Parasha – 76 Vaéra 5783

בס”ד

‘Hinoukh et éducation : 2 notions totalement opposées !!!

Après la première intervention de Moché et Aharon auprès de Par’o pour libérer les Bené Israël, qui n’a pas emporté la décision favorable de Par’o (Chemot, 5, 1-23), la Paracha Vaéra entame le processus qui mènera à la Gueoula.  

La Sortie d’Egypte sera précédée des Dix Plaies, destinées à enseigner aux Bené Israël, ainsi qu’aux égyptiens et à toute l’Humanité, les principes fondamentaux de la Emouna : la Création, l’Intervention permanente du Créateur dans l’Histoire, la Toute Puissance de Hachem face aux mécanismes du monde, considérés par les idolâtres comme des puissances indépendantes.

Pour amorcer ce “parcours” de la Sortie d’Egypte, Hachem ordonne à Moché Rabénou d’annoncer les étapes de la rédemption aux Bené Israël (6, 6).

Ensuite, Hachem donne mission à Moché Rabénou accompagné d’Aharon, d’aller affronter Par’o (6, 10-13).

Ici apparaît de façon surprenante une longue digression de la Torah, qui dresse la liste des chefs des familles composant les Chevatim (Tribus) de Reouven et Chimon (6, 14-15), puis, de manière plus détaillée, les descendants de Lévi, avec une insistance particulière sur la généalogie aboutissant à Moché et Aharon, ainsi que sur la descendance d’Aharon jusqu’à son petit-fils, Pin’has (6, 16-25).

Ce n’est qu’ensuite que la Torah revient à la mission de Moché et Aharon (6, 26-30). Le processus de la Gueoula (Délivrance) est enfin engagé !

Pour quelle raison la Torah fait elle cette digression, et pourquoi à ce point précis du récit de la Sortie d’Egypte ?! 

De nombreux commentateurs (notamment Sforno, Akédat Its’hak, Alchikh, Haamèk Davar, Tiférèt Tsion, Oznaïm LaTorah) expliquent que la Torah vient ici justifier le choix de Moché et Aharon par Hachem pour cette mission. Certains soulignent uniquement la brièveté de la mention des descendants de Reouven et Chimon par l’absence de personnages marquants parmi eux, susceptibles d’accomplir cette grande mission.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique que la profusion de détails sur les ancêtres, les oncles et cousins de Moché Rabénou vise à écarter toute divinisation de l’acteur central de notre délivrance.

A l’opposé des civilisations qui inventaient une origine divine à leurs héros, la Torah souligne que Moché et Aharon étaient pleinement humains, avec toutes les limites de la nature humaine.

La Torah tient de plus à éloigner toute conception erronée de la Nevoua (Prophétie) qui pourrait être le fait d’un être totalement inculte, et même déséquilibré, qui serait soudain investi d’un message Divin.

Moché et Aharon sont l’aboutissement des efforts constants des générations qui les ont préparés.

C’est ce que montre leur choix du sein du Chévet Lévi, et non parmi les deux premiers Chevatim qui n’avaient pas “produit” de “géants” spirituels tels que Moché et Aharon, dignes de la mission grandiose que leur a assigné Hachem.

Le Akédat Its’hak rapproche aussi ce “tri” de celui qui eut lieu lors de l’onction de David HaMélekh par le Navi (Prophète) Chemouel.

Là-bas également, Ichaï – le père de David Hamélekh, présenta successivement tous ses fils à Chemouel, depuis l’aîné jusqu’au plus jeune, David (Chemouel, I, 16, 6-13).

Chemouel constata les qualités manifestes de chacun à son tour, pensant voir là l’élu de Hachem. Mais Hachem écarta les sept premiers fils de Ichaï en soulignant que l’Homme, même un Navi de la grandeur de Chemouel, voit avec ses yeux, tandis que Hachem scrute le “cœur”, c’est-à-dire la profondeur insondable de la personne.

Il est évident que le Navi Chemouel, que le verset compare à Moché et Aharon (Tehilim 99,6), était doué d’une vision profonde, et ne s’arrêtait certainement pas à une “prestance” superficielle.

Toutefois, les failles profondes, imperceptibles au regard humain même le plus affiné, amenèrent au refus de ces “candidats” Roi par Hachem.

Le rapprochement établi par le Akédat Its’hak nous permet de comprendre que les Grands Maitres parmi les premiers Chevatim (Tribus), ainsi que les membres des autres branches de la descendance de Lévi, manquaient des qualités spécifiques qui couronnaient Moché et Aharon.

C’est la leçon que Hachem veut nous enseigner, lorsqu’Il dicte le texte de la Torah à Moché, après la Sortie d’Egypte, en lui ordonnant d’insérer cette digression dans le récit de la Gueoula.

Il nous incombe donc de comprendre les qualités particulières qui ont conduit Hachem à choisir Moché et Aharon.

L’intérêt de cette analyse n’est bien sûr pas d’ordre historique pour scruter le passé, mais parce que la Torah ne nous souligne que des informations “formatrices” pour toutes les générations.

Même si la Sortie d’Egypte a été un évènement exceptionnel, à nul autre comparable, les principes de la “Grandeur”, telle qu’elle s’est manifestée chez Moché Rabénou et Aharon, ou chez David HaMélekh, comme le cite le Akédat Its’hak, sont essentiellement les mêmes à tous les niveaux, et doivent nous inspirer dans notre démarche personnelle.

Rav Its’hak Zeèv Yadler (Tiférèt Tsion (6,16) remarque qu’à la différence des descendants de Reouven et Chimon, qualifiés (6, 14) de “têtes” de leurs familles, les descendants de Lévi sont introduits par le terme : “noms” (6,16) pour souligner le fait que leur grandeur ne tenait pas à leur responsabilité au sein de leur famille, mais à leur dimension personnelle exprimée par le “nom”.

Il ajoute que la Torah mentionne la longévité de Lévi (6,16) qui vécut 137 ans pour expliquer que son influence s’étendit sur tout son Chévet (Tribu) auquel il enseignait la Torah, de telle sorte que tous les membres de la Tribu continuèrent à s’adonner à l’étude de la Torah. Telle est l’origine de la dimension particulière du Chévet Lévi tout au long de la Galout (exil) en Egypte.

L’œuvre de Lévi se poursuivit à travers ses fils et petit-fils, Kehat et Amram qui enseignèrent à leur tour la Torah pendant leur existence d’une longueur exceptionnelle (Kehat 133 ans ; 6,18. Amram 137 ans ; 6,20). C’est par ce mérite de l’étude permanente de la Torah que le Chévet Lévi se distingua au-delà de cette période troublée.

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, 6, 16) rapporte les paroles de Sforno qui commente que la longévité de Lévi lui permit de prodiguer son ‘Hinoukh (formation) à ses descendants lointains, de même que Kehat et Amram.

Moché, Aharon et Miriam, tous “êtres d’exception” sont leurs descendants !

Selon Rav Grossbard, l’épanouissement particulier de tout le Chévet et sa grandeur exceptionnelle puisent leur origine dans le ‘Hinoukh.

Il est important de préciser que les notions de “‘Hinoukh” et d'”éducation” sont, quant à elles, totalement opposées. Bien que “‘Hinoukh” soit fréquemment traduit (par erreur…) par “éducation”, cette traduction est en fait une “trahison” !

L’éducation consiste à “plaquer” sur l’individu des “bonnes manières”, en le faisant entrer dans un “moule” de conventions sociales spécifiques à son environnement. Pour réaliser cet objectif, n’importe quel père ou “éducateur” peut “faire l’affaire” !

L’être profond reste le même sous une couche de “vernis”.

Le ‘Hinoukh, quant à lui, a pour objectif d’aider la personne à trouver le chemin de l’épanouissement spécifique que Hachem lui destine.

Rav ‘Haïm Zaïtchik (Or ‘Hadach, p. 443 ; p.995) cite également Sforno dans son explication du ‘Hinoukh prodigué par Lévi, Kehat et Amram à leurs descendants. Il ajoute les paroles du Targoum Yonathan sur le verset (6,18) : “Il (Kehat) vécut jusqu’à ce qu’il vit Pin’has, qui est Eliahou, le Cohen Gadol, qui est destiné à être envoyé à la Galout d’Israël à la fin des temps” !

Rav Zaïtchik explique ainsi que Pin’has n’a accédé au niveau d’être Cohen Gadol, et à être également le messager de l’annonce de la Gueoula que du fait d’avoir connu son ancêtre Kehat le ‘Hassid, qui l’a influencé et formé.

Rav Zaïtchik conclut que seuls les pères peuvent former positivement leurs descendants et les élèves de leurs élèves.

Voici donc une raison supplémentaire à cette digression des généalogies qui vient interrompre le récit des préparatifs de la Gueoula d’Egypte.

L’Histoire entière est ainsi unifiée par l’apparition de Pin’has-Eliahou, dont la destinée est de préparer la Gueoula ultime.

Description : Une image contenant texte, personne, gens

Description générée automatiquement Le ‘Hafets ‘Haïm demanda un jour à un de ses disciples : “Pourquoi n’es-tu pas Lévi comme moi qui suis un Cohen descendant de la tribu de Lévi ?!

Devant l’étonnement du disciple, le ‘Hafets ‘Haïm lui expliqua que lors de la faute du Eguel (Veau d’Or), le Chévet Lévi entier répondit à l’appel de Moché Rabénou : “Quiconque est “pour Hachem”, qu’il vienne vers moi !”.

C’est par cette manifestation d’intégrité que les Leviim accédèrent à la fonction de servir Hachem au Beth Hamikdach aux côtés des Cohanim.

Ainsi, ajouta le ‘Hafets ‘Haïm, à chaque moment chacun peut entendre l’appel de Hachem : “Qui est pour Moi ?!”.

Celui qui répond à cet appel acquiert pour lui et pour ses descendants une grandeur incomparable.

Chacun de nous a sa “place” dans la longue “chaîne” de l’Histoire qui conduit depuis Adam Harichone jusqu’à la Gueoula ultime. Ecoutons le message de cette Paracha, afin de rejoindre le grand “concert” de la Création, à l’instar de que ceux qui préparèrent la Gueoula d’Egypte.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36