Parasha – 92 Behar – Be’houkotaï 5783

בס”ד

Ce Chabat, nous lisons les deux dernières Parachiot du Sefer Vayikra, qui est appelé par nos ‘Hakhamim “Torat Cohanim” car il est consacré principalement aux règles relatives au Michkan (Tabernacle) et au Beth HaMikdach (Temple) qui l’a remplacé.

Les Parachiot du Sefer Vayikra nous montrent que même les lois qui semblent étrangères à la Avoda (le Service) dans le Beth Hamikdach sont en réalité reliées à la Kedoucha (la “Sainteté”, ou plus exactement la “manifestation de la Royauté de Hachem”).

La première de ces deux Parachiot, Behar, commence par les règles de la Chemita (l’année sabbatique) et du Yovel (la cinquantième année, qui suit sept cycles de Chemita), pendant lesquelles l’exploitation de la terre est interdite (Vayikra 25, 1-13).

Suivent ensuite diverses lois sur les transactions mobilières et immobilières, les prêts, et la règlementation de “l’esclavage” (25, 14-54) …

Tout cela semble nous éloigner de l’atmosphère “feutrée” de la Avoda !

Rachi (Vayikra 26, 1) justifie l’enchaînement des sujets de cette Paracha comme l’avalanche d’avatars qui s’accumulent sur celui qui n’a pas respecté les lois de la Chemita en faisant commerce des fruits de cette année, au lieu de les laisser librement à la consommation publique, comme le stipule le verset (Vayikra 25, 6).

De prime abord, les règles étroites relatives aux relations commerciales nous apparaissent comme une “incursion” dans la vie” civile”, sans lien manifeste avec la Avoda !

Elles sont toutefois soulignées comme dépendantes de notre lien avec Hachem.

“N’abusez pas chaque homme son prochain, tu craindras ton Dieu, car Je suis Hachem votre Dieu” (25,17). “Et la terre ne sera pas vendue définitivement, car à Moi est la terre ; car vous êtes étrangers et résidents avec Moi” (25,23). “Ne lui prends pas “Nechekh et Tarbit” (intérêt), et tu craindras ton Dieu…” (25,35). “Je suis Hachem votre Dieu Qui vous ai fait sortir du pays d’Egypte… pour être pour vous Dieu !” (25, 38). “Car ils sont Mes serviteurs, que J’ai fait sortir du pays d’Egypte, ils ne seront pas vendus d’une vente d’esclave !” (25,42) ….

La Paracha Be’houkotaï débute avec les Berakhot attachées à l’étude assidue de la Torah, qui viennent témoigner de l’unité des Mitsvot (26, 3-13).

Le verset 11 cite les Paroles de Hachem : “Je placerai Ma résidence en votre sein …”, qui rappelle le verset (Chemot 25, 8) : “Ils Me feront un Mikdach (Sanctuaire) et Je résiderai en leur sein !”.

Le même terme de “résidence” qui a été exprimé relativement à la Chekhina (Présence de Hachem) dans le Michkan (Tabernacle) est utilisé ici pour couronner l’attachement des Bené Israël à la Torah.

La Torah souligne ainsi le sens profond de ses lois !

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Vayikra 25, 36) développe la dimension essentielle d’une des Mitsvot fondamentales de la Torah : l’interdiction du prêt à intérêt entre Juifs.

Il souligne que dans le cas d’un emprunt destiné au commerce, qui est le sujet principal du verset, le profit que retirerait le prêteur n’a rien d’immoral en soi. Quoi de plus normal en effet que de compenser par une juste participation aux gains la perte de jouissance de son capital que le prêteur aurait pu lui-même faire fructifier !

Dans un tel cas, l’emprunteur n’est nullement lésé, et le prêteur ne gagne pas abusivement sans raison.

Le sens de cette Mitsva est clairement comparable aux règles de la Chemita et du Yovel, qui limitent les droits de l’Homme sur la terre par les interdictions d’exploitation (25, 1-13), et l’impossibilité de vendre définitivement un terrain (25, 25-28).

Ces restrictions ont comme objectif de rappeler à l’Homme qu’il n’est pas “maître du monde” !

Confier un prêt à autrui selon les modalités de la Torah équivaut à reconnaître qu’on n’a qu’un rôle de “gérant” des biens “pour le compte” du vrai propriétaire : Hachem.

Ainsi, à travers toutes les directives régissant notre quotidien, nous faisons pénétrer la Présence de Hachem dans toutes les parcelles de notre existence.

Le début de la Paracha Be’houkotaï, décrit une vie épanouie tournée vers l’étude assidue de la Torah, qui amène la Berakha dans toutes les facettes de l’existence, qui n’est donc pas étrangère au domaine de la Kedoucha (“Sainteté”), le Michkan (Tabernacle) !

Bien au contraire, c’est la réalisation ultime de la Présence de Hachem dans Son Peuple.

Les cultures humaines étrangères visent à la suprématie absolue de l’Homme sur le Monde, en confinant le “divin” dans des locaux spécifiques.

La Torah vise au contraire à élargir au maximum le contact de l’Homme avec son Créateur !

Il n’y a pas d’autre but à la Création que d’amener à cette intimité totale !

Hachem n’a pas besoin d’un “mécanicien” pour “faire tourner” le monde matériel !

Tous les efforts de l’humanité pour dominer les lois de la nature n’ont abouti qu’à détraquer tous ses mécanismes…

C’est ce qu’exprime encore la suite de la Paracha Be’houkotaï avec la Tokha’ha (la remontrance) (26, 14-46) qui décrit les conséquences dramatiques de l’éloignement du Peuple Juif de Hachem.

Au début, la dérive s’exprime par : ” et si vous ne M’écoutez pas …”.

A ce moment, les Juifs sont encore conscients de leur lien privilégié, mais ils choisissent de s’en détourner. Les catastrophes qui s’abattent sur eux ont pour but de les réveiller.

A ce titre, elles sont annoncées par : “Moi aussi Je vous ferais cela …” (26, 16).

Mais par la suite la désaffection des Bené Israël s’exprime par (26, 27) : “Et si avec cela vous ne M’écoutez pas, et vous allez avec Moi avec “aléa”…”. Il s’agit de l’adoption d’une “philosophie” du “hasard” refusant de reconnaître l’ordre profond qui régit le Monde.

Alors Hachem “se retire” de notre existence, et nous livre au “hasard” (26, 27) : “J’irai avec vous avec un emportement de hasard …”.

Ne commettons pas l’erreur de croire que Hachem se “retire” réellement, et abandonne le Monde, comme les adeptes de toutes les formes de licence voudraient le croire.

Non ! Hachem nous laisse seulement faire l’expérience d’un monde sans Kedoucha, sans valeur, où les idéologies les plus “élevées” ne consistent qu’à faire de l’Homme le gardien du “parc”, de la “réserve naturelle”, au service de l’écologie et des droits supérieurs de toutes les formes de vie végétale ou animale, même au-dessus de l’intérêt de l’Homme…

Tel est l’enseignement du Midrach (Vayikra Rabah 14, 1) qui introduit la Paracha Tazria.

Le Midrach commente le verset (Tehilim 139, 5) : “Ultérieur et prédécesseur Tu m’as affiné …”. Nos ‘Hakhamim expliquent ainsi : “Si l’Homme “mérite” (c’est-à-dire se “raffine” en donnant la priorité à sa dimension spirituelle) on lui dit : “tu as devancé la Création”. Et sinon (s’il se limite à sa réalité matérielle), on lui dit : “le moustique t’a devancé”.

C’est-à-dire que si l’Homme reconnait sa place réelle dans la Création, il en est le but, l’apogée, et sa Nechama (dimension spirituelle) a précédé le reste de la Création. Mais s’il ne perçoit son existence qu’à travers son corps, alors la réalité est qu’il est venu au monde après tous les êtres vivants, et se retrouve dans un rôle subalterne …

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Vayikra, 25, 23) développe que le but de l’existence de l’Homme est de reconnaitre son Créateur et de se soumettre à Lui sans réserve. C’est là le sens de toutes les Mitsvot qui limitent l’emprise de l’Homme sur la terre.

Il rapporte à ce sujet l’anecdote suivante : Deux plaideurs vinrent soumettre à Rav ‘Haïm MiVolozin leur différend concernant un lopin de terre. Chacun clamait à grand bruit sa revendication. A leur étonnement, Rav ‘Haïm se pencha et tendit son oreille vers la terre, pensif.

Il répondit aux questions de l’entourage en disant : “Je voulais savoir ce que disait le sol de ce conflit ? Et je l’ai entendu dire : N’êtes-vous pas tous deux à moi ?! à quoi bon cette querelle ?! “

Rav Reouven Karelnstein (Ye’hi Reouven) rapporte les paroles de Rav Ezra Barzel à propos du le verset (25, 23) : “car à Moi est la terre !”.

Par trois fois, les prescriptions de la Torah éveillent le même étonnement :

– Les modalités d’emploi d’un “Eved Ivri” (le serviteur Juif acquis pour une période de sept ans) et celles d’un “esclave non-juif sont hors de comparaison (voir 25, 39-43 ; 44-46). La “commodité” dicterait de privilégier les services du non-juif. Or la Torah nous prescrit de choisir le serviteur Juif ?!

– Lorsqu’un animal meurt sans Che’hita et est interdit à la consommation, l’alternative est entre donner sa carcasse à consommer à un “Guer Tochav” (l’étranger qui a pris sur lui de s’abstenir de l’idolâtrie) qui a droit de séjour privilégié parmi notre Peuple, ou de la vendre à un non-juif ordinaire. La Guemara (Pessa’him 21b) accorde la priorité au don gratuit au “Guer Tochav” que nous avons la Mitsva de soutenir.

–  En ce qui concerne le prêt d’argent, pareillement, il est avantageux de prêter à un non-juif en recevant des intérêts plutôt qu’à un Juif à qui on peut prêter uniquement sans la moindre rémunération. Cependant la Guemara (Baba Metsia 71a) nous dicte de donner la préférence au Juif en lui prêtant gratuitement.

Dans ces trois contextes, il semble une fois de plus que la Torah vient restreindre les droits légitimes de l’homme à exploiter ses ressources ?!

Rav Barzel donne une réponse toute simple : Si l’argent et les bêtes étaient ta propriété, tu serais alors maître de décider comment en disposer. Mais Hachem te dit “car à Moi est la terre !”. Tout M’appartient ! L’argent n’est pas à toi ! et les vaches non plus ne t’appartiennent pas ! Tout est à Hachem, et Il te dit comment en disposer : la carcasse doit être attribuée au “Guer Tochav”, l’argent prêté au Juif, et tu dois acquérir un serviteur Juif et non étranger.

Les dernières Parachiot du Sefer Vayikra ne sont pas en rupture avec les règles relatives au “Domaine Divin”, le Michkan (Tabernacle) ! Au contraire, les règles de comportement “ordinaire” et “social” viennent couronner le Sefer Vayikra, en étendant le domaine de notre intimité avec Hachem jusqu’au moindre espace de notre quotidien.  

שבת שלום !

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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