Parasha – 73 Le Jeûne du 10 Tévet 5783

תענית עשרה בטבת – Jour du début du siège de Yerouchalaïm
בס”ד
Le Assara BeTévet – le 10 Tévet correspond au début du siège de Yerouchalaïm mené par Nevou’hadnetsar, l’empereur de Babylonie, qui aboutit à la destruction du Beth HaMikdach (Temple).
Cependant, dans les Seli’hot (les Tefilot particulières que nous ajoutons les jours de jeûne à la Tefila de Cha’harit – le matin) figure un texte qui étend les épreuves de cette période de l’année aux deux jours précédents : le 8 et le 9 Tévet. Cette notion est reprise par le Tour Ora’h ‘Haïm (Chap. 580) dans son énumération des jours de jeûne institués par nos ‘Hakhamim.
Bien que l’obligation de jeûner soit limitée au 10 Tévet, et que les jours précédents ne soient plus respectés de nos jours (du fait de la faiblesse physique des générations nouvelles), le sens profond de ces trois jours reste lié.
Ce fait apparaît clairement du texte issu des Seli’hot qui associe trois évènements dans une même phrase : “Je rappelle la détresse qui m’a frappé ; de trois coups ce mois-ci Il m’a frappé … Ne les ai-je pas fixés tous les trois comme jours de jeûne : et le roi de Yavane (Ptolémée, Roi de l’Egypte “hellénisée”) m’a contraint d’écrire la loi grecque … le neuf (de ce mois) … est mort celui qui avait donné les paroles précieuses (les institutions fondamentales pour les générations à venir) c’est Ezra le “Sofer”. Le 10 Tévet, Ben Bouzi (Ye’hezkel le Navi (Prophète), qui reçut la prophétie du début du siège de Yerouchalaïm)…”
Ces mots témoignent que les trois jours, avec leurs malheurs respectifs, sont associés dans une même “prise de conscience”. Il s’agit bien, ici, de “prise de conscience”, car, comme nous l’avons rappelé de nombreuses fois, il n’y a pas place dans notre “calendrier” pour des commémorations stériles. Chaque jour, heureux ou “sérieux”, que nous marquons d’un rappel, est destiné à une réflexion profonde sur le passé et ses répercussions sur notre présent.
Considérons donc ces trois évènements de plus près, afin de déceler leur lien et les enseignements que nous devons en retenir.
D’un point de vue historique, l’évènement le plus marquant de ces trois, est le début du siège de Yerouchalaïm par Nevou’hadnetsar.
Pourquoi cet épisode est-il particulièrement marqué, à côté des étapes suivantes plus décisives de la catastrophe, la première brèche dans la muraille de Yerouchalaïm, le 17 Tamouz, et la destruction du Beth HaMikdach qui eut lieu le 9 Av ?
Pourtant, le jeûne du 10 Tévet a une telle importance que la règle serait que, s’il devait tomber un jour de Chabat (ce qui ne peut en fait jamais arriver selon l’agencement du calendrier…), on maintiendrait le jeûne (Beth Yossef, Ora’h ‘Haïm 550, au nom de Rav Aboudra’ham). 
Or ce n’est pas le cas des autres jours de jeûne (à part, bien sûr, Yom Kippour, qui n’est pas un jeûne de “pénitence”, mais de “grandeur”, car nous nous tenons ce jour “devant” Hachem, pour “réactiver” notre lien avec Lui).
Assra BeTévet, avec l’évènement qui l’a marqué, serait-il plus “significatif” que même Tich’a BeAv, jour de la destruction du Beth Hamikdach ?!
Venons-en au second “évènement” souligné par le texte des Seli’hot le second de ces jours : la mort de Ezra le Sofer.
Nos ‘Hakhamim (Guemara Sanhédrin 21b) comparent Ezra à Moché Rabénou, et disent qu’il aurait été apte à ce que la Torah soit donnée par son intermédiaire, s’il n’avait pas été devancé par Moché Rabénou. Le ‘Hatam Sofer explique que le rôle de Ezra dans la transmission de la Torah se situe particulièrement au niveau du lien entre la Torah “écrite”, les cinq Livres du ‘Houmach, et la Torah “Orale”, les développements de la Torah transmis de génération en génération.
Nous ne sommes pas particulièrement “sensibles” au décès de Ezra car la mort, est pour nous un phénomène inéluctable, “naturel”, et il nous semble évident que chacun quitte ce monde un jour et qu’il est « naturel » quenos Grands nous quittent à un âge “avancé”.
C’est cette perception “banalisée” de l’évènement que vient corriger le “jeûne” (non respecté de nos jours) du 9 Tévet ! Chaque élément de la Torah qui nous est transmisest plus précieux que toutes les richesses du monde ! Le départ de chaque Sage de la Torah, qui nous prive de ses enseignements et de son influence, doit nous secouer profondément. Et particulièrement concernant Ezra dont l’apport était à ce point décisif pour les générations à venir, dans la perception de la dimension profonde de la Torah.
La catastrophe de l’évènement qui eut lieu le 8 Tévet est encore plus difficile à percevoir !
Le 8 Tévet est le jour où les 72 ‘Hakhamim ont remis leur traduction de la Torah au Roi qui la leur avait demandée.
Rav Yaacov MeEmden (Sidour Bet Yaacov, p. 369 sur le texte des Seli’hot relatives à Assara BeTévet) rapporte qu’à la suite de la traduction de la Torah en Grec par les ‘Hakhamim il y eut trois jours de ténèbres !
Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou Likoutim, p. 154 et suivantes) rapporte les paroles du ‘Hatam Sofer qui s’étonne pourquoi devrait-on jeûner le 8, le jour où la Torah a été écrite en Grec, et pourquoi y a-t-il eu trois jours de ténèbres ?!  
Nous voyons pourtant que les ‘Hakhamim qui ont traduit la Torah ont bénéficié d’une aide de Hachem extraordinaire, puisqu’ils ont tous donné une traduction exactement identique, jusqu’aux modifications qu’ils ont été inspirés par Hachem de faire pour éviter des incompréhensions de la part du Roi qui avait commandé cette traduction. Par exemple, ils ont tous inversé l’ordre des premiers mots de la Torah : “Beréchit Bara Hachem”, qu’ils ont tous traduit par : “Hachem a créé au début”. Et cette traduction a été l’occasion d’un grand honneur pour les ‘Hakhamim.
Pourquoi cette traduction fut-elle alors sanctionnée par ces trois jours de ténèbres ?!
Il répond qu’en réalité le fondement de la culture grecque était l’esthétique superficielle, sans la profondeur des choses. Il cite comme antécédent le comportement de Yéfet l’ancêtre des Grecs, qui couvrit son père Noa’h (qui après avoir bu du vin, s’était couché dévêtu) avec son frère Chem. Toutefois, on voit que la récompense qui leur a été promise est différente, car, bien que dans l’action ils étaient égaux, dans l’intention ils étaient fondamentalement différents !
Yéfet n’a agi que par souci d’esthétique, tandis que Chem a agi pour la profondeur de l’acte, la Mitsva !
L’essentiel du conflit avec Yavane (La civilisation grecque) se situait au niveau de la Torah Orale.
Et dans la traduction se perdait automatiquement le lien entre la Torah écrite et la Torah orale qui dépend de l’écriture en Lachone Hakodèch (notre Langue “sainte”), comme nous avons vu dans le Dvar Torah sur la Paracha Vayigach que notre Langue n’est pas un simple moyen de communication humain.
De même, le rôle de Ezra se situait également au niveau du contact entre la Torah écrite et la Torah orale. Nos ‘Hakhamim nous enseignent qu’il remit en vigueur l’utilisation généralisée des caractères de l’écriture fondamentale de la Torah (que nous appelons “Ktav Achouri”), qui, jusqu’à l’époque d’Ezra était réservée au Séfer Torah écrit par Moché Rabénou et conservé dans le Beth HaMikdach ; l’ensemble du Peuple utilisait une écriture différente, pour préserver le caractère Kodèch (Saint) de l’écriture du Sefer Torah.
Ezra rendit obligatoire l’utilisation générale de l’écriture originale, porteuse de la profondeur de laTorah, pour rendre perceptible à tous le lien avec la Torah orale qui découle de l’analyse de la Torah écrite.
Tel est donc le lien entre le jour de la disparition de Ezra, et le jour de la traduction de la Torah en grec ! Ces deux évènements touchaient à la valeur profonde de la Torah orale, particulièrement réservée aux Bené Israël, à l’exclusion de toute autre nation ou culture !
L’obligation de jeûner reste limitée au 10 Tévet qui marque le malheur de notre Peuple ce jour, par le début du siège de Yerouchalaïm, prémisse de la destruction du Beth HaMikdach.
Rav Schorr souligne la première phrase du second paragraphe des Seli’hot de ce jour : “Mes ancêtres, lorsqu’ils avaient “Bita’hone” (la confiance totale) dans le Dieu mon “Rocher”, ont grandi et réussi, et aussi ont fructifié ; et du moment où ils se sont écartés et sont allés face à Lui de façon “aléatoire”, ils sont allés diminuant jusqu’au dixième mois (Tévet)”.
Rav Schorr souligne que la source de nos malheurs est l’abandon du Bita’hon, et le jeûne, moment de réflexion et de Techouva, vient renforcer cette qualité en nous. Le Bita’hon n’est pas une simple affaire de “bonne volonté”, ou de “philosophie” personnelle ! Le Bita’hon dépend étroitement de la spécificité de notre lien avec Hachem, qui se manifeste dans la perception profonde du fonctionnement du Monde, au-delà des apparences mises en évidence par la science basée sur la culture de Yavane (la Grèce antique).
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah Devarim II, p.198 et suivantes) développe abondamment la spécificité de la Torah, à la différence de toute autre “connaissance” !
Le verset (Tehilim147, 19-20) dit : “Il révèle Ses Paroles à Yaacov, Ses décrets et Ses lois à Israël ! …”. La Torah est l’héritage exclusif d’Israël, et il n’y a pas place aux étrangers dans ce lien.
Rabbi Yerou’ham souligne que le fait que les ‘Hakhamim aient dû “altérer”, dans la traduction en grec, si peu que soit la traduction “authentique” de certains termes, même s’ils n’ont pas changé en cela le sens réel du texte, constitue déjà une “amputation” de l’intégralité de la Torah !
L’impossibilité, même pour des raisons valables, de transmettre la Torah dans son authenticité est une “mutilation” qui fait perdre toute la Grandeur profonde de la Torah.
 
Cette simple traduction, pourexacte qu’elle ait été dans l’essentiel, est déjà qualifiée par nos ‘Hakhamim de “loi grecque” ! Ce n’est déjà plus notre Torah “vraie”, et cette brèche justifie que toutes les générations doivent jeûner !
Le lien entre les trois évènements des 8, 9, et 10 Tévet est donc clairement établi, et, bien que le jeûne ait lieu le 10 Tévet, en rapport avec la perte du Beth HaMikdach, l’origine de ce jeûne est finalement le dernier des évènements dans la chronologie de l’Histoire !
Le siège de Yerouchalaïm se situe à la fin de l’époque du premier Beth HaMikdach.
La disparition de Ezra au début du second Beth HaMikdach.
La traduction de la Torah en Grec eut lieu au milieu de l’époque du second Beth HaMikdach.
Toutefois, ce n’est qu’après l’évènement tragique de la traduction que nos ‘Hakhamim ont confirmé la gravité particulière de ces jours, qui se manifeste dans le texte des Seli’hot.


Ces explications doivent être pour nous la source d’une inspiration nouvelle dans ce jeûne : faire tout notre possible pour revenir à une lecture authentique de la Torah et une approche authentiquement Juive du monde, affranchie de l’influence polluante des cultures étrangères. C’est ainsi que nous pourrons revenir à notre lien profond avec Hachem, et mériter de sortir de la Galout (exil spirituel) vers la Gueoula (Délivrance) !

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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