Parasha – 78 Bechala’h 5783

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L’évènement central de la Paracha Bechala’h est Kriat Yam Souf, l’ouverture de la Mer des Roseaux (la “Mer Rouge”), qui couronne la Sortie d’Egypte.

Cet évènement qui eut lieu le septième jour de la Sortie d’Egypte a sa “résonnance” dans le septième jour de Pessa’h, que nous célébrons par un jour de Yom Tov de même que le premier jour de Pessa’h qui correspond à la Sortie d’Egypte.

Les jours de Yom Tov, comportent des interdictions d’ouvrages comparables à Chabat (à l’exclusion des ouvrages destinés à l’alimentation). Ils marquent un contact particulier, plus intense, avec Hachem.

Ils sont reliés par des jours de ‘Hol HaMoèd (où plus d’activité courante est permise) qui sont également des jours essentiellement “Kodech” (“Saints”), réservés à l’intimité avec Hachem.

Nous avons mentionné à plusieurs reprises les paroles de Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, II, P. 21), qui dit que les Moadim (Fêtes) ne sont pas des commémorations, car nous n’avons que faire de nous pencher avec nostalgie sur le passé ! Nos Moadim sont des moments privilégiés, où la même “atmosphère” qui a régné lors de l’évènement initial se manifeste et nous appelle à renouveler le contact correspondant avec Hachem.

En quoi a donc consisté cet évènement grandiose du passage de la Mer, afin de nous replonger dans les mêmes valeurs qui se sont concrétisées alors ?

Voyons la place de ce moment dans l’Histoire de notre Peuple, le Peuple de Hachem, et dans l’Histoire du Monde.

Après la chute de Adam Harichone dans sa “faute”, dont la compréhension est au-dessus de notre capacité, Hachem a “attendu” 2000 ans, jusqu’à ce qu’émerge dans l’humanité la racine d’un peuple qui serait tourné vers Lui.

Nos ‘Hakhamim ont qualifié ces 2000 ans par : “2000 ans de Tohou”, un monde “informe”, où personne n’a appelé l’humanité à se tourner à nouveau vers Hachem.

Avraham Avinou a amorcé l’époque de 2000 ans que nos ‘Hakhamim ont appelé “2000 ans de Torah”.

Puis viennent les “Jours du Machia’h”, où la Nation (Juive) attend les Jours du Machia’h. (Introduction à Pirké Avot du Meïri, basé sur Guemara Sanhédrin, 97a).

Après la progression des générations des Avot (nos Patriarches), Avraham, Its’hak et Yaacov, puis l’apparition des Chevatim (les fils de Yaacov, ancêtres des Tribus), vint le moment de l’épreuve de la Galout (l’exil) en Egypte, sommet de la civilisation humaine tournant le dos à Hachem.

Cette Galout, sanctionnant les infimes imperfections restantes des Bené Israël, fonctionna comme un creuset, affinant l’attachement total des descendants des Avot au Créateur, Maître de l’Histoire Humaine, collective et individuelle.

Cette Galout s’acheva sur les manifestations supérieures de la Maîtrise absolue de Hachem sur les évènements terrestres. Il s’agissait d’anéantir définitivement la conception idolâtre du Monde, où le Créateur aurait abandonné (ou confié) la conduite du Monde aux divers mécanismes régissant apparemment la nature et l’histoire.

Après les 10 Makot (Plaies) qui établirent clairement le caractère Divin du fonctionnement du Monde, Hachem fit sortir nos ancêtres d’Egypte dans une grandeur impressionnante.

“Et Hachem allait devant eux (les Bené Israël) dans une colonne de “nuée” pour les guider dans le chemin, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin d’aller le jour et la nuit” (Chemot 13,21).

Dans les versets qui introduisent Matane Torah (le Don de la Torah), Hachem qualifie cette démarche ainsi : “Je vous ai portés sur les ailes des aigles, et Je vous ai amenés à Moi” (19,4).

A première vue, rien ne manquait alors pour amorcer la suite de notre progression vers Matane Torah. Pourtant Hachem nous ménagea encore des épreuves, qui jalonnèrent le parcours jusqu’aux pieds du Har Sinaï, dont la plus marquante est le Passage de Yam Souf.

Cette étape se décompose en deux parties : les préliminaires, et la traversée elle-même.

Dans la préparation au grand Ness (Miracle) de la “division” de la mer par Hachem, le verset dit (14, 22) : “Les Bené Israël vinrent à l’intérieur de la mer, sur la terre sèche”.

Nos ‘Hakhamim (Midrach Chemot Rabah, 21, 10) s’étonnent : “Si “dans la mer”, pourquoi “dans la terre sèche” ?!, et si “dans la terre sèche”, pourquoi “au sein de la mer” ?! Mais tu apprends d’ici que la mer ne s’est pas fendue pour eux jusqu’à ce qu’ils soient entrés en elle jusqu’à leur nez. Et après cela elle devint un espace sec”.

Rav Reouven Karelnstein (Ye’hi Reouven, p. 320) apprend de là un enseignement fondamental : l’homme doit agir, pour sa part, au maximum de ses possibilités. Il ne lui est pas demandé de faire plus que ses possibilités, mais d’aller jusqu’au bout de ses forces. Et alors, s’ouvrent devant lui les “Portes des Cieux”, et Hachem lui accorde Son aide pour agir bien au-delà de ses capacités.

Le Midrach continue avec un “virage” surprenant : “lorsqu’une Bat Israël traversait la mer avec son fils dans ses bras et qu’il pleurait, elle tendait la main et prenait une pomme ou une grenade du sein de la mer et la lui donnait …”.

Avant ce moment, les Bené Israël avaient dû se mesurer avec une épreuve de confiance totale en Hachem, au point d’avancer dans la mer jusqu’à n’avoir que le nez en dehors de l’eau ; et brusquement le paysage change, et ils sont dans un environnement enchanteur !

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChebaTorah, p.126) rapporte les paroles des ‘Hakhamim (Michna Avot, 5,4 ; Mekhilta Bechala’h, 4) qui disent que dix Nissim (Miracles) se produisirent lors de la traversée de la Mer. Il ajoute la citation de Avot deRabbi Nathan (Chap. 33) qui conclut l’énumération des Nissim par : “afin qu’ils (les Bené Israël) ne souffrent pas …”.

Rav Chapira s’étonne de cette conclusion : était-il nécessaire que les Bené Israël bénéficient d’un tel confort pendant cette brève traversée qui n’a duré qu’une partie de la nuit ?!

Les Bené Israël traversèrent la Mer en 12 couloirs, soit un par Chevet (tribu). Et les parois des couloirs étaient translucides afin que chaque Chévet voie les autres cheminer à ses côtés, et n’ait pas à se soucier de leur sort.

Rav Chapira cite divers cadeaux que Hachem leur fit au long de leur parcours : de la nourriture à profusion, de l’eau douce, des parfums émanaient de la mer, des Nissim éclatants ! Pourquoi tout cela ?!

La liste des Nissim est longue, et dépasse l’objectif de ce Dvar Torah.

Qu’il nous suffise de comparer ce “défilé” de plus de trois millions de personnes, hommes, femmes, enfants, sans compter les animaux, qui ne dura qu’une partie de la nuit, à la marche d’armées entraînées qui s’étiraient sur des jours et des jours (comme la retraite de Russie de Napoléon …). Quel Ness constitue une telle rapidité, en même temps que toutes les manifestations de confort …

Force nous est de comprendre que l’objectif n’était pas de sauver les Bené Israël de leurs poursuivants !

Rav Eliezer Tourk (Otsrotéhèm Amalé, p. 187) explique que la finalité de ce moment privilégié était de montrer aux Bené Israël l’amour infini que Hachem leur dédie.

C’est à ce moment que Hachem manifesta aux Bené Israël leur statut de “Banim” (fils) de Hachem.

Ce qu’exprime le Piyout (cantique) “Yom Leyabacha” que nous chantons lors d’une Brit Mila (Circoncision), qui commence par le rappel du jour où Hachem assécha la Mer, et termine par : “Pour les pères Tu sauveras les fils, et Tu amèneras la Gueoula (Délivrance) aux fils de leurs fils”.

Reste à comprendre le lien entre les deux moments “opposés”, de l’épreuve initiale, et du passage enchanteur, qui ensemble constituent la plénitude de cet évènement ?!

L’objectif de la Création étant que l’Homme reconnaisse son Créateur, et Sa Présence permanente dans tous les faits individuels et collectifs (voir Ramban sur Chemot 13,16), la première étape consiste à se confier intégralement entre les Mains de Hachem, dans une situation apparemment “sans issue”. Ce n’est qu’après cela que Hachem montre à l’homme la véritable réalité, un monde merveilleux de proximité et de chaleur.

Comme chacun des évènements de l’Histoire, le Passage de la Mer des Joncs n’est pas un simple souvenir ému du passé glorieux de nos ancêtres. Le rappel quotidien de Kriat Yam Souf dans la Tefila doit nous inspirer dans notre présent individuel et collectif.

Dans un monde agité de toutes sortes d’incertitudes et de dangers, la Paracha Bechala’h nous ramène à une juste vision des enjeux, et nous rappelle que la proximité chaleureuse de Hachem est réservée à ceux qui sont prêts à aller jusqu’au bout de leurs capacités dans leur dévouement à Lui.

Que cette inspiration nous rapproche enfin de la Gueoula tant attendue.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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