Parasha – 82 Tetsavé-Zakhor 5783

בס”ד

Ce Chabat, nous lisons la Paracha Tetsavé dont une partie importante est consacrée aux vêtements que les Cohanim doivent porter pour la Avoda (Service) dans le Beth HaMikdach (Temple).

Nous écouterons ensuite la lecture du passage Zakhor (Souviens-toi) (Devarim 25,17-19) qui nous ordonne de perpétuer le souvenir de l’agression d’Amalek (Chemot 17,8-16) après la Sortie d’Egypte, juste au seuil de Matane Torah (le Don de la Torah) au Sinaï.

La notion du vêtement nous interpelle abondamment.

De prime abord, dans le monde actuel, la tendance de nier l’importance “éthique” du vêtement va en s’accentuant. L’évolution des mœurs, voulue comme une “libération” des mœurs, allant de débordement en débordement au fil des dernières générations, a abouti au dénigrement des modes vestimentaires classiques. Plus les modes privilégient “l’originalité”, comme moyen d’expression de l’individu, plus elles sont allées en parallèle vers une réduction de la couverture du corps toujours plus osée.

De plus, la tendance “cool” vers laquelle s’est orientée la “civilisation” dominante a même poussé les “nantis” à se donner des allures “populistes”, abandonnant systématiquement les marques de distinction qui étaient de mise par le passé.

Il est donc particulièrement difficile d’aborder la Paracha des vêtements des Cohanim qui semblerait privilégier le “paraître” à “l’être” tellement exalté par le monde environnant.

Toutefois, la violence ne diminue pas dans le monde… bien au contraire !!

La licence des mœurs ne valorise absolument pas celles que la culture prétend “libérer”, et les prétendus progrès de la civilisation sont en réalité des régressions.

Nous avons déjà cité Rav Avigdor Miller, qui souligne que toute l’Humanité est issue de Adam Harichone, être parfait créé par les “Mains” de Hachem.

Aussi, il ne peut pas être question de peuplades “primitives”, n’ayant pas encore accédé aux “bienfaits” de la civilisation. Au contraire, tous les dérèglements qui se voient dans l’Humanité sont autant de régressions des descendants de Adam Harichone. Les “prouesses” du monde moderne sont ainsi totalement comparables aux désordres des “sauvages” des pays du tiers-monde.

Une fois ces notions intégrées, nous pouvons alors envisager l’analyse de la place des vêtements dans la Avoda (le Service de Hachem dans le Beth Hamikdach), ainsi que dans notre quotidien.

Rav Avigdor Miller (Si’hot Torat Avigdor, p.250) entame l’étude de l’impact des vêtements dans la Avoda. Il souligne le fait que même un Cohen authentique, descendant de Aharon, est considéré comme étranger à la Avoda s’il l’accomplit sans être vêtu des vêtements appropriés. Sa Avoda est alors disqualifiée comme celle d’un non-Cohen.

Pour comprendre ce fait, Rav Miller revient sur la première apparition du vêtement dans l’Histoire du Monde : Les vêtements que Hachem a réalisés pour Adam et ‘Hava après la faute (Beréchit 3, 21). Il cite à ce propos le Midrach (Yalkout Chimoni Beréchit, 3, 34) qui dit que Hachem fit pour Adam des vêtements de “Kehouna” (le Service de Hachem par les Cohanim) !

L’objectif de ces vêtements était de permettre à l’Homme de revenir à sa grandeur initiale d’avant la faute. Telle est effectivement la mission de l’Humanité depuis le renvoi du Gan Eden : retrouver sa véritable grandeur.

Rav Miller cite le Messilat Yecharim qui dit (chap.7) que “l’extériorité réveille l’intériorité”. Le fait de s’habiller comme un Juif authentique amène à évoluer vers le haut dans son comportement. Et inversement, le fait de s’habiller de manière dégradante abaisse l’homme et l’amène à cultiver l’indignité et à la négation de sa grandeur profonde. Ce n’est bien sûr pas “magique”, et encore faut-il accompagner cette enveloppe des aspirations correspondantes.

Toutefois, sans cette aide, les hautes pensées philosophiques et éthiques dont se targuent les “défenseurs de l’intériorité” contre ce qui ne serait que superficialité ne seraient d’aucune efficacité pour améliorer l’homme.

Ce n’est pas la forme spécifique de chaque détail vestimentaire qui est en cause. C’est l’appartenance à la communauté de ceux qui respectent la Torah qui se manifeste par un mode d’habillement commun.

Rav Arié Zeev Gouréwitz (Meoré Chearim, p. 5) souligne que cette notion est un ‘Hok (un décret de la Torah). Il explique que tout comme Hachem nous a dicté un ensemble de comportements, comprenant entre autre les règles de “coiffure” (les Péot – coins de la chevelure) et le respect du port de la barbe (interdiction du rasage avec une lame), ainsi Il nous a interdit la pratique des ‘Houkim (“décrets”) des nations (Vayikra 18, 3-5).

De même que nos ‘Houkim, qui nous ont été dictés par Hachem, nous amènent la Kedoucha (“Sainteté”) qui nous approche de Hachem, ainsi les ‘Houkim, mœurs des nations, qui ne sont pas toujours “déchiffrables”, ont comme objectif profond d’entraîner vers la Toum’a de la violence et du comportement licencieux.

Ces notions, qui peuvent nous étonner, apparaissent clairement dans les “codes” vestimentaires qui scellent l’appartenance à une mouvance ou une autre dans le monde (je ne citerai pas d’exemples, car ceux dont j’ai souvenir des années que j’ai vécues en dehors d’Erets Israël sont très probablement périmés. Toutefois chacun peut réaliser la justesse de ce fait en observant autour de lui …).

Le Malbim (28,2) remarque que Hachem a exprimé à Moché Rabénou une double Mitsva relativement aux vêtements des Cohanim.

Tout d’abord, Hachem lui ordonne de faire des “vêtements Kodech” pour Aharon, pour le Kavod et pour la “Tiférèt” (splendeur) (28,2).

Puis Hachem dit à Moché de parler aux « ‘Hakhmé Lev » – les Sages de cœur, pour qu’ils confectionnent les vêtements d’Aharon pour le sanctifier et le rendre apte à être Cohen pour Hachem (28,3).

Le Malbim explique que la première Mitsva spécifique de Moché consiste à enseigner aux Cohanim (Aharon et ses fils) comment élever leurs âmes et leurs qualités, afin d’être aptes à la Avoda de Hachem.

La seconde Mitsva concerne la confection des vêtements matériels que devaient porter les Cohanim dans le Beth HaMikdach.

Le Malbim ajoute que les notions de Kavod et de Tiférèt, attachées aux vêtements des Cohanim, sont fondamentalement différentes.

Le Kavod peut être dirigé vers une qualité naturelle indépendante du mérite.

En revanche, la Tiférèt ne s’applique qu’aux qualités acquises.

Les Cohanim doivent avoir les deux sortes de qualités. Ils ont en héritage la grandeur d’Aharon, et ils doivent accéder à la Avoda par leur effort personnel d’élévation.

Nous avons ici un début de lecture globale du sens du “vestiaire” des Cohanim. Il est évidemment impossible de développer ce sujet dans l’espace limité de ce Dvar Torah.

Nous voyons toutefois la place centrale du vêtement dans notre identité au fil des générations, comme en Egypte, où le fait d’avoir conservé notre mode vestimentaire a contribué à nos mérites pour sortir de la Galout (Exil). Ainsi, également, le Peuple de Hachem a toujours défendu son identité par ce moyen entre autres, contre toute les tentatives de nous “déjudaïser” …

Abordons maintenant le sujet d’Amalek, qui est un sujet perpétuel de nos préoccupations tout au long de l’Histoire, et particulièrement ce Chabat qui précède Pourim.

L’identité d’Amalek en général, et de son descendant Haman, acteur central de la Meguilat Esther ennemi juré du Peuple Juif, en particulier, nécessite explication.

Quelle est la particularité du peuple d’Amalek, descendant d’Essav – le frère de Yaacov, pour que la Torah lui manifeste un rejet accentué ?!

Amalek apparaît pour la première fois dans la Paracha Bechala’h comme agresseur du Peuple de Hachem (Chemot 17,8-16), Hachem décrète alors une guerre éternelle de “Lui-même” contre Amalek, jusqu’à son anéantissement total.

De quel pouvoir dispose donc Amalek pour que son existence obscurcisse à ce point la perception de la Présence de Hachem dans le Monde, but exclusif de la Création ?!

Depuis Avraham Avinou jusqu’à nos jours, les ennemis ne nous ont pas épargnés. En quoi Amalek se singularise-t-il ?!

Nous serions tentés de penser qu’il représente la négation intellectuelle de la Kedoucha, de la spiritualité. Toutefois, divers éléments montrent qu’Amalek agit précisément par conscience de valeurs qu’il veut anéantir. Il ne peut pas être question de lutter contre quelque chose qu’on considère ne pas exister.

La toute première attaque d’Amalek se situe au seuil de Matane Torah, juste après la Sortie d’Egypte et le passage de la Mer des Joncs (appelée aujourd’hui “Mer Rouge” …).

Nous lisons chaque jour dans la Chira (Chemot 15, 14-16) : “Les peuples ont entendu et ont tremblé …”. Tous les peuples ont été frappés par l’évènement du passage de la mer et sont ensuite revenus à leur routine.

Seuls Yitro et Amalek ont réagi !

Yitro a compris le sens profond des évènements et est venu s’associer au Peuple de Hachem (Chemot 18, 1-12).

Amalek a également pris la mesure de la situation, et est venu s’attaquer aux Bené Israël, précisément au titre de leurs valeurs spirituelles qu’il voulait éliminer de la surface du globe (voir Rachi Devarim 25, 18 : Amalek mutilait les Bené Israël et jetait les Milot vers le Ciel).

Relativement à la seconde agression d’Amalek contre les Bené Israël (Bamidbar, 21, 1-3), Rachi (1) dit que Amalek a cherché à troubler les Bené Israël dans leur prière face à son agression : les Amalékites parlaient la langue de Canaan, tout en gardant leurs vêtements amalékites, afin que les Bené Israël ne prient pas efficacement contre un ennemi défini. De fait ils affrontaient des hommes habillés comme des Amalékites, mais parlant cananéen. Face à ce dilemme, les Bené Israël prièrent Hachem de leur livrer “ce peuple”, sans précision de son identité réelle …

Le Maharal souligne que le vêtement est la caractéristique essentielle de définition d’un peuple. C’est pourquoi les Amalékites n’ont pas changé sur ce point, gardant ainsi leur identité, ne travestissant que leur langage.  

Il est remarquable que les Amalékites avaient une parfaite conscience de l’efficacité potentielle de la prière des Bené Israël, ce qui montre une véritable perception de la dimension spirituelle du Monde, avec comme but de s’y opposer. Par ailleurs, ils montraient aussi une compréhension des paramètres profonds d’identité liés au vêtement. Tout cela ne montre pas un peuple ignorant la spiritualité, mais plutôt acharné à la détruire !

Leur ancêtre Essav avait déjà manifesté une valorisation marquée du vêtement et donc de la spiritualité qu’il représente.  

Il avait combattu le Roi Nimrod afin de s’emparer du vêtement que Hachem avait confectionné pour Adam Harichon (Beréchit Rabah, 65,16), dont nous avons vu plus haut que c’était le vêtement de Cohen pour la Avoda.

Essav s’était réservé cette parure qu’il revêtait pour servir son père, comme nous le voyons au fait que Rivka en para Yaacov lorsqu’elle l’envoya recevoir la Berakha à la place d’Essav.

Ces quelques éléments soulignent une dimension nouvelle, plus profonde que celle que les historiens cherchent à propager, de la haine inextinguible d’Amalek pour notre Peuple. Il ne s’agit nullement de jalousie pour la réussite matérielle des Juifs. Ce n’est pas leur influence internationale qui dérange. C’est la guerre de la Toum’a (impureté) contre la Kedoucha (“Sainteté”) qui se manifeste tout au long de l’Histoire.

Le Gaon de Vilna (Even Cheléma, 11, 8) souligne qu’il y a cinq sortes de “Erev Rav” (mélange) dans le Peuple d’Israël. La cinquième, la plus malfaisante est appelée Amalékim, et le Machia’h ne viendra pas tant qu’ils n’auront pas disparu du monde, comme le dit la Torah concernant Amalek.

Nous avons souvent l’impression que ceux qui ont tourné le dos à notre Peuple pour rechercher l’assimilation aux nations à tout prix sont motivés par simple appétit d’une vie plus facile. Cette explication légère ne s’applique en vérité qu’à ceux de nos frères qui restent attachés dans leur cœur à la Emouna, et veulent seulement se permettre toutes les facilités de la vie moderne. Ceux-ci méritent en réalité toute notre sollicitude pour leur faire gouter la grandeur et la beauté de la Torah.

Par contre, ceux qui mènent un combat acharné contre la Torah le font, non par ignorance de la grandeur de la Torah, mais au contraire par conscience profonde et rejet délibéré de ses valeurs. Ils sont le prolongement de la lutte des nations contre la Torah au sein-même de notre Peuple. Ceci explique la violence de leur opposition, et l’impossibilité de la communication avec eux.

Profitons de ce Chabat pour renforcer notre lien avec Hachem, et comprendre que la guerre contre Amalek ne se livre pas dans les grands forums de débats intellectuels, mais dans notre étude au Beth HaMidrach (la Maison d’étude de la Torah). Faisons ce que Hachem attend de nous en nous fortifiant dans l’accomplissement des Mitsvot et l’étude de la Torah et le renforcement des liens entre nous, et Hachem fera, Lui, ce qui ne dépend pas de nous pour amener la Gueoula (Délivrance) ultime.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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