בס »ד
Après un long arrêt face au Har Sinaï où ils ont reçu la Torah, la Paracha Behaalotekha montre les premiers pas des Bené Israël.
Les déplacements des Bené Israël dans le désert étaient guidés par le départ ou l’arrêt du « Anan » (la « Nuée ») qui, par ses mouvements, transmettait aux Bené Israël la Volonté de Hachem (Bamidbar 9, 15-23).
Les Bené Israël parcoururent le désert pendant 40 ans, selon la décision de Hachem de les faire séjourner brièvement ou longuement à chaque étape. Leurs déplacements ne dépendaient que de la Mitsva de leur Créateur. Les lieux de halte du « Anan » étaient parfois agréables, et cependant l’arrêt était bref ; parfois au contraire la halte se prolongeait à un endroit pénible. Cette épreuve, préfigurait toute l’Histoire du Peuple Juif, au fil des générations, et était destinée à préparer notre Peuple à sa mission d’ambassadeur de la Chekhina sur terre.
Après cette introduction, la Torah nous rapporte que Hachem ordonna à Moché Rabénou de faire confectionner deux « trompettes » en argent, destinées à véhiculer ses instructions aux Bené Israël (Bamidbar 10, 1-10).
La Tekiya (un son simple prolongé) convoquait l’ensemble des Bené Israël, si les deux Trompettes étaient utilisées. Et si une seule était utilisée, seuls les Nessiim (Princes) des Chevatim (Tribus) étaient concernés. L’association de la Tekiya et de la Terou’a (son saccadé était le signal de lever le camp, qui s’ajoutait au message que transmettait le Anan en se déplaçant d’au-dessus du Michkan (Tabernacle).
De prime abord, l’emploi de trompettes pour transmettre des ordres s’apparente à la pratique de toutes les sociétés humaines, et ne semble pas revêtir un sens spirituel particulier. Et le fait que l’usage de ces trompettes ait été exclusivement réservé à Moché Rabénou (Rachi 10, 2) pourrait dénoter un aspect « politique » de singularisation du « premier guide » de la nation, comparable aux mœurs en vigueur dans de nombreux peuples. Quel est en réalité le sens de cette Mitsva dans la Torah de Hachem, véhicule éternel de la Parole Divine ?!
Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah (10, 2) cite que nos ‘Hakhamim ont attribué à ces trompettes réservées à Moché Rabénou une dimension d’honneur royal. Il souligne que toutefois Moché Rabénou, symbole de Anava (« modestie ») se serait certainement bien passé de cette distinction. Mais la Torah interdit au roi de renoncer à son honneur, et cette marque de considération s’imposait donc à Moché Rabénou pour l’intérêt du Peuple de Hachem.
Dans la société dirigée par la Torah, le rôle du roi est de concentrer l’énergie de toute la Nation vers le lien avec Hachem. La position du Roi n’est donc pas un privilège mais une fonction.
Rav Sorotskin remarque que la Torah attribue aux fils d’Aharon, les Cohanim, la mission de sonner de ces Trompettes. Il ne s’agit donc pas ici d’un simple signe d’appel, qui pourrait être accompli par chacun. C’est une partie de la Avoda (le Service de Hachem) dont les Cohanim sont les dépositaires.
Rav Chimchon Raphaël Hirsch (10,8) rapporte l’enseignement de nos ‘Hakhamim que l’expression « les fils d’Aharon, les Cohanim » vient réserver cette fonction aux « Cohanim » parmi les fils d’Aharon, c’est-à-dire à ceux qui sont indemnes de tout défaut corporel invalidant pour la Avoda. Voilà qui souligne encore plus qu’il s’agit d’une mission de la Torah au sein du Peuple Juif, et non d’une simple formalité comparable au rôle du héraut du village.
L’extension de l’utilisation des « trompettes » décrites ici aux diverses circonstances de la vie de notre Peuple, que ce soit en cas de détresse comme l’agression par un ennemi (10, 9), ou « le jour de votre Joie », et même pour accompagner la Avoda (Service) dans le Beth HaMikdach (10,10) pendant qu’on apportait les Korbanot (Offrandes) témoigne d’un sens plus profond.
De plus, ces sonneries sont destinées à « rappeler notre souvenir » devant Hachem. Or Hachem n’a évidemment pas besoin de rappels pour « Se » souvenir ! Chaque fois que la notion de « souvenir » est mentionnée, c’est pour que nous revenions vers Hachem, de telle sorte qu’Il « Se souviendra » de nous. La Présence de Hachem dans notre existence dépend étroitement de notre aptitude à rendre Hachem présent dans chacune de nos pensées et de nos actes.
Et la sonnerie de ces trompettes qui est limitée au Beth HaMikdach, n’est pas d’ordre « logistique » mais uniquement un appel à réveiller notre lien avec Hachem.
Rav Chimchon Raphaël Hirsch relie le mot « ‘Hatsotsrot » désignant ces Trompettes à la racine « ‘Hatser » (cour). La cour est ce qui entoure le centre vital, et lui est accessoire. Il s’agit donc, au moyen de ces « ‘Hatsotsrot » de constituer un environnement autour d’un point central. L’utilisation d’une Trompette uniquement (pour l’appel des Nessiim) reflète une dimension collective marquée par l’unité. La sonnerie des deux trompettes, pour rassembler le Peuple, reconnait la multiplicité au sein de cette unité « nationale ». L’identité parfaite entre les deux Trompettes souligne l’égalité totale entre tous les éléments de la Nation.
Rav Hirsch analyse encore le sens des sons exprimés par ces Trompettes, et de leur « nom » dans la Torah. « Tekiya » est apparenté à la racine « tako’a » qui signifie « enfoncer ». Tout comme on enfonce un clou avec force, ainsi le son constant de la Tekiya, insufflé avec force dans la trompette appelle à un mouvement ferme de concentration.
Le mot « Terou’a » est issu de la racine « Ro’a », « Ra’é », « briser ».
La Troua est un son saccadé, qui retentissait pour avertir de lever camp. Il y a ici une dimension de « dissociation » dans l’abandon du campement uni pour reprendre le voyage. Toutefois, ce mouvement de départ doit être centré sur la direction dictée par le guide désigné par Hachem. C’est pourquoi la Terou’a est toujours encadrée par une Tekiya avant et une Tekiya après la Terou’a.
Rav Hirsch s’attarde sur les mots « et le jour de votre joie » (10, 10) que nos ‘Hakhamim relient ou au Chabat, ou aux Korbanot (Offrandes) quotidiens. Il commence par souligner que la « Sim’ha » (Joie) n’est pas l’exultation due à une cause particulière. La Sim’ha est l’état intérieur de joie paisible qui devrait être notre réalité permanente. De ce fait, concernant l’ensemble de notre Nation, qui dans sa globalité ne peut pas être affectée par la mort ou la pauvreté (Guemara Temoura 15b ; Yerouchalmi Guitin 3,7), la Sim’ha doit donc être l’état permanent, en particulier au Beth HaMikdach, lieu de contact avec Hachem. Le Malbim donne une définition comparable de la Sim’ha (voir HaKarmel, p.345).
Rav Hirsch ajoute que la Terou’a, manifestation de « détresse », se joignait à la Tekiya même pour accompagner les Korbanot. La Terou’a exprime l’appel à Hachem, tandis que la Tekiya représente la proximité sereine. Dans les moments d’épreuve, comme en cas de guerre, c’est l’appel à Hachem qui est central, introduit et suivi de la Tekiya qui manifeste la confiance totale en Son intervention. Dans les situations paisibles, c’est au contraire la conscience de la Présence de Hachem qui l’emporte, la demande de l’aide de Hachem par la Terou’a vient solliciter la « Capara » (Réparation) que Hachem octroie généreusement à nos manques pour permettre le renouveau de Sa Proximité.
La notion de « Zicaron » (Souvenir) qui est exprimée deux fois ici (10, 9-10) est fondamentale de notre contact avec Hachem. L’Homme est, malheureusement, sujet à « l’oubli ». Il se plonge facilement dans une perception « egocentrique » de l’existence, où il croit tout maîtriser, avoir droit à tout. Nombre de nos Mitsvot viennent nous rappeler la Présence de Hachem à nos côtés.
Pour conclure sur cette idée fondamentale, citons cette parabole rapportée au nom du ‘Hafets ‘Haïm : Un homme vient faire part au Rav d’un rêve qui le trouble. Il s’est vu marchant sur un chemin, et il voyait s’imprimer deux séries d’empreintes sur le sol. Le Rav lui explique que la seconde série de pas représente les « pas » de Hachem à ses côtés. Il s’étonne alors de ce que lorsque le chemin est devenu boueux, il n’y avait plus qu’une seule série d’empreintes. Hachem l’aurait-t-il abandonné juste au moment difficile ?! Le Rav lui répond que les pas uniques qu’il voyait dans son rêve à ce moment n’étaient pas les siens, mais ceux de Hachem qui le portait alors pour le protéger.
Au début du Séfer Bamidbar, nous avions vu que les Parachiot de ce Séfer n’ont pas une portée « historique ». Elles sont le concentré de toute l’Histoire collective et individuelle de notre Peuple.
Le message de notre Paracha doit nous accompagner à toute époque. Même sans les ‘Hatsotsrot (les trompettes) qui nous manquent comme le Beth HaMikdach où elles nous accompagnaient chaque jour, n’hésitons pas à appeler Hachem « à nos côtés » dans les moments de Sim’ha comme dans les situations d’épreuve !
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Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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