Parasha – 91 Émor 5783

בס”ד

Une partie importante de la Paracha Emor est consacrée aux “Moadim” (les “rendez-vous”) avec Hachem tout au long de l’année (Vayikra 23, 1-44).

Ces Moadim sont introduits par le Chabat, qui est le “rendez-vous” hebdomadaire du Peuple Juif avec Hachem, et qui, à la différence des autres Moadim vient à un moment fixe, indépendant de toute intervention humaine.

Bien que les dates des autres Moadim (Pessa’h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour et Soucot) soient définies dans le principe par Hachem, ils dépendent en fait de la fixation du calendrier par le Sanhédrin. En effet, les dates des fêtes sont liées à Roch ‘Hodech (la “Tête” du mois), qui est décidé par les ‘Hakhamim chaque mois. (Bien que nous n’ayons plus de Sanhédrin aujourd’hui, notre calendrier a été défini par les derniers ‘Hakhamim aptes à le faire pour toutes les générations à venir.)

De plus, le calendrier juif comporte périodiquement un mois supplémentaire, destiné à équilibrer le calendrier des mois dépendant du cycle de la Lune, avec le rythme de l’année naturelle qui suit le cycle du Soleil.

Cette dualité de notre calendrier est surprenante !

Si cette obligation ne figurait pas explicitement dans la Torah, nous pourrions imaginer, (comme certains de nos frères qui ignorent l’étude de la Torah, et s’empressent d’adhérer aux thèses “scientifiques” de l’étude des “religions” …) que c’est le résultat d’un “savant cocktail” élaboré par des “sages” inventeurs …

Mais en vérité ces deux références sont indiquées clairement dans la Torah :

– La Mitsva de fixer Roch ‘Hodech nous a été donnée juste avant la Sortie d’Egypte (Chemot 12, 2).

– Le rythme des saisons est mentionné dans le Séfer Devarim (16, 1) où Hachem nous prescrit de veiller à ce que Pessa’h soit toujours fixé à la saison de maturité de l’orge que nous apportons en offrande le second jour de Pessa’h (Offrande du Omer).

Quelle est l’importance de ces deux éléments dans notre existence ?

De plus, la notion du temps elle-même, qui se manifeste avec une valorisation particulière dans ces Mitsvot, est pour nous une énigme !

A nos yeux, le temps semble n’être que le simple déroulement des évènements.

Cette impression est due, comme l’ensemble de notre regard sur le Monde, à un manque de réflexion.

Nés dans le Monde tel que Hachem l’a créé, nous n’avons pas l’occasion de nous interroger spontanément sur ses caractéristiques et leur sens.

C’est ce que soulignent plusieurs des ouvrages de nos Maîtres comme le ‘Hovot Halevavot dans la partie nommée “Chaar Habe’hina” (la Porte de l’observation), ou le ‘Hazon Ich, Emouna ouBita’hon, Chapitre I.

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou) insiste abondamment sur la définition du temps. Il cite (entre autre Vol. II, p.21) les paroles de son Maître Rav Tsvi Hirsch Broïdé qui expliquait que ce n’est pas le temps qui s’écoule sur l’homme, mais c’est l’homme qui “voyage” dans le temps. C’est-à-dire que tout comme l’espace, le temps est une réalité créée par Hachem.

Du fait que ces notions touchent au mystère de la Création, qui par essence nous échappe, nous ne pouvons appréhender que le Monde où nous évoluons, et en aucun cas la réalité précédant la Création.

Et du fait de notre incapacité intrinsèque à y accéder (et non par “tabou” !), le Rambam mentionne l’interdiction que Hachem nous a imposée de “philosopher” sur ce genre de pensée (Hilkhot Avodat Cokhavim, 2,3).

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, II, p.18) rapporte le Midrach (Beréchit Rabah, 3,1) qui commente le verset de Kohélet (3, 1) : “…à tout, il y a un temps, et un moment pour chaque chose …”.

Nos ‘Hakhamim citent dans ce Midrach divers évènements fondamentaux de l’Histoire du Monde : l’entrée d’Adam Harichone au Gan Eden, et sa sortie après sa faute ; l’entrée de Noa’h dans la Téva (Arche), et sa sortie après le Maboul (Déluge) ; l’accession d’Avraham à la Mila (la Circoncision), et celle de ses descendants ; et enfin le don de la Torah.

Rav Dessler cite les explications du Maharal (Tiférèt Israël, Chapitre 25) qui développe que la Création du Monde ne s’est pas réalisée de façon accidentelle. Chaque détail résulte d’un programme précis !

Le fait que le verset témoigne que chaque évènement avait son moment prévu souligne clairement l’Ordre Supérieur qui préside au fonctionnement du Monde.

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Vayikra, 23, 2) commente le verset de notre Paracha dédié aux Moadim. Ces Moadim correspondent chacun à un évènement particulier de notre histoire.

Aussi, nous pourrions penser que chaque fête de notre calendrier est due exclusivement à ces épisodes, leur moment n’étant qu’un détail secondaire.

Irions-nous également jusqu’à affirmer que le repos du Chabat est le résultat de ce que Hachem a cessé Son œuvre le septième jour ?!

Voilà qui relève de l’absurde !

Hachem aurait-Il eu besoin de s’arrêter, comme nous, pour Se reposer ?!

Rabbi Yerou’ham, cite le Midrach relatif au verset de Kohélet, qui révèle que le “Temps” est une composante fondamentale de la Création.

Dans ce Midrach, nos ‘Hakhamim nous ont dévoilé un secret grand et élevé, à savoir que tout dépend et est inclus dans le temps.

Dans la Création du temps, toute la réalisation du Monde est contenue !

Tout ce qui manque alors pour l’accomplissement des étapes de l’Histoire n’est que la “préparation” de l’homme à accueillir l’influx spirituel supérieur issu du “moment”.

Rabbi Yerou’ham développe cette analyse plus abondamment dans Daat ‘Hokhma OuMoussar (II, Chapitre 73) où il explique que l’essentiel des évènements tient dans le “Temps” qui leur est prévu.

Il ne s’agit pas simplement d’un moment “propice”, mais le “Temps” est réellement “générateur” du résultat.

Reste le fait que l’évènement ne pourra s’accomplir qu’en fonction de la disponibilité de l’homme face à ce “programme”.

Lorsqu’un fait est positif, il appartient et incombe à l’homme de s’y préparer pour le “recevoir”.

Lorsqu’un fait potentiel est “négatif”, l’homme doit soigneusement éviter toute “disponibilité” à un tel développement.

C’est pourquoi nos ‘Hakhamim soulignent comment Hachem a évité de donner l’opportunité à Bil’am de maudire les Bené Israël, car si le moment avait été “propice”, ses malédictions se seraient forcément réalisées, étant “contenues” dans le “temps”.

C’est ainsi que Rabbi Yerou’ham explique les risques inhérents à certaines périodes comme celle des “Trois semaines” situées entre le 17 Tamouz et le 9 Av (respectivement les dates de la faute du Eguel -le Veau d’or (Chemot 32,1-6), et celle du retour des Meraglim – les Explorateurs (Bamidbar, 13, 25-33).

Ces “temps” contiennent toute la potentialité des catastrophes, et il faut donc soigneusement éviter d’être “en phase” avec ces risques …

Rabbi Yerou’ham cite également la Guemara (Makot, 23b) qui rattache les 365 Mitsvot “négatives” (c’est-à-dire d’interdiction) aux 365 jours de l’année solaire. Ce n’est pas une simple coïncidence, mais un lien profond entre le temps et les Mitsvot.

De même, les Moadim, depuis le Chabat jusqu’aux autres jours particuliers de notre année, ne sont pas le résultat des évènements spécifiques qui s’y sont produits.

Au contraire, ces jours comportent déjà la potentialité des faits, la part des évènements étant “secondaire”.

Nous pouvons comprendre ainsi le verset (Beréchit, 19, 3) qui dit que Lot, le neveu d’Avraham prépara des Matsot pour ses “invités” (les Mal’akhim – les Anges, qui venaient détruire la ville de Sedom, et sauver Lot).

Rachi explique que Lot prépara des Matsot car c’était Pessa’h, alors que cet épisode s’est déroulé 400 ans avant la Sortie d’Egypte ?!

Toutefois, avec les enseignements de nos Maîtres sur la dimension du temps, nous pouvons comprendre que Pessa’h “préexiste” à la Sortie d’Egypte qui était prédestinée.

Reste à comprendre la dualité de notre rapport au temps !

D’une part le calendrier est axé sur le fonctionnement naturel du Monde, indépendant de l’intervention de l’Homme dans la définition de l’année selon le rythme immuable du Soleil.

D’un autre côté, au seuil de la Sortie d’Egypte, nous avons reçu la Mitsva de fixer le calendrier selon le cycle lunaire, validé à chaque étape par les ‘Hakhamim du Sanhédrin.

Rav ‘Haïm Friedlander (Sifté ‘Haïm, Moadim II, p. 259) analyse ce sujet en soulignant les deux dimensions fondamentalement différentes dans la Création : la Création initiale où l’initiative vient exclusivement de Hachem. Ce mode de fonctionnement s’est prolongé jusqu’au moment de la Sortie d’Egypte. Puis, au seuil de la Sortie d’Egypte, Roch ‘Hodech Nissan marqua le « point de départ » où Hachem confia, en quelque sorte, la direction du Monde aux Bené Israël.

C’est ce que représente la transmission de la fixation du calendrier aux ‘Hakhamim du Sanhédrin.

La Maîtrise du Temps est en réalité la Maîtrise de la Création. Par cela, Hachem nous a attribué une mission exceptionnelle !

Telle est la grandeur extraordinaire que Hachem a octroyée à Son Peuple, ambassadeur de la Kedoucha (“Sainteté”, mais plus clairement manifestation de la Royauté Divine) sur Terre.

Ce passage dédié aux Moadim a donc bien sa place dans la Paracha des Cohanim, qui sont chargés de représenter les Bené Israël dans l’endroit réservé au contact intime d’Israël avec Hachem. Tout comme le Michkan (Tabernacle) ou le Beth HaMikdach (Temple) sont des lieux privilégiés de Présence de Hachem, les Moadim ont la même fonction dans la dimension du temps.

Et de même que le Michkan et la Avoda (Service) des Cohanim ne sont que “l’échantillon” de la Avoda de l’ensemble des Bené Israël dans leur quotidien, pareillement les Moadim doivent être le concentré et la source de notre Avoda de tous les jours.

C’est au Peuple Juif que Hachem a confié la gestion du Temps !

Le temps est le cadeau précieux que Hachem nous a octroyé. Nous devons le préserver de toute atteinte, afin d’arriver à la fin de notre parcours aussi proches que possible de notre ancêtre Avraham au sujet duquel la Torah dit (Beréchit 24, 1) : “…et Avraham était âgé, venant dans les jours …” qui peut s’expliquer “venant avec ses jours”, c’est-à-dire ayant valorisé chaque instant de sa vie en lui donnant une valeur éternelle…

שבת שלום !

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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