Parasha – 88 Chemini – Omer 5783

בס »ד

La Paracha Chemini commence par l’inauguration finale du Michkan (Tabernacle) avec l’entrée effective en fonction des Cohanim ; Aharon et ses fils (Vayikra 9, 1-24), et se conclut par les règles de pureté des aliments d’origine animale (11, 1-47).

Le contraste entre ces deux parties d’une même Paracha, que nous lisons ce Chabat a de quoi interpeller !

De plus, les notions alimentaires énoncées à la fin de la Paracha sont associées avec insistance à la notion de Kedoucha (« Sainteté ») (11, 44-45).

La notion de pureté développée à la fin de la Paracha, (et son corollaire, l’impureté), a deux applications distinctes : la permission de consommer limitée à certaines espèces animales, et la contamination de l’homme ou de certains ustensiles par contact avec les cadavres animaux ayant pour conséquence de le rendre impur.

Avant d’examiner les explications de nos ‘Hakhamim sur ces notions, il convient de dissiper une erreur malheureusement très répandue dans les derniers siècles, depuis l’époque des « lumières »… : Les philosophes et scientifiques de toutes sortes ont cru pouvoir analyser toute la vie à coup d’explications « naturelles », matérialistes.

Sous leur plume, tout est devenu affaire de fonctionnement physique du monde en général, et de l’Homme en particulier.

Sous cet angle, les lois de la Cacherout ont été réduites à de simples règles « diététiques » …

Le Malbim (Beréchit 3, 3-4) voit déjà l’esquisse d’une telle démarche dans les paroles que ‘Hava adresse au Na’hach (le « Serpent ») lorsqu’elle lui explique l’interdiction de manger des fruits de « l’Arbre de la connaissance ».

‘Hava ajoute l’interdiction (non exprimée par Hachem !!) de toucher même cet arbre, du fait de sa « nocivité »…

Le Na’hach profite de cette erreur d’analyse pour la faire trébucher et consommer du fruit, en la poussant contre l’arbre pour lui prouver qu’il n’est pas dangereux.

Le Malbim compare les paroles de ‘Hava au cas de ceux qui voulaient expliquer les interdits alimentaires de la Torah sous un angle diététique. Une fois la nocivité supposée réfutée, le respect de la Cacherout tombe…

Voyons maintenant les explications de nos ‘Hakhamim, tout en gardant clairement à l’esprit que notre perception, si profonde soit elle, reste très loin de la compréhension de la Volonté Divine, qui ne se révèle à nous que très partiellement dans la Torah.

Le Ramban explique à divers endroits l’impact de l’alimentation sur l’intériorité de l’homme :

– Le Ramban remarque dans notre Paracha que les poissons dotés d’écailles et de nageoires se distinguent des autres par leur espace vital, vivant plus près de la surface de l’eau que les autres animaux marins (Vayikra 11, 9).

Plus loin (11, 13), ainsi que dans la Paracha Reéh (Devarim 14, 3) le Ramban explique que la consommation d’aliments interdits cause une « obturation » de l’âme. Ces aliments véhiculent les caractéristiques de la nature de chaque animal. Aussi, l’absorption de ces aliments enracine dans l’homme les mauvaises « Midot » (traits de caractère) correspondants.

– Dans la Paracha A’haré Mot (Vayikra 17, 11) le Ramban commente l’interdiction de consommer le sang des animaux par le fait que le sang est le support du « Néfech » (la dimension spirituelle qui sous-tend la vie). Même les animaux ont une certaine dimension de « Néfech », que Hachem n’a pas autorisé l’Homme à s’approprier. De plus, il souligne que le sang s’assimile particulièrement, sans processus de changement par la digestion. Aussi, en absorbant le sang des animaux, l’homme intègrerait à sa personne l’identité de l’animal.

– Enfin, dans la Paracha Michpatim, où la Torah insère le verset (Chemot 22, 30) :  » et des hommes de « Kodèch » vous serez pour Moi … » qui introduit l’interdiction de consommer la chair d’un animal atteint d’un défaut vital, le Ramban explique que les aliments interdits rendent inapte au contact profond avec Hachem.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne que la Torah n’a pas dit : des hommes « Kedochim », ce qui aurait signifié que le simple fait de s’abstenir des aliments interdits suffirait à amener l’homme à la Kedoucha. Ce n’est évidemment pas le cas ! La Kedoucha s’acquiert par des efforts incessants tout au long de la vie. Toutefois, afin de progresser dans cette direction, il faut tout d’abord éviter soigneusement ce qui compromettrait irrémédiablement cet objectif !

Rav Hirsch ajoute que cette introduction de l’interdit des animaux « Tréfa », en tête des règles alimentaires, par la notion de Kedoucha, manifeste clairement la dimension exclusivement spirituelle de ces restrictions.

La place de ce verset au sein de la Paracha dédiée aux lois « sociales » vient souligner l’unité de l’existence, sans barrière entre l’éthique de vie spirituelle, et les valeurs collectives.

Les désordres qui se manifestent de façon choquante de tous temps, et particulièrement actuellement, à une époque de soi-disant unité des peuples,  dans le comportement des nations, de leurs élites, et de leurs institutions internationales, leurs équivalents dans les explosions de violence de ceux de nos frères qui ont choisi de tourner le dos à la Torah, sont autant de manifestations de l’écart entre le Peuple de Hachem, régi par Ses lois, et l’ensemble de l’humanité, prétendant atteindre la perfection sociale dans des valeurs exclusivement humaines.

Dans notre Paracha (Vayikra 11, 4) Rav Hirsch remarque le lien entre les lois alimentaires et les règles de contamination par la Toum’a (impureté) de contact sous un même titre de « Kedoucha ». Cela manifeste la dimension profonde de l’alimentation dans notre existence.

La Torah de vie des Bené Israël impose des règles de comportement différentes de l’ensemble de l’humanité. Les serviteurs de Hachem, destinés à un lien particulier avec Lui, doivent réserver à chaque facette de leur quotidien une dimension spirituelle appropriée.

Ces aliments sont impurs « pour vous » (Vayikra 11, 4) et non pour chaque être humain.

Les signes distinctifs des animaux « Cacher » ne sont bien sûr pas des critères purement arbitraires, sans conséquences. Il y a évidemment un lien entre leurs caractéristiques apparentes et leur statut dans la Torah.

Toutefois, il ne s’agit pas de qualité ou défaut naturels physiques, auquel cas les mêmes restrictions auraient dû être dictées à tous les peuples. Tout comme Hachem a interdit aux « Bené Noa’h » (l’ensemble de l’humanité) de consommer de la chair arrachée à un animal vivant, Il aurait pu leur dicter le reste des règles alimentaires qui figurent dans la Torah. Le fait qu’il y ait des gradations dans ces restrictions témoigne de leur caractère spirituel, et non naturel, diététique.

Le Or Ha’Haïm HaKadoch souligne l’importance particulière que Hachem attache aux aliments. Cette importance se manifeste dans l’attention qu’Il leur porte (Vayikra 11, 44). Le verset dit : « et vous vous « sanctifierez » et vous serez Kedochim, car Je suis Kadoch … ». En quoi consiste le lien qui est fait « et vous serez Kedochim, car Je suis Kadoch … » ? Nos ‘Hakhamim (Guemara ‘Houlin 5b) disent que Hachem protège les Tsadikim de toute « embuche » dans ce domaine, même là où leurs efforts ne suffiraient pas à les éviter. Tossefot précise là-bas que cette protection est spécifique aux aliments à l’exclusion des autres interdits de la Torah.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, Vayikra p.45) rapproche les règles alimentaires des interdits de mariage, et des interdits liés à l’idolâtrie. Tous ces domaines sont rattachés dans la Torah à la notion de Kedoucha, et ainsi au lien avec Hachem, auquel les versets attribuent l’adjectif de Kadoch. Il ne s’agit bien sûr pas d’attribuer à Hachem une quelconque caractéristique, ce qui ne peut s’appliquer qu’à un être créé, et limité. Le terme Kadoch exprimé relativement à Hachem indique uniquement les modalités qu’Il dicte à l’Homme pour permettre le contact avec Lui.

La Paracha conclut les lois de Toum’a par le verset : « car Je suis Hachem, Qui vous a élevés du pays d’Egypte pour être pour vous Dieu, et vous serez Kedochim, car Je suis Kadoch » (11, 45).

Rachi rapporte l’enseignement des ‘Hakhamim qui remarquent qu’à la différence de toutes les mentions de la Gueoula (Délivrance), où le terme employé est : « sortir » d’Egypte, la Torah dit ici « élever« . Ils expliquent que ces précautions alimentaires seules auraient suffi à justifier que Hachem nous sorte d’Egypte, car elles constituent une « élévation« .

Depuis le second jour de Pessa’h, nous sommes dans la période du Omer, où nous comptons 49 jours, 49 étapes, depuis la Sortie d’Egypte jusqu’à Chavouot, Don de la Torah.

Il ne s’agit pas d’un simple compte manifestant notre attente du jour de notre union avec Hachem.

Il s’agit d’une progression par un effort personnel constant qui doit nous amener au niveau requis pour accéder au don de la Torah.

Lors de la Gueoula (Délivrance) d’Egypte, Hachem nous a octroyé « gratuitement » le niveau nécessaire à cette étape de notre progression. Toutefois, un niveau reçu ne peut pas se maintenir. Seul le résultat de nos efforts peut être acquis définitivement. C’est là l’objectif de cette période de préparation. Sans nos efforts personnels constants, la Kedoucha de la Torah ne peut pas résider en nous.

Profitons de ces jours extraordinaires pour nous imprégner de la Kedoucha des Parachiot du Séfer Vayikra, Séfer de la Kedoucha du Michkan et du Beth HaMikdach, lieux de rencontre privilégiés avec Hachem.

Prions Hachem qu’Il nous aide à atteindre le niveau qui nous rendra enfin aptes à retrouver ce contact avec Lui.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36