Parasha – 79 Yitro 5783

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La Paracha Yitro est au centre de notre existence car c’est la Paracha de Matane Torah (le Don de la Torah) qui couronne notre dimension de Peuple de Hachem !

Cette Paracha porte le nom de Yitro, le beau-père de Moché Rabénou, qui vient de rejoindre les Bené Israël dans le désert.

Moché Rabénou, accompagné des grands d’Israël, d’Aharon et de ses fils, suivis de tous les Bené Israël accueillent Yitro en grande cérémonie (Chemot 18, 7 – Rachi).

Cette valorisation d’un personnage étranger à notre Peuple a de quoi surprendre !

De plus, la Torah nous décrit en détail le conseil que Yitro donna à Moché Rabénou (18, 14-26).

Après avoir observé Moché Rabénou alors qu’il jugeait les Bené Israël, Yitro lui fait remarquer qu’assumer à lui seul toutes les tâches face aux Bené Israël est au-delà de ses forces, et néfaste au Peuple même (18, 17-18).

Yitro conseille donc à Moché Rabénou de mettre en place une hiérarchie de juges, depuis des “Princes de milliers” jusqu’aux “Princes de dizaines”, en passant par les “centaines et les cinquantaines”.

Nos ‘Hakhamim soulignent que pour les Bené Israël qui étaient au nombre de 600.000, on atteint le nombre impressionnant de 78 600 juges, soit environ un juge pour huit hommes !

Ce passage de la Torah, ainsi que son emplacement, soulèvent de nombreuses questions :

– Quelle importance particulière a ce sujet de la “justice”, pour justifier la place que Hachem lui réserve dans la Torah ?! Les Bené Israël seraient-ils à ce point “querelleurs” qu’il faille une telle profusion de juges ?!

– Pourquoi la Paracha qui traite cette notion précède-t-elle Matane Torah, alors que le conseil de Yitro n’a pas été donné avant, mais après Maamad Har Sinaï (la session devant le Har Sinaï) où nous avons reçu la Torah, comme Rachi l’explique (18,13) ?!

– Pourquoi ce conseil qui semble émaner du simple “bon sens”, a-t-il dû attendre l’intervention de Yitro ?! Moché Rabénou avait-il besoin de Yitro pour attirer son attention sur un fait apparemment tellement évident ?!

Pour répondre partiellement à ces questions, considérons tout d’abord la place de la “Justice” dans la construction de notre Peuple. (Cette question est d’ailleurs particulièrement d’actualité à notre époque d’agitation extrême sur ce sujet de la part de ceux qui veulent transformer le Peuple de Hachem en une nation ordinaire parmi les autres …).

Le Midrach (Chemot Rabah, 30, 3) souligne la place particulière de Matane Torah, encadré par deux passages dédiés à la “Justice”, le conseil de Yitro dans notre Paracha, et la Paracha Michpatim qui suit la Paracha Yitro.

Nos ‘Hakhamim comparent la Torah (reçue de Hachem au Sinaï) à une ” Grande Dame” qui avance encadrée par sa garde personnelle devant et derrière elle.

De même, les Asséret HaDibrot (les Dix Commandements) qui représentent l’essentiel de la Torah sont placés entre deux paragraphes de développement de règles de comportement social (ici, et la Paracha Michpatim qui suit celle-ci).

Une lecture hâtive de ce Midrach pourrait mener à la conclusion erronée à laquelle ont souscrit les “champions de la réforme du judaïsme”, que l’essentiel de la Torah serait les “bonnes manières” sociales … Il n’en est, bien sûr, rien ! Cette erreur ressemble à celle des gardes de l’escorte de la Princesse, avec leurs beaux uniformes, qui croiraient être le centre de la nation.

Bien au contraire, les lois de la Torah forment un tout harmonieux, dont la clé est la Volonté de Hachem. Moché Rabénou dit à Yitro (18, 15-16) : “Car le Peuple vient vers moi pour solliciter Hachem ; lorsqu’ils ont une affaire, on vient vers moi, et je juge entre un homme et son prochain, et je fais connaître les décrets de Hachem et Ses enseignements”.

“Les décrets” désigne les règles de la Torah dont la logique ne nous est pas accessible, tandis que “les enseignements” se réfère aux lois “civiles”, d’approche apparemment accessible à la compréhension humaine. L’association des deux montre leur parfaite harmonie, et que les lois “civiles” ont en réalité une dimension Divine supérieure, sans commune mesure avec les codes d’inspiration humaine.

Comme nous le voyons plus loin, la Torah dit (19, 2) : “… ils vinrent au Har Sinaï et ils campèrent dans le désert ; Et Israël campa là-bas face à la Montagne”.

Rachi explique l’emploi du verbe au singulier : “campa” par : “comme un seul homme, d’un seul cœur”.

Nos Maitres expliquent que cette unité du Peuple était la condition préalable pour recevoir la Torah. Hachem n’a pas donné la Torah à des individus, mais à l’entité harmonieuse et complète du Peuple Juif.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.138) souligne que de même qu’un Séfer Torah auquel il manquerait ne serait-ce qu’une seule lettre, ou si une lettre est trop éloignée d’une autre cela rendrait le Séfer Torah passoul (inapte). Ainsi dans le Peuple Juif, le moindre manque empêcherait de recevoir la Présence de Hachem et le Don de la Torah.

Le Malbim (18, 16) justifie l’emploi du singulier dans : “on vient vers moi” comme désignant celui qui a une inquiétude d’avoir un tort envers un autre, et qui vient seul interroger le Rav comme on le fait pour une simple question de Halakha (règles de la Torah concernant une Mitsva ou une interdiction). Il ne s’agit donc pas ici du règlement d’un conflit, comme dans les tribunaux “classiques” …

Le rôle des nombreux juges n’est donc pas, comme dans l’ensemble des sociétés humaines de résoudre les conflits éventuels. Il s’agit pour nous d’assurer un fonctionnement parfait de l’entité que nous représentons. Comme la santé ne peut pas se limiter à l’absence de maladie importante, mais doit atteindre la perfection maximum, ainsi le Peuple de la Torah doit être parfait dans ses relations internes.

La place des lois “civiles” avant et après les Asséret HaDibrot s’explique donc ainsi : L’essentiel est évidemment la Parole de Hachem, y compris dans les règles de société, mais leur respect est l’outil indispensable d’accès à la totalité de la Torah.

Il nous reste à comprendre le fait étonnant que Moché Rabénou n’ait pas pensé de lui-même à la démarche de “bon-sens” que lui a suggérée Yitro, son beau-père.

De plus, il est surprenant que Yitro, “tout-frais” arrivé dans le Peuple de Hachem soit choisi par Hachem pour lui inspirer ce regard.

Et comment comprendre que Moché Rabénou ait soigneusement écouté et appliqué ce conseil ?!

A propos du verset (18,23) : “Si tu fais cette chose, et que Hachem t’ordonne …”, Rachi explique que Yitro lui-même subordonne sa suggestion à la confirmation par Hachem. Ainsi, il ne s’agit pas ici d’une initiative personnelle, ni de la part de Yitro dans son conseil, ni a fortiori pour Moché dans l’accomplissement. Reste qu’il est étonnant que Hachem n’ait pas inspiré cette démarche à Moché directement !

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (18, 24) souligne ce fait, et explique que nous voyons ici que Moché Rabénou ne peut en aucun cas être considéré comme un dirigeant “de génie”, initiateur d’un système de loi pour le peuple. Moché Rabénou était intégralement le représentant fidèle de Hachem, et n’a transmis à son peuple que la Parole de Hachem.

Ainsi il ne se serait pas “aventuré” à la moindre innovation. Toute la Torah que nous avons reçue trouve ici son sceau d’authenticité.

Rav ‘Haïm Zaïtchik (Maayené Ha’Haïm, III, p. 122) souligne la grande Anava (réserve) de Moché Rabénou qui accepte intégralement la suggestion d’un “nouveau-venu”. De plus il l’applique avec une amélioration (Devarim, 16, 18) : “des juges et des agents …”, pour faire accomplir les décisions des juges, sans s’attribuer même la “paternité” de ce perfectionnement. Il s’agit, de plus, du conseil d’un homme qui avait été totalement étranger à l’esprit de la Torah pendant de nombreuses années, et qui avait baigné dans l’atmosphère de l’idolâtrie qu’il prônait alors lui-même.

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, p. 122) développe la qualité fondamentale de Yitro qui lui a valu cette distinction par Hachem, de faire une critique aussi constructive, et de mériter qu’une Paracha lui soit attribuée.

Rav Grossbard rapporte que nos ‘Hakhamim soulignent la recherche infatigable de Yitro. Sur le verset (18,11) : “Maintenant je sais que Hachem est plus Grand que toutes les puissances …”, Rachi rapporte l’explication de nos ‘Hakhamim : ce verset nous enseigne que Yitro connaissait tous les cultes, pour les avoir tous pratiqués. Dans sa recherche infatigable de la vérité, Yitro consacra ses efforts pendant de nombreuses années à vérifier une après l’autre toutes les démarches “idolâtres”, toutes les démarches humaines postulant à la résolution de l’énigme de la vie. C’est le résultat d’un tel dévouement au Emeth (Vérité absolue) qui a valu à Yitro sa grandeur.

Telle est donc l’importance de ces messages préalables à Matane Torah.

Tout comme la “Grande Dame” ne peut certainement pas être comparée en quoi que ce soit à son escorte. C’est la “Grande Dame” qui donne tout son sens à sa garde, et non le contraire.

Nous pouvons toutefois ajouter que le Don de la Torah vient couronner, certes, les efforts des hommes à leur niveau, mais il a également propulsé les Bené Israëlà une dimension totalement différente, dépassant le niveau humain.

Matane Torah n’est pas un simple octroi de lois.

C’est l’entrée dans une intimité particulière avec Hachem à chaque instant de l’existence.

Vivre selon la Torah est comparable à vivre au contact permanent avec Hachem, dans le Beth Hamikdach.

Notre Paracha doit donc être approchée avec toute la réserve qui caractérise l’entrée au Beth HaMikdach (Temple), lieu de manifestation particulière de la Chekhina (la Présence de Hachem) sur terre.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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