (18, 21-32).

Le principe même de ces « privilèges » nous est étranger, d’autant plus que le Beth Hamikdach nous a été retiré, et la Avoda (le Service de Hachem dans le Bet HaMikdach) n’est plus accomplie.

De plus, dans un monde saturé de prétentions « égalitaires », qui sont plus théoriques que réelles dans le quotidien social et politique, la moindre ombre de « différence » fait froncer les sourcils !

Revenons, une fois de plus, à un regard Juif authentique, « nettoyé » des fausses valeurs républicaines et démocratiques, dont les exemples de l’échec systématiques ne manquent ni dans les pays « civilisés » des nations, ni malheureusement chez les « défenseurs » des « valeurs » de la démocratie en opposition à notre Torah Divine.

Le fait que la Paracha clôt les évènements dramatiques par la valorisation d’Aharon et ses descendants est la réponse à l’agitation malsaine qui a amené à la disparition « spectaculaire » des « contestataires » (16, 28-35).

Quel est donc le sens fondamental des « privilèges » accordés aux Cohanim ?

Rav Chlomo Wolbe (Olam Hayedidout, p.46) souligne que dans le Beth Hamikdach il n’y a pas de « prêtres professionnels ». Il y a 24 « familles » de Cohanim qui se relaient de semaine en semaine, ce qui amène chaque Cohen à Yerouchalaïm une semaine toutes les 24.

De plus, chaque famille est partagée selon les jours de la semaine. Ainsi, chaque Cohen ou Lévi n’accomplit son service qu’un jour toutes les 24 semaines …

Le reste de l’année les Cohanim (et les Leviim) restent chez eux.

Toutefois, dans les périodes où les Cohanim n’assurent pas le Service au Beth Hamikdach, ils ne s’adonnent pas à la culture car les Cohanim et Leviim ne possèdent pas de part dans la Terre d’Israël. Hachem proclame (18, 20) : « Dans leur terre tu ne recevras pas de possession, et une part tu n’auras pas parmi eux ; Je suis ta part et ta possession au sein des Bené Israël ».

Pendant ces périodes, les Cohanim et les Leviim se consacrent à l’étude de la Torah et à l’enseignement aux Bené Israël.

Rav Wolbe souligne que de nos jours, nous devons prélever les Teroumot et Maasserot (les prélèvements sur les produits de la terre), même s’ils ne sont plus distribués aux Cohanim et Leviim, pour diverses raisons de Halakha.

Il relève que le schisme de l’église est venu en réaction à la richesse démesurée de l’église, particulièrement en possessions immobilières, et que la même cause a mené à la « sécularisation » de la société aboutissant à la perte du pouvoir de l’église sur les cités et les pays.

De là est né le pouvoir laïc qui a repoussé l’influence de la religion dans le monde moderne.

Quel gigantesque fossé entre l’approche de la Torah et celle qui conduit à ces développements néfastes !

Car non seulement la Torah n’accorde aucun privilège à la position de la Tribu de Lévi par rapport aux autres Chevatim (les tribus), mais à l’opposé, elle ne leur a accordé aucune propriété dans la répartition du pays entre les Chevatim !

Et le verset nous en donne la raison :  » Je suis ta part et ta possession au sein des Bené Israël ».

Cette analyse de Rav Wolbe, qui était un des formateurs les plus remarquables de nos générations (auteur du « Alé Chour »), est extraite d’une de ses interventions dans un des Kibboutzim hostiles à la Torah !

Lors de cette conférence, Rav Wolbe faisait une présentation globale de la Torah pour des auditeurs totalement ignorants des Mitsvot et de la vie Juive dans son ensemble. Le contraste avec le monde extérieur souligné par Rav Wolbe n’est pas pour nous une préoccupation essentielle, mais une indication précieuse pour aborder l’étude des « privilèges » énoncés dans notre Paracha.

Pour comprendre le sens des « Matenot Kehouna » (les cadeaux aux Cohanim), nous devons les considérer sous les deux angles : l’obligation des Bené Israël d’octroyer ces « dons » aux Cohanim, et l’impact qu’ils ont sur les Cohanim eux-mêmes.

Ces deux facettes sont évidemment complémentaires et visent à atteindre un but commun. Il n’y a pas place dans le fonctionnement de la Création de Hachem à un quelconque antagonisme ou conflit d’intérêts.

L’obligation pour les Bené Israël de donner les diverses contributions aux Cohanim et aux Leviim n’est pas une « concession ». C’est le renouvellement instant par instant de la conscience que tout ce qui nous « appartient » n’est en réalité pas à nous, mais nous est accordé par Hachem pour accompagner notre parcours dans ce monde, afin de nous rattacher à Lui par toute cette « trame » de liens.

Le fait que nous ayons besoin de nous alimenter, qui nous semble évident et naturel, constitue un ‘Hessed (Don) que Hachem nous a fait dans la Création, afin que nous soyons toujours dépendants de Lui, et que nous ne L’oubliions pas. (C’est là également le sens des Berakhot que nos ‘Hakhamim nous ont instituées tout au long de la journée …).

Les droits des Cohanim se répartissent en trois catégories : les parties de Korbanot (Offrandes) qu’ils doivent consommer dans l’enceinte du Beth Hamikdach (Temple) ; les droits qui leurs sont accordés à consommer dans l’enceinte de Yerouchalaïm ; et enfin les dons qui leurs reviennent dans l’ensemble du Pays d’Erets Israël.

Certains de ces dons sont soumis à des conditions restrictives de consommation, soit de lieu (dans l’enceinte du Beth Hamikdach, ou la ville de Yerouchalaïm), tandis que certains sont liés à la Tahara (la Pureté) du produit, et celle du Cohen, qui doivent être libres de toute contamination de Toum’a (impureté).

Ces contraintes attachées à l’utilisation de ces dons manifestent clairement qu’il ne s’agit pas de privilèges au sens où ils sont pratiqués dans les sociétés au profit de catégories favorisées de la population. Il est plutôt question de « conditions » accompagnant une fonction particulière.

De même, pour les Leviim, le fait qu’ils dépendent individuellement du choix de chaque Juif de distribuer le Maasser à qui bon lui semble, au lieu qu’une répartition collective soit organisée au niveau national, rend leur quotidien individuel « incertain », et a pour effet de protéger les Leviim de toute tentation d’orgueil (Rav Aharon Kotler, rapporté dans Michoul’han Gavo’a).

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Bamidbar, p.167) cite la Michna (Avot 6, 6) : « La Torah est supérieure à la Kehouna et à la Malkhout (Royauté), car la Kehouna est accompagnée de 24 avantages, et la Malkhout de 30 ; et la Torah s’acquiert par 48 choses ». Rabbi Yerou’ham souligne l’explication habituelle qui stipule que la Torah s’acquiert par la maîtrise des 48 qualités.

Toutefois, l’équivalent n’est pas vérifié dans la Kehouna ou la Malkhout, où les « Maalot » qui y sont mentionnées sont toutes des avantages « gratuits », et non des moyens d’accéder à la Kehouna ou à la Malkhout. Aussi Rabbi Yerou’ham choisit d’expliquer que concernant la Torah également les 48 qualités ne sont pas des « conditions » d’acquisition de la Torah, mais l’accompagnement indispensable de l’acquisition de la Torah.

Rabbi Yerou’ham compare ces « qualités » ou avantages à l’écrin dans lequel on conserve et protège un bijou. Tout comme il est inconcevable qu’un bijou soit placé dans un emballage ordinaire, mais seulement dans un écrin précieux, ainsi en est-il de ces trois grandeurs : la Kehouna, la Royauté et la Torah. Chacune a son « écrin » qui la met en valeur et l’accompagne.

Celui qui acquiert la Torah acquiert simultanément les 48 qualités sans lesquelles la Torah ne lui serait pas acquise.

Rabbi Yerou’ham en déduit que la même chose s’applique à la Kehouna et à la Malkhout.

Les « privilèges » attachés à ces fonctions sont « l’écrin » dans lequel peuvent s’épanouir ces grandeurs.

Sans les 24 « Maalot » de la Kehouna, sans les 30 « Maalot » de la Malkhout, ces statuts n’existeraient pas et ne se conserveraient pas chez leurs détenteurs.

A propos des parts des Cohanim dans les Korbanot (Offrandes) le verset (18, 10) dit : « Bekodech Hakodachim tokhelénou », apparemment : « dans le Kodech HaKodachim tu le mangeras ».

Or le « Kodech Hakodachim » désigne l’endroit le plus profond du Beth Hamikdach, dans lequel se trouve le Aron HaKodech avec les Lou’hot (les Tables des 10 Commandements), un endroit où seul le Cohen Gadol entre, uniquement le jour de Yom Kippour (où on ne mange pas du tout …).

Le Ramban explique que le « be » ne désigne pas ici l’endroit où le temps, « dans », mais la manière : « avec le niveau de Kodech HaKodachim » tu le mangeras !

Le verset vient ainsi dicter au Cohen la conscience la plus élevée de la grandeur de ce qui lui est attribué.

Rav ‘Haïm Zaïtchik (Or ‘Hadach, p.819) développe cet enseignement : cela signifie que celui qui mange avec un tel degré de Kedoucha (« Sainteté ») est considéré comme s’il mangeait « dans le Kodech HaKodachim » !

Il cite Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato (Messilat Yecharim, chapitre 26) qui dit que celui qui s’attache au contact permanent avec Hachem vit constamment dans un monde spirituel alors qu’il est dans ce monde ci, et sa consommation a la qualité des Korbanot apportés sur le Mizbéa’h (Autel) ! Malheureusement, pour celui qui se contente de « s’alimenter », même en prenant soin d’éviter les aliments interdits, mais sans accorder à cette « fonction » la Kedoucha qui lui est due, l’inverse est également vrai : il glisse progressivement jusqu’au plus profond de l’indignité !

Ces quelques précisions nous amènent à un regard plus précis sur les « privilèges » des Cohanim et Leviim : il n’est pas question de « cadeaux » gratuits, mais des « fonctions » qu’ils assument au sein du Peuple d’Israël, afin de représenter la « vitrine » de la Avoda (Service de Hachem) dans le quotidien, comme ils l’assument dans la Avoda dans le Beth HaMikdach.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch développe dans la Paracha Tetsavé (Chemot 28, 3 ; 43) le sens des Vêtements des Cohanim pour la Avoda dans le Beth HaMikdach. Ces vêtements ne manifestent pas que les Cohanim sont d’ores et déjà « parés » de toutes les qualités « naturellement » ; les vêtements viennent au contraire leur rappeler, ainsi qu’à tout le Peuple, l’objectif visé dans la Avoda et dans la « Avoda dans le quotidien » !

Le Rambam (conclusion des règles de la Chemita, chap.13, 12-13) dit que non seulement les Leviim, mais encore quiconque se dévoue à la Avoda de Hachem, acquiert une Kedoucha de « Kodech HaKodachim », et reçoit de Hachem ce qui lui est nécessaire.

La conclusion de la Paracha est ainsi la « réponse » adéquate à la contestation manifestée au début de la Paracha par Kora’h et ceux qui se sont associés à lui.

Les Cohanim ne sont pas des personnes « privilégiées » ! Ils exercent une mission permanente comme « avant-garde » du Peuple de Hachem dans sa Avoda.

La leçon de la Paracha est actuelle à chaque génération, et nous encourage à aller de l’avant dans la quête de la Kedoucha, avec confiance et écoute dans l’exemple donné par les Grands de la Torah à la lumière desquels nous avançons.

kvlhm.ks@gmail.com

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36