Parasha – 74 Vaye’hi 5783

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La Paracha Vaye’hi est la conclusion du Séfer Beréchit.

Dans son introduction au Séfer Chemot, le Ramban définit le Séfer Beréchit comme le “Livre de la Formation”, relativement à la Paracha Beréchit qui décrit la Création du Monde, et également pour les “actions de Avot” (nos Patriarches) qui étaient comme une sorte de “formation” pour les évènements à venir de leurs descendants.

Dans cette Paracha, Yaacov Avinou réunit ses fils au seuil de son départ de ce monde. Il veut leur “dévoiler” ce qui leur arrivera “à la fin des temps” (Beréchit 49, 1).

Rachi rapporte que Yaacov voulait dévoiler “la fin des temps”, mais la Chekhina (La Présence Divine) l’abandonna, et il commença à dire d’autres choses.

Cette explication étonne quant à l’utilité que la Torah fasse état d’un fait qui ne s’est pas réalisé.

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.145) cite la réponse du Zohar HaKadoch (p.234b) qui dit qu’en réalité, Yaacov Avinou a exprimé ce qu’il souhaitait, mais une partie était dévoilée, et une partie voilée. Rav Schorr souligne que bien que ces notions soient au-delà de notre perception, il nous reste à en comprendre au moins le sens “simple”.

Il souligne que ce que Yaacov Avinou voulait révéler n’était certainement pas l’échéance de la fin des temps…

Quelle en aurait été l’utilité pour les Chevatim (les fils de Yaacov) ?

Yaacov voulait certainement transmettre à ses fils la manière de vivre avec la pleine conscience de “l’aboutissement” positif des difficultés vécues dans la Galout (l’Exil).

De même que Yaacov Avinou lui-même vécut les dernières années de sa vie en Egypte à un niveau “du Olam Haba” (le Monde futur), il souhaitait révéler cette “recette” à ses fils. Il s’agit là d’une forme de Gueoula (délivrance) individuelle.

D’autres Commentateurs expliquent toutefois que cette notion concernait la Gueoula collective. Ils s’appuient sur le Midrach suivant :

Le verset dit : “Yaacov appela ses fils ; il dit : rassemblez-vous et je vous rapporterai ce qui vous arrivera à la fin des temps !”

Le Midrach explique le terme “rassemblez-vous” : “il leur ordonna concernant la dissension” (Beréchit Raba, 98,2).

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChebaTorah, I, p.405) explique que la préparation à la Gueoula passe par l’amour et la fraternité au sein du Peuple d’Israël.

Il cite un Midrach (Tana DevéEliahou Raba, chp.23) qui dit qu’en Egypte, avant-même d’avoir reçu la Torah, les Bené Israël pratiquaient la Mitsva de “Guemilout ‘Hassadim”, apporter à chacun ce qui peut l’aider.

Rav Chapira ajoute un Midrach (cité dans Sifté Cohen, p.20) qui décrit comment lorsqu’un des Bené Israël terminait sa “mesure” de briques imposée par les égyptiens avant un autre, il venait aider son frère.

Voilà ce que constata Hachem (Chemot 2,25), et qui amena la Gueoula.

Rav Chapira souligne que de même que la dissension mène à la Galout (comme nos ‘Hakhamim le disent particulièrement pour la Galout dans laquelle nous sommes plongés), ainsi, l’amour “gratuit”, l’amour d’Israël, entraine la Gueoula.

(“L’amour d’Israël” n’est pas une notion abstraite, brandie par certains en tant que “slogan” politique ! Il s’agit du véritable amour pour chaque Juif, comme le décrit le Midrach cité ci-dessus !!).

Rav ‘Haïm Zaïtchik (Maayené Ha’Haïm, p.112) cite le Midrach cité plus haut, relatif aux paroles de Yaacov Avinou.

Rav ‘Haïm Zaïtchik rapporte l’analyse de Rabbi Chlomo Alkabets sur les paroles de Haman : “…Il y a un peuple dispersé et fragmenté entre les peuples dans toutes les provinces de ton Royaume …” (Meguilat Esther, 3,8). Haman savait que cette “qualité” d’unité était fondamentale au sein du Peuple de Hachem, unique, avec une Torah unique. Leur situation actuelle de “fragmentation” au sein du royaume d’A’hachvéroch les rend vulnérables à l’attaque de leurs ennemis.

Rav Zaïtchik conclut que le seul moyen qui permet d’échapper aux malheurs de la Galout est l’effort de chacun pour purifier sa nature pétrie d’appétits matériels et d’égoïsme, pour atteindre ainsi l’unité indispensable à la Présence de Hachem en notre sein.

C’est également ce que développent les ‘Hakhamim (Sifra) relativement à “l’inauguration” du Michkan (Tabernacle), sur le verset (Vayikra 9,6) : “Moché dit : voici la chose que Hachem a ordonnée, vous ferez, et se manifestera à vous la Gloire de Hachem !”.

Le Midrach explique : “Moché a dit (au Peuple d’) Israël : Ce “Yétser HaRa” (le penchant du mal), éloignez-le de votre cœur ! et que vous soyez tous dans une crainte (de Hachem) unie, et dans un projet uni de servir Hachem. De même qu’Il (Hachem) est unique au monde, ainsi, que votre Avoda (Service) soit unie devant Lui … Si vous faites ainsi, la Gloire de Hachem se manifestera à vous !”.

Nous voyons ici que la manifestation de la Chekhina (Présence de Hachem) au sein des Bené Israël lors de l’érection du Michkan dépendait de leur unité parfaite.

Dans la Paracha Reéh, le verset (Devarim, 14, 1) dit : “Vous êtes les fils de Hachem votre Dieu. “Lo titegodedou” (généralement traduit par : “ne vous faites pas de blessures pour le deuil d’un proche) … “.

Nos ‘Hakhamim (Sifré) expliquent ce verset de deux façons différentes :

– Ne manifestez pas votre deuil à la manière des autres peuples.

– Ne vous divisez pas en “agoudot, agoudot” (faisceaux), mais soyez tous unis en une seule “gerbe” comme le dit le Navi (Prophète) : “… et Sa gerbe Il l’a fondée sur la Terre” (Amos 9, 6).

J’ai entendu de Rav Betsalel Rakow, zatsal, (Rav de Gateshead) l’explication suivante sur le lien entre ces deux commandements, apparemment très différents, pourtant réunis en un seul verset :

L’unité des enfants au sein de la famille est assurée par leur père, tant qu’il est en vie.

Ce n’est généralement qu’à sa mort que se manifeste la dissension entre eux, lorsque le “ciment” qui les unissait n’est plus.

C’est pourquoi Hachem nous dit, à l’occasion des prescriptions sur le deuil : “Vous êtes les fils du “Dieu vivant” ! Hachem (votre Père) est présent parmi vous ! Il n’y a donc pas place à la dissension entre vous !”.

De même, dans la Tefila de Roch Hachana et Yom Kippour, nous demandons à Hachem : “Et qu’ils forment tous un faisceau uni, pour accomplir Ta Volonté d’un cœur entier …”.

Rav Moché Epstein (Beér Moché, Vayikra, p. 413) cite la suite du Midrach Raba relatif aux recommandations de Yaacov Avinou à ses fils. Le Midrach (98, 4) dit que Yaacov exprima la crainte qu’il n’y ait dans le cœur de ses fils une “distance” (Ma’hlokèt) envers Hachem.

Ils lui répondirent : “Chema Israël …” : De même qu’il n’y a pas dans ton cœur de réticence face à Hachem, ainsi dans notre cœur il n’y a pas de réticence, mais Hachem notre Dieu Hachem est Un !”.

Rav Epstein souligne que l’unité d’Israël est étroitement liée à l’Unicité de Hachem.

Tout comme nous disons le verset “Chema Israël …” ainsi, le verset dit : “Et Qui est comme Ton Peuple Israël, Peuple “Un” sur la Terre …” (Divré Hayamim, I,17,21) (Ce verset est repris dans la Tefila de Min’ha de Chabat …). L’unité d’Israël constitue l’Honneur de Hachem.

Pour comprendre la nécessité pour Yaacov d’exprimer cette recommandation au moment particulier où il se préparait à attribuer les Berakhot à chacun des Chevatim, Rav Yaacov Kamenetski (Emet LeYaacov, Beréchit 49,1) explique que les Berakhot étaient destinées à mettre en valeur les potentialités spécifiques de chaque Chevet (Tribu). Aussi il y avait là un risque de dissociation en autant de “nations” séparées.

C’est pour parer à cette préoccupation que Yaacov a introduit les Berakhot individuelles en proscrivant catégoriquement toute “dissension” au sein du Peuple de Hachem !

Rav Kamenetski ajoute que c’est pour cette raison que Yaacov adressa ses messages à chacun de ses fils en présence des autres, afin que chacun prenne conscience des qualités de ses frères et qu’ils comprennent tous qu’ils sont complémentaires.

C’est également ce que Rav Kamenetski remarque (Bamidbar, 1,1) sur le fait que les “Degalim” (les campements par Chévet) n’ont été mis en place qu’après que le Michkan ait été érigé. Ce n’est qu’une fois que le centre de convergence des Chevatim a été défini que la spécificité de chacun pouvait être mise en valeur.

Il ne s’agit pas uniquement du souvenir de notre passé qui se manifeste ici, ni une notion abstraite “d’amour d’Israël”…

Pour atteindre l’objectif de la Création, avec l’avènement du “Royaume de Hachem” enfin reconnu sur Terre, nous devons fondre nos “richesses” profondes individuelles dans une unité réelle, dans la pleine reconnaissance de la grandeur de chacun de nos frères.

C’est là le message de conclusion du Séfer Beréchit, qui préfigure toute l’Histoire du Monde.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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