Parasha – 87 Pessa’h 5783

בס”ד

Pessa’h arrive enfin, avec son atmosphère particulière, faite de préparatifs fiévreux pour arriver “à temps” pour terminer… que ce soit pour éliminer les traces de ‘Hamèts y compris les plus minuscules (même là où l’obligation n’est pas évidente, comme entre les lames du parquet …) ou pour donner à la maison un aspect printanier auquel aucune mère de famille juive ne saurait renoncer pour rehausser cette fête si chère à notre Peuple.

Quand Pessa’h entre enfin, secouons la fatigue accumulée pour aborder la soirée du Séder, et revenons à l’essentiel du programme du soir du Séder pour transmettre à nos enfants notre héritage : la “magie” de notre lien avec Hachem.

Très rapidement, la Hagada donne le ton en nous rappelant les “quatre fils” auxquels la Torah s’adresse dans divers passages : “le ‘Hakham, le Racha, le Tam (“simple”, mais pas “simplet” …) et le “Chèéyno yodé’a lich’ol”.

Voici l’ordre dans lequel la Torah les présente :

– Le Racha est mentionné avant-même la Sortie d’Egypte, dans l’annonce faite par Moché Rabénou des Mitsvot relatives à ce Pessa’h de Délivrance, et de la Mitsva perpétuelle d’accomplir les Mitsvot de Pessa’h (Chemot 12, 26-27). Moché Rabénou dit alors : “…et ce sera lorsque vos fils vous diront : qu’est-ce que ce “culte” pour vous ?!”. Voilà le fils que la Hagada définit comme Racha ; et les raisons de cette analyse ne manquent pas : il ne mentionne pas Hachem comme l’origine de cette obligation, il “dit” plutôt qu’il n’interroge, et en disant : “pour vous” il s’exclut de son Peuple…

– Le “Chèéno yodé’a lich’ol” est mentionné juste après la Sortie d’Egypte, dans la Mitsva de “raconter” (ou plutôt “développer”) la Sortie d’Egypte (Chemot 13, 8) : ” …tu raconteras à ton fils ce jour-là en disant : “Pour cela Hachem m’a fait (les Nissim qu’Il a accomplis pour nous) lors de ma sortie d’Egypte !”. C’est de ce verset qu’est issue la Mitsva d’enseigner la Sortie d’Egypte particulièrement le soir de Pessa’h, en présence des Mitsvot spécifiques de la Fête : Pessa’h (l’agneau) Matsa, et Maror (les “herbes amères”).

– Le Tam survient dans le passage suivant (Chemot 13, 14) relativement à la Mitsva de consacrer à Hachem les premiers-nés, et en particulier le premier né de l’âne, dont on doit briser la nuque si on ne veut pas le racheter par un agneau qui serait donné au Cohen : “…et ce sera lorsque ton fils te demandera demain en disant : Qu’est-ce que ceci ?!”. Le fait surprenant a l’effet de provoquer son étonnement, et de le faire sortir d’une certaine inertie …

– Le ‘Hakham, enfin, n’apparaît que dans le dernier livre de la Torah, Devarim (6, 20). Il pose une question développée : “Lorsque ton fils te demandera demain en disant : quels sont les “témoignages” (Mitsvot qui témoignent d’une notion spécifique, comme celles du Seder de Pessa’h, ou la Souca …), les décrets, et les lois (“civiles”) que vous a ordonnés Hachem notre Dieu ?”. Cette question est indépendante de toute circonstance particulière, et dictée uniquement par le besoin de savoir.

Nous sommes généralement bien disposés face à l’éventualité de nous mesurer à la mission de répondre au ‘Hakham, même si nous préjugeons un peu rapidement de nos compétences pour un tel développement. La perspective de devoir affronter le Racha n’a, bien sûr, rien d’enthousiasment ! Quant aux Tam et “Chèéno yodé’a lich’ol” nous sommes tentés de les voir uniquement dans les jeunes années.

Sortons des clichés usés, pour tenter de considérer les choses avec un regard neuf, comme nous devrions le cultiver relativement à toute la Torah.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, Devarim 6, 20) rapporte cette explication : le mot “demain” n’apparaît que chez le ‘Hakham et le Tam, et non relativement aux Racha et “Chèéno yodé’a lich’ol” !

Le ‘Hakham et le Tam n’en viennent à s’interroger que “demain”, lorsque l’époque de grandeur de Moché Rabénou aura pris fin, et que l’oubli aura altéré notre connaissance des Mitsvot.

Par contre le Racha, et son “émule” le “Chèéno yodé’a lich’ol”, n’hésitent pas à contester la validité de la Torah même lorsque la Présence de Hachem est manifeste. C’est pourquoi la Torah ne dit pas “demain” à leur sujet.

Rav Matitiahou Salomon (Matnat ‘Haïm sur le Séder de Pessa’h) souligne que le Racha ne doit pas nous apparaître forcément sous l’aspect d’un mécréant, ennemi juré des Mitsvot.

Il cite au nom de Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah Chemot 12, 26) que la question est sensée, et que celui qui la pose “présente bien”, comme un ‘Hakham. Toutefois la Torah nous apprend à analyser avec précision son langage pour y découvrir les racines du rejet, et nous incite donc à lui répondre comme il se doit pour le réveiller et peut-être le ramener à la raison en lui soulignant que sa démarche l’exclut du mérite de sortir d’Egypte.

Rav Salomon rapporte au nom de Rav Baroukh Ber que la “réponse” inscrite dans la Torah à la suite de la question du Racha n’est pas du tout la réponse au Racha lui-même, mais le fait de renforcer notre propre Emouna après avoir entendu ses “insanités”.

Quant au “Chèéno yodé’a lich’ol”, Rav Salomon cite Rav Moché Mordekhaï Epstein qui explique qu’il s’agit de quelqu’un d’influençable qui serait déstabilisé par les paroles de dérision du Racha. C’est pourquoi la Torah lui a réservé une réponse qui sert par ailleurs de base à la réponse au Racha : “Hachem m’a fait”, à moi et pas à lui, afin d’immuniser le “Chèéno yodé’a lich’ol” contre la corrosion des paroles du Racha.

Rav Sim’ha Zissel Broïdé (Sam Dérekh, Haggadah de Pessa’h) souligne le “pluriel” employé lors de l’intervention du Racha (“Vos fils vous diront”).

Il explique qu’en réalité les interlocuteurs sont variés et justifient des réponses “sur mesure” pour chacun, que ce soit parmi la catégorie du Racha, ou aussi du ‘Hakham et des autres.

La Torah nous définit une dimension de vie individuelle et non uniforme, même dans l’accès à la Gueoula (Délivrance). Au sein de la destinée collective, Hachem distingue chacun selon ses mérites.

Nous pouvons également percevoir dans le pluriel de l’intervention du Racha le fondement du monde des “mouvements publics”. Là où le besoin de comprendre du ‘Hakham et du Tam s’expriment au singulier, chacun ressentant un élan personnel de recherche de la vérité, la dérision et la contestation du Racha s’appuient sur le nombre pour déstabiliser. Ce n’est que par la “loi du nombre” que le Racha et ses émules cherchent à donner une “authenticité” à leurs revendications. C’est le monde moderne des “manifestations” et cortèges divers destinés à faire pression sur l’opinion publique pour la façonner.

La santé de la démarche du ‘Hakham et du Tam s’exprime par le singulier qui montre l’authenticité de leurs sentiments et de leur questionnement.

Considérons maintenant la réponse de la Torah à la question “vaste” du ‘Hakham (Devarim 6, 21-25). Apparemment, on ne répond pas à la totalité de sa question. Il a mentionné diverses sortes de Mitsvot, et nous lui répondons en mentionnant uniquement les décrets (verset 24). De plus, nous introduisons la réponse par un rappel de la Sortie d’Egypte à laquelle il n’a pas fait la moindre allusion. Enfin nous concluons que ce sera pour nous un mérite d’accomplir toutes les Mitsvot “comme Hachem nous l’a ordonné” !

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Yessodot Ha’Hinoukh, I, p.125) souligne que la réponse au ‘Hakham doit tout d’abord consister à établir les bases saines de l’étude. Ce n’est pas par “intérêt” personnel que nous devons nous pencher sur les Mitsvot de la Torah, mais au titre de notre lien avec Hachem Qui nous a sortis d’Egypte et guide chacun de nos pas. Le ‘Hakham ne doit pas s’égarer dans une démarche personnelle qui ne serait plus une approche authentique de la Torah.

Nous voyons, à travers ces quelques éléments, que la mission qui nous incombe le soir du Séder de Pessa’h (mais pas uniquement le soir du Séder ! …) ne se limite pas à distribuer des clichés stéréotypés. De plus, le ‘Hinoukh dont il est question dépasse largement les limites des interlocuteurs du “jeune âge”.

En fait, la soirée de Pessa’h autour de la Hagada est l’occasion annuelle pour chacun de nous de mesurer au plus profond de notre être la part de chacun des 4 fils qui s’y cache …

C’est ainsi que nous pourrons espérer recevoir notre part individuelle de la Gueoula (Délivrance) au sein de la collectivité de notre Peuple.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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