Parasha – 77 Bo 5783

בס”ד

La Paracha Bo marque enfin la dernière étape de la Gueoula (Délivrance) d’Egypte.

Les trois dernières Makot (Plaies) : les sauterelles, les ténèbres, et la mort des premiers-nés s’enchaînent dans cette Paracha qui aboutira à la capitulation de Par’o et à la libération des Bené Israël.

La Paracha commence par les versets suivants : “Hachem dit à Moché : viens chez Par’o, car J’ai alourdi son cœur et le cœur de ses serviteurs, afin de mettre Mes signes que voici en son sein. Et afin que tu racontes aux oreilles de ton fils et du fils de ton fils ce que Je Me suis “joué” de l’Egypte, et Mes signes que J’ai placés en eux ; et vous saurez que Je suis Hachem !” (Chemot 10, 1-2).

Ici, Hachem souligne que le but des Makot était que les Bené Israël les racontent à leurs descendants.

Toutefois, que signifie : “Je Me suis “joué” ?!

Quel était le sens des interventions de Hachem lors de la Sortie d’Egypte ?

Que veut dire la Torah par : Hachem “s’est joué” de “l’adversaire” ? Cette expression n’est-elle pas trop “anthropomorphique” ?!

Nous sommes habitués à la Mitsva de raconter les Makot, pour mettre en évidence leurs divers enseignements sur la “Toute Puissance” de Hachem, Son intervention dans les évènements terrestres, et l’orientation de Ses manifestations distinguant nettement les Bené Israël de leurs oppresseurs.

En quoi le fait de “se jouer” des Rechaïm est-il tellement important qu’il fasse l’objet d’une Mitsva particulière de le rapporter aux générations futures ?!

En fait, la question peut se poser de comprendre l’intérêt de ce que Hachem manifeste à une forme quelconque de “confrontation” avec le Racha !

Mais n’était-il pas suffisant que Hachem réduise à néant les projets du Racha, sans nécessiter le moindre “affrontement”, comme les Makot et les discussions entre Moché Rabénou et Par’o ?!

Rav Ye’hezkel Lewinstein (Or Ye’hezkel, Emouna, p. 250 ; 265) explique que, comme le verset précise : “Afin que tu racontes …”, les Makot étaient destinées à enseigner aux Bené Israël pour toutes les générations que : “Je suis Hachem”. C’est-à-dire, rendre “vivant” dans la conscience profonde du Clal Israël que l’homme n’a aucun pouvoir face à Hachem ; et que le mal qui lui arrive est la conséquence directe de ses propres déviations : Hachem punit Par’o “Mida kenéguèd Mida” (mesure contre mesure).

Tous les déboires de Par’o résultent de son propre comportement.

Hachem laisse à l’Homme la possibilité de se croire “tout-puissant” face aux situations qu’il affronte, afin qu’il découvre pleinement sa réelle impuissance.

Tel est le but de la Création : que par ses expériences personnelles, l’Homme arrive à percevoir Hachem dans le Monde où il évolue.

Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou, V, p. 404) explique que le “jeu” dont il est question ici est la prise de conscience de ce que l’Homme est un “jouet” entre les mains de son Yetser HaRa tant qu’il ne s’en affranchit pas en se tournant totalement vers Hachem.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, Chemot, 10, 2) explique que le “jeu” est la réponse au “jeu” que Par’o joua face à Moché Rabénou, une fois après l’autre, en promettant de libérer les Bené Israël au moment de la Maka (Plaie) pour revenir sur sa parole sitôt qu’il était débarrassé de la Maka.

Ainsi Hachem laissa à Par’o la possibilité de croire à une rémission des Makot en constatant après la plaie de Barad (la grêle) qui anéantit l’orge et le lin (9, 13-32) que le blé et l’épeautre étaient restés intacts, pour mieux l’accabler lorsque les sauterelles achevèrent de laisser l’Egypte sans la moindre source de subsistance (10, 12-20).

Rav Yossef Tsvi Salant (Beér Yossef, p.218) fait une analyse complète de ce “jeu” :

– Après que Par’o ait chassé Moché Rabénou et Aharon au début de cette Paracha (10,11) après l’avertissement de la Maka des sauterelles, il est contraint de les rappeler (10,16) lorsque les sauterelles ont achevé d’anéantir la moindre trace de végétation en Egypte. De même, après la Maka des ténèbres, Par’o menace même Moché de mort s’il se présente à nouveau devant lui (10,28).

Désespéré après la Makat Bekhorot (la mort des premiers-nés), il se voit contraint de faire appel à Moché et Aharon pour les supplier de prier pour lui (premier-né) afin qu’il ne meure pas.

Les revirements spectaculaires de Par’o, Empereur d’Egypte, le ridiculisent !  

– Rav Salant cite encore le Midrach (Mekhilta Bechala’h 1, 5) qui rapporte qu’après le départ des Bené Israël, les égyptiens se dirent (14,5) : “… Qu’avons-nous fait lorsque nous avons renvoyé Israël de nous servir ?!”.

Nos ‘Hakhamim illustrent les “regrets” des égyptiens par une parabole : un homme demande à son esclave de lui apporter un poisson du marché. L’esclave lui apporte un poisson avarié, non consommable.

Le maître lui offre alors le choix entre 3 punitions : soit tu manges toi-même ce poisson, soit tu reçois 100 coups, soit tu me paies 100 mané (une somme considérable).

L’esclave choisit d’abord de manger le poisson, mais s’arrête à la moitié, incapable de terminer…

Il choisit alors les coups, mais s’arrête à 60, ne pouvant plus en supporter davantage…

Il se résout enfin à payer l’amende…

Il aura ainsi cumulé tous les châtiments, et se sera ridiculisé par ses revirements qui ont accentué sa perte. 

Ainsi les égyptiens refusèrent durablement de relâcher les Bené Israël…

Les Egyptiens durent subir les Makot (coups), payer (en donnant leurs objets précieux d’or et d’argent (12, 35-36), et durent laisser partir les Bené Israël. Ils cumulèrent ainsi 3 punitions : les Makot (coups), la perte de leurs richesses (amende), et la libération des Bené Israël qu’ils refusaient farouchement (comparable au poisson avarié).

C’est ce qu’ils déplorèrent et qui les amena à poursuivre les Bené Israël par suite du dépit qu’ils ressentaient pour tout ce qu’ils avaient subi… Quel plus grand ridicule pouvait les frapper ?!

– La Maka annoncée au début de la Paracha, Arbé – les sauterelles, achève l’effondrement de Par’o qui se présentait comme une divinité, s’identifiant au Nil, source de la prospérité de l’Egypte.

Il se posait ainsi en “challenger” face à Hachem, dans un “affrontement de divinités”.

Jusqu’ici, bien que Hachem ait manifesté une puissance supérieure par les Makot (selon le regard polythéiste des égyptiens …), Par’o gardait son aura de “nourricier” des égyptiens.

La Maka des sauterelles, qui anéantit les dernières traces de subsistance, acheva d’abattre les prétentions “divines” de Par’o. Son ridicule apparut d’autant plus clairement.

– A l’issue de la Maka de Barad (la grêle), les égyptiens s’étaient réjouis en constatant que le blé et l’épeautre avaient miraculeusement échappé à la destruction. Lorsque les sauterelles anéantirent ces dernières provisions, la joie qu’ils avaient ressentie après la Maka de Barad apparut dans toute son inconscience.

Hachem leur avait délibérément ménagé cette occasion d’erreur provisoire, pour mieux mettre en évidence l’inanité des efforts de l’Homme pour maîtriser son destin. Dérision des égyptiens sur eux-mêmes.

Rav Reouven Karelnstein (Ye’hi Reouven, Chemot, p.228) souligne que les égyptiens s’étaient consolés de la Maka des sauterelles, en faisant d’abondantes réserves de ces sauterelles en conserve pour remplacer toutes leurs sources alimentaires anéanties par la grêle et les sauterelles elles-mêmes.

Il leur semblait que la Maka elle-même serait la source de solution. Mais Hachem en avait décidé autrement, et toutes les sauterelles, y compris celles que les égyptiens avaient salées et mises en conserve dans des tonneaux disparurent à la fin de la Maka Arbé (10,19, Rachi). Ainsi tous les plans des égyptiens, même ceux de type “plan-bis” s’effondrèrent dans la dérision.

Rav Sim’ha Zissel Broïdé (Sam Dérekh, Chemot, p.300) remarque que la Maka des sauterelles souligna particulièrement la faiblesse dérisoire de Par’o.

Jusque-là, à chaque Maka, Par’o suppliait Moché pour qu’Il le délivre de la Maka car la prolongation de la Maka aggravait la catastrophe que l’Egypte subissait.

Mais pour ce qui est des sauterelles, une fois que le désastre causé par la Maka était achevé, les sauterelles ne représentaient plus la moindre menace. Au contraire, elles pouvaient “réparer” les dégâts en remplaçant les autres sources de subsistance. Par’o aurait donc logiquement pu se draper dans toute sa “dignité” et garder un silence hautain, manifestant sa qualité “divine”.

Or, au contraire, il appelle Moché Rabénou et le supplie (10,17) pour que Hachem enlève de sur lui “cette mort” … La superbe de Par’o vole alors en éclats ! Quel ridicule ! Quelle dérision !

L’objectif de tout ce “jeu” était donc de ramener l’Homme, les égyptiens, et toute l’humanité, à la raison. Comprendre enfin que Seul Hachem, le Maître du Monde est garant de la sécurité et du bonheur de Ses créatures. Enraciner dans l’Histoire les germes de la Gueoula ultime que nous attendons tellement.

Dans le monde actuel, les occasions d’intérioriser ce message ne nous manquent pas ! L’effondrement de toutes les prétentions de l’humanité à maîtriser tant la nature que les conflits est tel qu’il faudrait une mauvaise foi manifeste pour ne pas le constater.

Le monde de l’idolâtrie, de la divinisation de l’Homme vole en éclats.

Lisons attentivement notre Torah HaKedocha pour assainir notre regard sur l’actualité !

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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