Parasha – 75 Chemot 5783

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Le Ramban définit le Sefer Chemot comme étant celui de la première Galout (Exil) que Hachem a décrétée explicitement à Avraham, et jusqu’à sa délivrance.

Le Ramban explique que la “délivrance” de cette Galout ne sera complète qu’avec le retour de la Chekhina (La Présence de Hachem) au sein des Bené Israël dans le Michkan (Tabernacle).

Le “personnage” central de la Sortie d’Egypte est Moché Rabénou.

La Torah nous raconte les péripéties du début de son existence, avant que Hachem l’investisse de cette grande mission.

Le verset décrit les circonstances de sa naissance (Chemot 2,1-2) : “Un homme de la maison de Lévi alla et épousa la fille de Lévi …”. Il s’agit en réalité de Amram, le Gadol (Grand) de sa génération, qui épousa (ou “ré-épousa)” sa tante Yokhéved, la fille de Lévi.

Les explications sont nombreuses sur ces versets, où la Torah dépeint les parents de Moché Rabénou de façon anonyme, pour souligner que chaque Juif peut accéder à la grandeur (Rav Zalman Sorotskin, Oznaïm LaTorah).

Rav Yaacov Kamenetski (Emet LeYaacov) relève que la Torah souligne l’origine humaine naturelle de Moché Rabénou par opposition aux “délires” des nations qui inventent à leurs “grands-hommes” une origine surnaturelle….

La Torah rapporte ensuite la nécessité à laquelle sa mère Yokhéved dût se soumettre, de “confier son bébé à la garde de Hachem” en déposant son berceau dans le Nil, afin qu’il échappe à la mort certaine par les égyptiens lorsqu’ils l’auraient découvert chez ses parents (2, 3-4).

La Torah relate ensuite l’intervention de la Princesse Bitia, fille de Par’o, qui découvre ce panier flottant sur le Nil et qui décide de sauver l’enfant qui s’y trouve (2, 5-6).

Moché sera ainsi élevé au palais de Par’o par sa propre fille, jusqu’au jour où il sera dénoncé pour avoir tué un égyptien qui persécutait un Juif, et qu’il devra s’enfuir en Midian pour échapper à sa condamnation à mort décrétée par Par’o.

Nos Maitres soulignent abondamment la Volonté de Hachem de faire grandir Moché Rabénou au sein même du palais de Par’o, que ce soit pour qu’il y acquiert les “règles” de la classe dirigeante (Ibn Ezra, 2,3, et autres), où pour faire jaillir la délivrance de la source-même de la plaie.

Toutefois, notre Dvar Torah se focalise aujourd’hui autour de la Princesse Bitia, fille de Par’o qui a accédé à cette grandeur exceptionnelle d’élever Moché Rabénou, sauveur d’Israël et “intermédiaire” du Don de la Torah !

Comment comprendre le comportement de Bitia, d’une part, et son destin grandiose d’autre part ?!

Il est effectivement question ici d’une destinée exceptionnelle, de tous points de vue :

– Bitia reçut le titre de “mère” de Moché Rabénou, au point que les astrologues égyptiens ne discernèrent pas si le futur sauveur des Bené Israël, né ce jour, était Juif ou égyptien !! (Rachi, 1,22)

Rav Tsadok HaCohen (Pri Tsadik, Chemot, 10) explique que Moché était effectivement considéré comme le fils de Bitia, du fait qu’elle l’avait élevé, et que la Guemara (Meguila 13a) déduit de l’exemple de Moché que celui qui élève un enfant est considéré comme son parent.

– Le Midrach (Chemot Rabah 18,3) dit que même les premières nées filles moururent lors de la dixième plaie, la mort des premiers-nés. La seule qui échappa à ce sort fut Bitia, fille de Par’o, car elle avait un “avocat”, Moché. Or si nous considérons que Moché Rabénou était âgé de 80 ans lors de sa confrontation avec Par’o, alors Bitia, qui l’avait sauvé du Nil, était donc encore plus âgée ! Elle avait donc bénéficié d’une longévité particulière.

Mais la vie de Bitia ne s’arrêta pas là !

La Guemara (Meguila, 13a) identifie “Méred” cité dans Divré Hayamim (I, 4,17) comme étant Calev, un des “explorateurs” que Moché Rabénou avait envoyé dans le pays de Canaan, la seconde année du séjour des Bené Israël dans le désert. Calev était alors âgé de quarante ans (Yehochou’a, 14,7).

Le verset (Divré Hayamim, I,4,18) cite que Méred épousa Bitia, la fille de Par’o.

Etant donné l’âge de Calev lors de la Sortie d’Egypte, le décalage entre eux était considérable ! Elle avait bien plus que quarante ans de plus que lui !  

– Bitia est appelée par Hachem “Sa” fille (Bat-ya) car elle a appelé Moché “son” fils (Vayikra Rabah, 1,3).

– Bitia est un des sept Tsadikim qui sont entrés “vivants” au Gan Eden (Massékhèt Cala, fin chap.3). Même si cette réalité nous est étrangère, elle manifeste la grandeur particulière de Bitia.

– Bien que Moché ait reçu sept noms, dans le Torah, Hachem le désigne par le nom “Moché” que Bitia lui a attribué, qui rappelle les circonstances de son sauvetage (Guemara Meguila 13a).

– Le Zohar HaKadoch (Chela’h, 196-197) cite Bitia comme étant la “tête de file” des myriades de femmes Tsadkaniot qui se trouvent dans un “palais” particulier du Gan Eden, où elle accueille chaque jour trois fois “l’apparition” de Moché Rabénou … (là également, cette notion nous échappe, mais correspond encore à une dimension “hors du commun”…)

Ces quelques éléments, dont le sens de certains nous échappe totalement, n’ont évidemment pas pour but d’alimenter la “curiosité historique”, mais d’attirer notre attention sur le “dessein” de Hachem et ses “étapes”. Bitia participe de manière significative à toute la construction du Peuple de Hachem, et à l’Histoire du Monde !

Mais quelle est l’amorce de toute cette grandeur ? Le sauvetage de Moché Rabénou, départ du destin exceptionnel de Bitia !

Quelle était la motivation initiale de Bitia ?

Nos ‘Hakhamim donnent deux explications différentes de sa démarche :

– Le Pirké deRabbi Eliezer (Chapitre 48) dit que Bitia était descendue au Nil pour se laver, car elle était atteinte de “Tsaraat” (la lèpre). Et dès qu’elle saisit le bébé-Moché, elle guérit. Elle en conclut que ce petit bébé était un Tsadik et décida de le sauver.

– La Guemara (Meguila 13a) dit que Bitia était descendue se “laver” de l’idolâtrie de son père. Cette explication s’appuie sur le verset (2, 5) : “La fille de Par’o descendit se laver “sur” le fleuve …”. Or on se lave “dans” le fleuve ! Bitia était donc venue se “laver” “du” fleuve, se purifier de la conception idolâtre de son père qui attribuait au Nil une dimension divine.

Bitia avait compris que, contrairement à la conception de son père le Roi Par’o, qui considérait que le “Mazal” (Destin) est maître de l’existence, l’Homme, est en réalité au-dessus du “fleuve” et du Mazal et vit selon la Providence Divine. Et c’est cette démarche qui lui valut le mérite de sauver Moché Rabénou (Tiférèt Tsion sur le verset 2,5) !

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, 2,5) explique que Par’o se considérait lui-même “au-dessus” du fleuve qui apportait la prospérité à l’Egypte (voir le rêve de Par’o (Beréchit 41,1). Sa fille Bitia, constatant sa cruauté de jeter les enfants innocents en pâture au Nil, alla se “laver” de cette “idéologie” !

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChebaTorah (Chemot, p.168; Vayikra, p.32) rapporte les paroles de la Guemara (Meguila 13a) qui compare les démarches de Bitia et de Calev, celui qui devint son mari sous le nom de “Méred” (Révolte) dans Divré Hayamim !

La Guemara dit : “Que vienne Calev qui s’est rebellé contre la démarche des “Meraglim” (les explorateurs), et qu’il épouse Bitia fille de Par’o, qui s’est rebellée contre les idoles de son père !”.

Rav Chapira souligne deux aspects de la démarche de Calev et de Bitia :

–  leur capacité à se démarquer des tenants d’une conception néfaste, par l’initiative personnelle.

–  leur soumission au “Sékhel” – “l’intelligence” profonde dont Hachem a doté l’Homme pour surmonter tous les pièges du Yetser HaRa (le penchant du mal).

Le Ramban souligne, relativement aux fautes de la génération du Maboul (Déluge) (Beréchit 6,13), que Hachem a doté l’Homme d’un “Navi” (Prophète”) intérieur, le Sékhel, pour le guider dans la bonne direction.

Ces diverses explications montrent que la convergence du ‘Héssed (le don gratuit), et la capacité à suivre les directives du “Sékhel”, même en opposition au mouvement puissant de l’environnement, ont octroyé à Bitia le mérite d’être la “mère” adoptive de celui qui devait guider les Bené Israël dans le démarrage de leur destinée particulière.

Il est clair que Hachem a “tendu la perche” à Bitia en préparant les circonstances de son “exploit”. Toutefois son mérite reste entier pour avoir répondu comme il se devait à cette épreuve.

La Torah nous donne ici la clé de la “réussite” dans la vie !

Chaque pas dans la vie peut nous réserver une occasion exceptionnelle de “grandir”. A nous de savoir valoriser chaque instant !

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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