Parasha – 93 Bamidbar 5783

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Le Séfer Bamidbar fait suite au Séfer Vayikra qui était dédié à la Présence de Hachem au sein du Peuple Juif. Il est appelé “Bamidbar” en raison du premier verset qui dit : “Hachem parla à Moché “bemidbar” (dans le désert) de Sinaï, dans la tente de “rendez-vous” …”.

Ainsi la Paracha, et également tout le Séfer sont désignés par un fait qui semble totalement secondaire : l’endroit où a été reçue la Parole de Hachem !

Dans son introduction au Séfer Bamidbar, le Ramban souligne que ce Séfer est entièrement composé de Mitsvot relatives au séjour des Bené Israël dans le désert, et des nissim (miracles) que Hachem a accomplis pour eux … Le Ramban remarque qu’il n’y a dans ce Séfer que quelques Mitsvot s’appliquant aux générations ultérieures relatives aux Korbanot (Offrandes).

Ce Séfer serait-il uniquement à des fins “historiques” ?! Quel sens cela a-t-il dans la Torah qui a une portée éternelle ?!

Dans son ouvrage Maalot HaTorah, Rabbi Avraham Ragoler, le frère du Gaon de Vilna, remarque que selon le décompte mentionné par la Guemara (Makot 23b) de 613 Mitsvot dans la Torah, tout le début de la Torah, depuis Beréchit jusqu’à la Paracha Bo (Sortie d’Egypte) ne comporte que 3 Mitsvot ?!

De plus certaines Parachiot ne contiennent apparemment aucune Mitsva, ce qui est inconcevable.

Il conclut que le chiffre 613 ne désigne que les “branches” principales, le reste de la Torah étant constitué de “rameaux”, “brindilles”, “feuilles”, etc. … C’est-à-dire que chaque mot de la Torah est un enseignement vital pour qui sait la déchiffrer !

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, début de Bamidbar) cite les paroles du Ramban. Il s’étonne de ce que selon le Ramban, ce Séfer n’aurait pas sa place dans la Torah ?!

Rav Grossbard explique que le Ramban ne veut pas dire qu’il n’y a rien à apprendre de ce Séfer, mais qu’il ne contient pas de Mitsva active explicite. Cependant, le Séfer Bamidbar comporte une foule d’enseignements vitaux, certains explicites, et certains accessibles au moyen d’efforts soutenus d’approfondissement.

Rabbi Mordekhaï Miller (Chiour Leyom HaChabat) dit que ce n’est pas en vain qu’un des cinq Livres de la Torah s’appelle “Bamidbar” (dans le désert). La part du désert dans la réception de la Torah est vitale. L’immense majorité des évènements mentionnés dans la Torah ont eu lieu dans le désert, et la Torah elle-même a été donnée dans le désert.

La première Paracha de ce Séfer commence par le verset : “Hachem parla à Moché dans le désert du Sinaï …”. Rabbi Miller cite le Baal HaTourim qui rattache ce verset au dernier verset du Séfer Vayikra : “Voici les Mitsvot …”. Il en déduit que si l’Homme ne se fait pas lui-même comme le “désert”, il ne peut pas accéder à la connaissance de la Torah et les Mitsvot.

Rabbi Miller souligne que nous lisons cette Paracha le Chabat qui précède Chavouot (jour du Don de la Torah).

Il remarque que l’arrivée des Bené Israël aux abords du Har Sinaï où ils devaient recevoir la Torah est exprimée ainsi dans la Torah : “Ils vinrent au désert du Sinaï, et ils campèrent dans le désert ; et Israël campa face à la Montagne” (Chemot, 19,1-2).

Ces trois verbes correspondent aux verbes mentionnés lors de la venue de Yitro, le beau-père de Moché Rabénou vers les Bené Israël (Chemot 18, 5).

Yitro vint, tandis que Moché Rabénou campait ! Les Bené Israël vinrent puis campèrent ! Rabbi Miller relie le verbe ‘Hanou (campèrent) à la notion de “Menou’ha” (“Repos”) qui caractérise le Chabat.

Rabbi Miller explique que les Bené Israël atteignirent la dimension spirituelle du désert, qui est un endroit éloigné de l’activité humaine.

Ce n’est que lorsque l’homme sait que le bonheur désiré ne se trouve pas dans la course effrénée après les satisfactions matérielles qu’il peut se diriger vers la véritable sérénité de l’âme.

Le premier psaume du livre de Tehilim enseigne : “Heureux l’homme … dans la Torah de Hachem est son désir …”.

Yitro vint, mais ne sut pas camper. Il avait eu la force d’investir considérablement dans sa quête de la vérité, allant jusqu’à être mis au ban de son peuple, mais il ne trouva pas en lui la ressource d’abandonner son pays et ses biens, et après sa visite aux Bené Israël dans le désert, il repartit vers son pays …

Notre Paracha décrit le décompte des Bené Israël après l’entrée en fonction du Michkan (le Tabernacle).

Le verset (Bamidbar 1, 18) dit ” … ils “s’enfantèrent” selon leurs familles …”. Rachi explique ce terme surprenant : “ils apportèrent les livres de leur généalogie, et des témoins de l’établissement de leur naissance, chacun, afin de se relier au Chévet (Tribu)”.

Rabbi Mordekhaï Miller (Olat Chabat BeChabato) souligne que la Torah accorde au lien généalogique des Bené Israël une importance primordiale, y compris pour le fait d’avoir pu recevoir la Torah.  Il cite le Midrach (Yalkout Chimoni Bamidbar 684) qui dit qu’en réponse aux nations qui se sont plaintes quant au privilège accordé aux Bené Israël de recevoir la Torah, Hachem leur répondit : “Apportez le livre de votre généalogie, comme eux (les Bené Israël)”.

Rabbi Miller s’étonne en quoi la réception de la Torah serait elle dépendante de la généalogie ?!

Pour répondre, il cite le Midrach qui explique qu’à la fin des temps, les nations revendiqueront leur part à l’épanouissement du Monde (Tan’houma Choftim 9).

Hachem leur soulignera alors qu’ils n’ont pas accepté la Torah, et ils répondront que si Hachem les avait contraints (en retournant sur eux la Montagne) comme les Bené Israël, ils auraient, eux aussi, accepté la Torah.

L’argument définitif de Hachem est que les Bené Israël ont commencé par dire librement : “Nous accomplirons et nous entendrons” avant d’être contraints.

Rabbi Miller pose alors deux questions :

– Quelle était la nécessité de contraindre les Bené Israël une fois qu’ils avaient spontanément exprimé leur acceptation ?!

– de la réponse de Hachem aux nations, il ressort que la déclaration “nous accomplirons et nous entendrons” est la condition préalable à la contrainte. En quoi la première justifie-t-elle la seconde ?!

Rabbi Miller cite cette règle de la Torah qui stipule qu’un homme qui a pris l’engagement d’apporter une offrande à Hachem, puis revient sur sa décision et ne veut plus accomplir son don, doit être “contraint” jusqu’à ce qu’il dise : “Je veux”.

Le Rambam (Hilkhot Guérouchin, 2), résout la contradiction apparente entre la contrainte et la “volonté” qui devrait en découler ! Il explique que la volonté profonde de chaque Juif est de satisfaire la Volonté de Hachem et accomplir Sa Torah. Seules les sollicitations des vanités du monde troublent son jugement.

La contrainte vient “rétablir l’équilibre” et restaurer sa capacité à faire le bon choix.

Aussi, lorsqu’après cela il déclare vouloir accomplir son obligation, c’est réellement son aspiration profonde qui s’exprime.

Rabbi Miller explique ainsi que sans la pureté intérieure d’Israël, la contrainte n’aurait aucun sens ! La volonté ainsi exprimée serait uniquement formelle.

C’est là ce que Hachem répond aux nations qu’il leur manque “l’antériorité” du mouvement spontané inhérent aux Bené Israël.

C’est de cette “généalogie” là dont nous nous targuons. Nous sommes détenteurs de l’hérédité profonde de l’élan vers Hachem.

D’un autre côté, cette spontanéité ne suffit pas, et elle doit être complétée par la discipline de “l’écoute”, au-delà de notre volonté propre ; c’est ce qui explique la raison d’être de la “contrainte”. C’est l’outil qui nous permet de résister aux “attraits” du monde matériel …

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Description générée automatiquementDe même les Degalim (les Campements) organisés dans le désert correspondaient à la “personnalité” profonde de chaque Chévet (Tribu). Rachi dit que la place de chaque Chévet correspondait à la place de son ancêtre lorsque les fils de Yaacov l’emportèrent depuis l’Egypte pour l’enterrer en Erets Israël dans la caverne de Makhpéla (Bamidbar 2, 2). Yaacov avait défini préalablement la place de chacun de ses fils.  Là encore, nous voyons la continuité dans la nature et les potentialités de chacun.

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.97) cite le Chla HaKadoch qui rapporte au nom du Ari Zal que “de même qu’il y a quatre Degalim (campements) dans le désert, il y a pareillement quatre “minhaguim” (coutumes) dans le Peuple Juif. (Le Ari Zal dénombre : Séfarade, Ashkénaze, Catalogna, Italia …) Chacun restera dans son “Déguel” en respectant son Minhag ; et les uns et les autres “sont les paroles de Dieu Vivant”.

Les Parachiot du Séfer Bamidbar constituent les fondements de toute notre existence au fil de l’Histoire. C’est dans ce Séfer que nous pouvons et devons puiser l’inspiration de toute notre démarche dans la vie.שבת שלום

Caveau de Yaacov Avinou à Méarat Hamakhpéla

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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