Parasha – 84 Vayakhèl – Pekoudé – Ha’Hodèch 5783

בס”ד

Ce Chabat, nous lisons les deux dernières Parachiot du Séfer Chemot, qui clôturent ce Séfer.

Dans son introduction au Séfer Chemot, le Ramban le définit comme le Séfer de la Première Galout (Exil) du Peuple d’Israël, et sa délivrance. Il souligne que cette délivrance n’est accomplie que lorsque les Bené Israël reviennent à leur “place”, au niveau de leurs Pères.

Ce n’est donc que lorsque les Bené Israël achevèrent la confection du Michkan (le Tabernacle) et que La “Présence” de Hachem résida en leur sein, qu’ils revinrent au niveau de leurs Pères (Avraham, Its’hak et Yaacov) sur la tente desquels reposait la Manifestation de Hachem.

Ce n’est qu’à ce moment-là que les Bené Israël furent considérés comme délivrés de la Galout, dont l’essentiel est d’ordre spirituel. Le Ramban explique que c’est pour cette raison que le Séfer Chemot s’achève sur l’inauguration du Michkan, accompagné de ces paroles : ” Le Kavod (la Gloire) de Hachem l’emplit en permanence !” (Chemot 40, 35).

La perception de la dimension extraordinaire de ces notions est très éloignée de notre capacité de compréhension !

Le Michkan que Moché Rabénou avait construit dans le désert fut remplacé par le Beth HaMikdach que construisit Chlomo HaMélekh.

Après que Nevou’hadnétsar, l’Empereur babylonien qui exila les Bené Israël, l’ait détruit, Ezra construisit le second Beth Hamikdach lorsque les Bené Israël revinrent de Galout (Exil) en Babylonie après 70 ans.

Ce second Beth HaMikdach qui dura 420 ans, jusqu’à sa destruction par les Romains, ne comportait pas toutes les manifestations de la Présence de Hachem qui caractérisaient le Michkan et le premier Beth Hamikdach. Depuis la destruction du second Beth Hamikdach, et la Galout par les Romains, nous sommes privés de cette grandeur spirituelle, et avons perdu le sens de ce qu’elle représentait.

Toutefois, si la Torah nous décrit en détail la confection du Michkan et son entrée en “fonction” à la fin de notre Paracha et en clôture du Séfer Chemot, comme le Ramban l’a souligné, ce n’est certainement pas pour entretenir notre nostalgie, mais pour nous inspirer dans notre approche du quotidien.

La Guemara (Berakhot, 8a) enseigne : “Depuis le jour où le Beth HaMikdach a été détruit, Hachem n’a plus, dans Son Monde que les 4 coudées de la Halakha (c’est-à-dire l’espace autour du Talmid ‘Hakham qui se consacre à l’étude approfondie de la Torah)”.

Essayons de comprendre ce que représente le Michkan pour appréhender, ne serait-ce que partiellement, ce que nous devons éprouver en entrant au Beth HaMidrach (la Maison d’étude) pour nous plonger dans l’étude de la Torah.

Même si nous n’avons pas le mérite de la manifestation visible de la Présence de Hachem, l’étude au Bet HaMidrach est l’occasion la plus proche de rechercher le contact avec Hachem qui nous est donnée.

Les derniers versets de la Paracha nous décrivent le moment grandiose de la première manifestation de Hachem dans le Michkan :

“Le “Anane” recouvrit le “Ohel Moèd”, et le “Kavod” de Hachem emplit le Michkan. Et Moché ne pouvait pas venir vers le “Ohel Moèd” car le “Anane” résidait sur lui, et le “Kavod” de Hachem emplissait le Michkan” (les mots essentiels sont cités en Lachone Hakodech afin de préserver une lecture authentique).

– Le terme “Ohel Moèd” est généralement traduit par “Tente d’Assignation”, c’est-à-dire lieu où Hachem fixait “rendez-vous” aux Bené Israël.

– Le terme “Anane” est traduit par “nuée”, ce qui nous mène trop facilement à une représentation matérielle accentuée, qui occultera forcément le sens profond de cette manifestation.

– Le mot “Kavod” souffre encore plus de banalisation. Même si les traductions du verset chercheront à “élever” la notion en traduisant par “Gloire”, ou par “Majesté”, ces termes sont trop reliés à des fastes passés de mode pour avoir encore une dimension valorisante pour nous. Ils sont trop attachés aux personnalités publiques avides de considération pour garder un éclat à nos yeux. De plus, le mot “Kavod” reste utilisé abondamment dans les relations sociales banales.

Essayons donc de revenir au sens plus authentique de ces notions.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Chemot, 16, 7) définit le terme “Kavod” comme le correspondant spirituel du terme “Kovèd” qui signifie “poids”. De même que le poids d’une chose définit sa masse, c’est-à-dire l’importance de sa matière, ainsi le “Kavod” vient définir l’importance Spirituelle – éthique.

Lorsqu’il est fait mention du “Kavod” de Hachem (comme dans le verset commenté par Rav Hirsch, qui décrit la Manifestation de Hachem dans le don quotidien de la Manne), il s’agit d’exprimer un “éclat” de Sa Présence et de Sa Grandeur.

Nous ne parlons bien sûr pas de Hachem Lui-même, Qui est au-delà de toute “définition”, mais de Ses Manifestations dans le monde que nous percevons.

Ainsi en est-il également de la requête de Moché Rabénou dans la Paracha précédente (Ki Tissa, Chemot 33, 18) : “Montre-moi, de grâce, Ton “Kavod”. Hachem répond à cette demande en montrant à Moché Sa mesure de “bienfait” dédié à Ses Créatures.

Rav Hirsch ajoute que le “Anane” lui-même est le “Kavod” de Hachem, car l’empreinte de la Présence de Hachem dévoile à l’Homme un “éclat” de Sa Présence. Pour ce qui est du terme “Anane”, Rav Hirsch le définit comme source d’épanouissement pour la terre. C’est la “nuée” qui apporte à la terre la Berakha.

Ces éléments peuvent partiellement “redresser” notre compréhension des versets relatifs au Michkan. Même si la Présence de Hachem était également perçue à travers des phénomènes matériels, comme une “nuée” ou une colonne de feu, ce n’est que la concrétisation dans le monde physique de faits totalement spirituels. Ce n’est pas l’épaisseur d’une nuée qui empêchait Moché Rabénou d’entrer dans le Michkan ! C’est l’intensité d’ordre spirituel de la Présence de Hachem qui imposait, même à un être aussi élevé que Moché Rabénou, la réserve due à un environnement situé au-delà de la dimension humaine. Tout comme les Bené Israël eurent besoin d’une intervention Divine particulière pour conserver leur dimension matérielle lors de la Révélation au Sinaï, ainsi était-il nécessaire de respecter un “processus” approprié pour accéder au Michkan.

Tout cela est, comme nous l’avons mentionné en introduction, malheureusement, très éloigné de notre perception.

Toutefois, nous devons nous en inspirer pour aborder les “outils” que Hachem a mis à notre disposition même en l’absence du Michkan et du Beth Hamikdach : les Mitsvot, et l’étude de la Torah.

Dans notre époque de vulgarisation de toutes les notions, lorsque seules les “valeurs” de pouvoir et de consommation sont reconnues, il nous est extrêmement difficile de garder un regard ouvert pour la Spiritualité. Nos Mitsvot prennent trop souvent une dimension matérielle qui les rend quasiment “mécaniques”. Il nous est difficile d’y voir autant de cadeaux de Hachem.

Même si l’héroïsme existe encore dans l’humanité, il est l’expression d’un “sacrifice” que l’individu fait de sa personne à la cause qu’il met au-dessus des intérêts privés. Nous concevons trop souvent la fidélité à la Torah avec le même regard.

Mais Hachem ne nous demande pas de “sacrifices” ! Hachem ne souffre d’aucun “manque” que nous devrions combler ! Bien au contraire, le “Anane” qui surmonte le Michkan, de même qu’il surmontait la tente des Avot (Patriarches) manifeste l’afflux de Berakha que Hachem “déverse” sur nous constamment.

Le “Kavod” qui emplit le Michkan, et de nos jours l’étude de la Torah, est le “baiser” de Matane Torah (le Don de la Torah) que Hachem nous accorde comme nous le demandons dans le verset de Chir HaChirim (1, 2).

Dans le Monde “en folie” qui nous entoure, il est à la fois plus difficile, et toutefois plus évident, de nous tourner vers nos valeurs éternelles. L’effondrement probant des objectifs de l’Humanité laisse dans son vide la place nette pour nous tourner vers une nouvelle “inauguration” du Michkan.

C’est également le message de la Paracha Ha’Hodech que nous ajoutons à la lecture de la Torah ce Chabat.

A l’approche du début du mois de Nissan, où nous revivons chaque année la Gueoula (Délivrance) d’Egypte, nous revenons au message que Hachem nous a adressé en introduction à la Gueoula (Chemot 12, 2) : “Ce ‘Hodech (mois) est pour vous la tête des mois …”.

Le mot “‘Hodech” est lié à la racine “‘hadach” (nouveau).

A l’opposé du calendrier solaire, qui est centré sur le rythme immuable des saisons et de la nature, notre calendrier privilégie la perception du renouveau que représente le cycle mensuel de la Lune. En intégrant les deux cycles, nous reconnaissons la Présence de Hachem dans l’Histoire collective et individuelle, qui nous aide à “rebondir” après chaque chute. Nos efforts renouvelés sont appelés à déboucher finalement sur la Gueoula ultime, où le Monde reconnaitra enfin la Présence de son Créateur.

En attendant ce moment tant espéré par de toutes les générations qui nous ont précédé, le renouveau de la Lune vient nous apprendre à ne pas capituler devant nos échecs.

En plus du moment privilégié de “l’inauguration” du Michkan, la Paracha et le Séfer de la Gueoula s’achèvent sur le verset : “…car Le “Anane” de Hachem était sur le Michkan le jour, et le “feu” était la nuit en lui, aux yeux de toute la Maison d’Israël dans toutes leurs étapes”.

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché, Chemot, p.1036) explique que la nuit représente les moments de chute, et le “feu” l’élan vers le haut pour nous dicter l’attitude nécessaire face aux épreuves de notre penchant. 

Si Pessa’h de l’année dernière ne nous a pas amenés aux sommets escomptés, si Roch Hachana et Yom Kippour ne nous ont pas restaurés comme nous l’espérions, ne nous décourageons pas !

Ce Pessa’h peut, et doit, être pour nous un moment de perception du “Kavod” de Hachem, à travers le “Anane” qui nous dispense Ses Bienfaits permanents.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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