Parasha – 80 Michpatim 5783

בס »ד

La Paracha Michpatim est dédiée principalement à ce qui est habituellement considéré comme les lois « sociales » de la Torah, c’est-à-dire les règles de comportement et de règlement des conflits entre personnes.

Il ne s’agit bien sûr pas d’un simple « code civil », comme l’ont prétendu tous les défenseurs de « réformes » de la Torah au fil des générations !

La Torah est la Parole de Hachem, absolue et éternelle. 

Rabbi Yerou’ham Leivovitz (Daat Torah, p. 221) souligne que : « …de même que le corps de l’Homme qui a été créé par Hachem ne changera pas de constitution et comportera toujours deux yeux et deux oreilles …  Ainsi la Torah qui lui correspond est invariable, comme le dit la Torah (Devarim 4, 2) : « N’ajoutez pas … et ne retranchez pas … ».

Après ces prémisses, rappelons le verset (Chemot 23, 2) : « Ne suis pas les nombreux pour « le mal », et ne réponds pas sur « une querelle » pour pencher ; après les nombreux il faut pencher ».

Cette traduction est manifestement approximative, les termes du verset étant très « hermétiques ».

Pourtant, il est indispensable de citer ce verset tel quel, car sa lecture a donné, et donne toujours lieu à des interprétations fumeuses qui tendent à fausser notre jugement.

Bien que le principe du « rov » (la majorité), soit employé dans la Torah pour solutionner une part importante de nos questions dans le quotidien, il est abondamment dévoyé de son sens dans toutes sortes de domaines. Nous reviendrons plus bas sur le sens plus général du principe de « Rov » (majorité) dans l’analyse de toute question dans le quotidien. Nous l’analyserons dans son sens véritable avec l’aide de Rav Chimchon Raphaël Hirsch.

Mais commençons par traiter la lecture généralement admise qui considérerait ce verset comme la base de la « démocratie ». C’est, malheureusement, un débat d’actualité qui provoque des remous monumentaux !

Faisons justice du débat « politique » ! Il est évident que ni la majorité, ni, encore moins, la minorité, ne pourront jamais changer le Monde ! Comme l’a souligné Rabbi Yerou’ham, Hachem a créé, et crée en permanence, le Monde, l’Homme, et la Torah qui est « l’ossature » de la Création. Seule la Volonté de Hachem est décisive !

De nombreuses explications ont été exprimées par nos ‘Hakhamim au fil des temps sur la « suprématie » prétendue de la majorité. Depuis le Séfer Ha’Hinoukh (collection des 613 Mitsvot de la Torah Paracha par Paracha), jusqu’à Rav El’hanan Wassermann (Talmid du ‘Hafets ‘Haïm, assassiné pendant la Choa), les remarques judicieuses sur le sujet n’ont jamais manqué.

Le Séfer Ha’Hinoukh (Mitsva 78) explique que le verset « après les nombreux il faut pencher », qui est appelé à régenter les discussions de nos ‘Hakhamim sur l’application de la Torah, ne vient évidemment pas donner le pouvoir à une majorité d’illettrés face à un petit nombre de ‘Hakhamim compétents !

L’objet de cette Mitsva consiste uniquement à définir l’analyse par les décideurs appropriés des incertitudes qui peuvent se présenter dans la concrétisation des règles de la Torah dans le quotidien.

Le Séfer Ha’Hinoukh développe la nécessité de trancher selon la majorité dans la Torah, comme l’explique également le Ramban sur la Mitsva (Devarim 17, 8-13) qui impose à chacun de se soumettre à la décision des Grands de la Torah (le Sanhédrin), afin de préserver l’unité de la Torah dans le Peuple de Hachem.

Rav El’hanan Wassermann (Kovets Maamarim, Maamar Al Emouna, 8) cite les paroles de Rav Yonathan Eibeschitz en réponse à la prétention des nations de nous imposer leur conception philosophique de la vie au nom du principe de la majorité, « prôné » ici par la Torah.

Rav Eibeschitz soutient que ce principe ne s’applique qu’en cas de doute, comme dans la question (Guemara Pessa’him 9b) d’un morceau de viande trouvé entre des boutiques, certaines vendant de la marchandise cacher, et d’autres non, ou tout autre cas semblable. En revanche, un morceau reconnaissable comme relevant de la minorité ne sera jamais assimilable à la majorité.

Ainsi, nous n’avons pas le moindre doute concernant notre Emouna, et la majorité ne peut pas l’emporter là-dessus et nous imposer ses croyances.

 Rav Wassermann confirme la validité de cette réponse, mais souligne qu’elle n’est pas nécessaire. Il compare cette question à quelqu’un qui passerait devant une taverne où une centaine d’ivrognes vautrés dans leur boisson l’interpelleraient pour qu’il rejoigne « la majorité » …

Ainsi en dehors des ‘Hakhamim de la Torah, le monde entier est plongé dans l’ivresse des pulsions, et donc incompétent à émettre un avis fiable. (Voir Michna Avot, 6, 2 : « il n’y a pas d’homme libre hormis celui qui met son activité dans la Torah »).

Une anecdote de la Guemara (Chabat 116 a, b) illustre parfaitement ce propos : Imma Chalom, sœur de Raban Gamliel (Président du Sanhédrin) s’associa à son frère pour démasquer un « philosophe » (variante antique des zélateurs du « judaïsme progressiste » des « valeurs humaines » en opposition au « judaïsme de la religion » (respect de la Torah). Ce personnage se targuait d’intégrité et de rendre la justice sans être influencé par les pots-de-vin.

Imma Chalom lui offrit un candélabre en or, dans le but de le tourner en ridicule avant de le consulter avec son frère Raban Gamliel sur le partage de leur héritage. Au cours de son « jugement », il repoussa les arguments de Raban Gamliel, qui émanaient de la Torah.

Le lendemain, Raban Gamliel lui offrit un âne libyen (de haute qualité).

Le « philosophe » inversa alors son verdict …

Imma Chalom s’exclama alors : « éclaire ta lumière comme le candélabre (que je t’ai offert) ! »

Raban Gamliel répliqua : « l’âne est venu et a renversé le candélabre ! » …

Récit poignant d’actualité au fil des siècles, qui ne nécessite aucun commentaire …

Et si le principe de la majorité ne peut pas régenter efficacement le monde lorsque ses défenseurs manquent dramatiquement d’intégrité, comment considérer alors la démocratie qui depuis plus de deux siècles défend le « droit » des minorités « progressistes » à imposer leurs mœurs dissolues à l’ensemble de la population ?!

Il nous reste à comprendre la place du principe du « rov » (la majorité) dans la gestion du quotidien.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (‘Horev, chapitre 71) fait une analyse complète de son incidence dans toutes les questions de la vie. Il commence par remarquer que l’Homme ne peut appréhender les faits que sous forme de « rov » (majorité), même les grands principes généraux comme les lois de la nature.

En effet, seuls les faits qui lui sont connus peuvent alimenter son analyse, même s’ils représentent la majorité des éléments.

L’Homme définit toute la réalité par classification, par généralisation de ses constatations sur un grand nombre d’éléments qu’il considèrera comme représentatifs de l’ensemble.

Même le domaine des mesures, souligne Rav Hirsch, où l’Homme croit atteindre la perfection de la précision, est forcément approximatif, négligeant les particules qui échappent au regard.

Rav Hirsch ajoute que c’est pour le bonheur de l’Homme que Hachem l’a créé ainsi, car s’il était autant attiré par les détails que par la majeure partie, il ne pourrait pas appréhender le réel du fait d’une perception fragmentée à l’extrême. Toute l’action humaine est basée sur la généralité, et sur les probabilités globales. (L’Homme ne peut pas prétendre à la connaissance absolue, réservée à Hachem).

Rav Hirsch en vient à l’application de ce principe aux actions de l’Homme dans la Avoda (Service) de Hachem. De même que dans son quotidien chacun ne peut être qu’approximatif, jugeant selon la majorité, ainsi Hachem a inscrit ce même principe dans les Mitsvot de la Torah.

Là est la base du principe de majorité inscrit dans notre verset.

Là encore est la racine du principe « d’annulation » d’un élément minoritaire dans un « rov », et du jugement d’un élément indéfini selon la nature de la majorité des unités desquelles il s’est séparé.

Là aussi réside le principe de jugement « statistique » comme le fait que la majorité des bêtes abattues ne comportent pas de défaut les rendant « tréfa », non vérifiable à l’examen immédiat.

Le principe de « rov » (majorité) est donc fondamental à la Création, et il en va de même avec la Torah qui est la racine de la Création.

Cette notion qui nous semblerait issue de l’inspiration humaine, à la limite empreinte d’une « teinture » de démocratie, est en réalité l’expression de la Volonté de Hachem dans tous les aspects de notre existence.

Il nous reste à apprendre les limites de ce grand principe, comme nos ‘Hakhamim nous l’ont enseigné, et à ne pas lui chercher des domaines d’application inappropriés, ou encore des extensions injustifiées comme de mettre en balance le regard des « juges » incompétents avec celui des vrais ‘Hakhamim !

Cette règle fondamentale située dans la Parachat Michpatim nous est extrêmement précieuse pour déterminer l’ensemble des choix qui se présentent à nous.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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