Parasha – 85 Vayikra 5783

בס”ד

Nous voici arrivés au Sefer Vayikra qui est dédié aux Mitsvot des Korbanot (“Offrandes”) et de tout ce qui concerne la Kedoucha (“Sainteté”), qui sont les facteurs de la Présence de Hachem en notre sein.

Les notions des Korbanot et de la Kedoucha ne sont pas vraiment accessibles à notre compréhension du fait de leur traduction inappropriée dans des langues étrangères à nos valeurs.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne que la traduction couramment admise du mot Korban par “sacrifice” a une connotation négative de “retranchement”, comme s’il s’agissait de se priver de quelque chose pour l’abandonner à Hachem. D’autres langues traduisent ce mot par “offrande” – qui a encore le défaut de suggérer que Hachem “recevrait” de nous un cadeau. Hachem n’a pourtant aucun manque que nos “attentions” pourraient combler !!!

De même, la traduction de Kedoucha par “sainteté” dénature son sens.

Dans l’approche du monde qui nous entoure, la sainteté évoque un comportement d'”ascèse”, qui renierait tout droit à profiter des cadeaux de Hachem dans la Création. Où serait, alors, la place des Berakhot par lesquelles nous remercions Hachem pour tout ce qu’Il nous prodigue ?!

Le Korban est, comme Rav Hirsch le remarque, un “véhicule” pour nous rapprocher de Hachem : le mot “Korban” est issu du verbe “Karev” – “approcher”.

La Kedoucha est l’expression de la “Grandeur” de Hachem face à nous. Nous vivons dans un monde d’obscurité, où l’apparence de fonctionnement “naturel” occulte la réalité de la Création.

Telle est la volonté de Hachem, afin de nous ménager la place à la “Be’hira” (le libre arbitre – ce qui ne signifie pas, comme certains le croient, le “droit” à choisir nos options, mais la “capacité” de choisir …) qui nous donne le mérite de nos décisions positives.

Agir dans le sens de la reconnaissance de la Présence de Hachem en tout dans le monde est un pas vers la Kedoucha, comme nous le soulignons dans toutes nos Tefilot, et en particulier dans celles des jours de Tichri, Roch Hachana et Yom Kippour.

Le Michkan (Tabernacle), puis à sa suite le Beth HaMikdach (Temple) ne sont pas des lieux de “culte”, comparables aux sanctuaires des diverses religions. Hachem n’a nul besoin de nos “cadeaux” ni de cérémonies religieuses de toutes sortes !

Le Michkan est un lieu “d’extra-territorialité” au sein d’un monde apparemment abandonné au règne de la nature. C’est l’endroit où s’exprime “librement” la réalité de la Création. Les limites de fonctionnement des lois de la nature n’y ont simplement pas cours. Il ne s’agit pas, comme la description des “miracles” qui y étaient vécus en permanence le laisserait penser, de manifestations spectaculaires destinées à impressionner la population. Les Nissim (Miracles) accomplis dans le Michkan, ou ceux réalisés à l’initiative de Tsadikim, ne sont que des rappels de la véritable réalité du monde. Le monde matériel que nous percevons n’est que “l’enveloppe” de la dimension spirituelle qui en est l’essence.

La Paracha s’ouvre sur le verset : “Il (Hachem) appela Moché…”.

Nos ‘Hakhamim (Midrach Vayikra Raba, 1, 15) commentent ce verset : “Tout Talmid ‘Hakham (Sage) qui n’a pas de “Daat” (Sagesse) un cadavre animal lui est supérieur ! Sache qu’il en est ainsi à partir de Moché Rabénou, qui était le  père de la ‘Hokhma, père des Neviim (Prophètes), qui a sorti les Bené Israël d’Egypte, par lequel ont été accomplis de nombreux Nissim en Egypte et des manifestations redoutables à Yam Souf (la Mer des joncs), qui est monté aux cieux supérieurs, et a amené “en bas” la Torah des Cieux, et s’est occupé de la construction du Michkan … et il n’est pas entré à l’intérieur jusqu’à ce que Hachem l’appelle, comme il est dit : “Il appela Moché”.

La formulation “vigoureuse” de ce Midrach est particulièrement surprenante : “Un cadavre animal lui est supérieur” !

De surcroit, le Midrach laisse entendre par la référence qu’il fait à Moché Rabénou que cette formule aurait pu lui être appliquée s’il n’avait pas attendu l’appel de Hachem pour pénétrer dans le Michkan !?!

Toutes les qualités profondes de Moché Rabénou auraient ainsi été reniées pour cette simple démarche qui nous semble somme toute naturelle.

Quoi de plus compréhensible, en fait, que de couronner la confection du Michkan par le fait de le “mettre en fonction” ?! Le Michkan n’a-t-il pas été réalisé pour cet aboutissement ?!

De plus, la Torah nous décrit plus loin (Vayikra, 10, 1-2) l’évènement tragique qui eut lieu le jour de l’inauguration complète du Michkan, simultanément à l’entrée en fonction des Cohanim : les deux premiers fils d’Aharon, Nadav et Avihou, approchèrent un encens spontané devant Hachem. Ils furent sanctionnés pour cette action et moururent d’un feu issu du Michkan.

Moché Rabénou expliqua alors à Aharon (10, 3) : “C’est ce que Hachem avait dit : “…par Mes proches Je serai “sanctifié”.

Rachi rapporte l’explication du Midrach que Hachem avait annoncé à Moché Rabénou que le Michkan serait “sanctifié”, c’est-à-dire que son importance serait soulignée par la sanction de proches de Hachem pour une erreur infime.

Moché Rabénou pensait qu’il s’agirait de lui-même ou d’Aharon.

Maintenant, l’évènement montrait que Nadav et Avihou étaient parés d’une grandeur particulière.

Nous en déduisons que la faute de Nadav et Avihou n’était pas si flagrante qu’elle puisse être considérée comme une faute ordinaire, qui n’aurait pas souligné l’importance particulière du Michkan. Il s’agit donc d’un “dérapage” comparable à celui qu’a évité Moché Rabénou : entrer dans le Michkan sans avoir reçu une invitation spéciale de Hachem.

Et quel est donc le sens du terme “Daat” dont nos ‘Hakhamim sanctionnent si sévèrement l’absence chez un Talmid ‘Hakham ?

Rav Yehouda Leib ‘Hasman (Or Yahel, Torah, Vezot Haberakha) développe que la Grandeur de la Torah tient dans son accomplissement et pas simplement dans son étude. De même que dans le domaine pratique, les théories les plus logiques aux yeux des inventeurs butent sur l’application concrète, et ne sont validées que si les faits les confirment, ainsi la réalité spirituelle est absolue, et seul le vécu concret des principes de la Torah peut vaincre les tentations du Yetser Hara (penchant du mal).

Le sentiment profond du cœur de l’homme ne s’éveille pas sous l’influence de la simple réflexion. Le réel est nécessaire pour toucher l’âme au plus profond.

Ainsi, l’entrée de Moché Rabénou dans le Michkan, pour bénéficier de l’influence de cet espace spirituel exceptionnel, ne pouvait s’accomplir qu’accompagnée de l’aide Divine. Faute de ce soutien, ce serait une démarche personnelle, qui serait en rupture avec le sens réel de cet endroit.

Rav Ye’hezkel Sarna (Daliot Ye’hezkel, vol. I, p.441) s’étonne de ce que le Michkan devait être accompagné d’un évènement si marquant que la mort de Nadav et Avihou pour atteindre l’épanouissement de sa Kedoucha. Il répond que la “Yir’a” (la Crainte respectueuse de Hachem) se décline à des niveaux progressifs, jusqu’à la “Yir’at ‘Hèt” – la crainte de la faute.

Les premiers stades sont la crainte de la punition, puis la crainte respectueuse face à Hachem.

Mais la conscience de la gravité de l’erreur si infime soit-elle, est nécessaire pour parachever l’élévation de l’homme dans son contact avec Hachem. Percevoir le besoin d’une autorisation pour pénétrer dans le Michkan, et la gravité d’une démarche spontanée était la “touche finale” indispensable pour marquer la dimension spéciale du Michkan, représentant la véritable réalité de la Création, même matérielle.

Si Moché Rabénou avait failli ne serait-ce qu’à cette retenue liée au “Dérekh Erets” (les “principes fondamentaux de la Création”, et non le “savoir vivre” des “civilisations” qui nous entourent, comme il est trop souvent traduit …), toute sa grandeur en aurait été affectée, au point qu’il aurait été justifié que Moché lui-même disparaisse pour cette erreur vénielle.

La Paracha vient ainsi nous apprendre à quel point le respect des principes fondamentaux de fonctionnement du monde, érigés par Hachem, est une condition rédhibitoire de la stature de l’homme.

Si grand que soit un Talmid ‘Hakham, si haut qu’il soit arrivé dans son approfondissement de la Torah, seul son comportement quotidien est la garantie de l’authenticité de son niveau.

La Torah, et l’accès au Michkan, siège de la Présence de Hachem dans le monde matériel, ne s’ouvrent que devant une approche dictée par la Mitsva, et non par l’ambition personnelle de grandir, même si elle est sincèrement motivée par la soif de spiritualité et non par la quête des honneurs.

Le Sefer Vayikra, avec l’assortiment des lois dédiées au Michkan et aux Korbanot, jointes aux lois régissant le comportement quotidien, est la clé d’une intégration réelle du spirituel dans la vie physique.

kvlhm.ks@gmail.com

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36