Parasha – 71 Mikets 5783

בס”ד

Après avoir séjourné pendant 12 ans en prison, Yossef est appelé devant Par’o pour interpréter ses rêves qui le tourmentent (Beréchit 41, 14).

Yossef est alors âgé de 30 ans (41, 46). A la suite de son interprétation des rêves, Par’o le nommera vice-roi d’Egypte et ce faisant, il lui confère un pouvoir absolu (41, 40-44), faisant de lui ce qu’on appellerait dans le monde moderne un “dictateur”.

Yossef va effectivement exercer un pouvoir sans limite, prenant possession des récoltes des sept années d’abondance au profit de Par’o, puis obligeant les égyptiens à se circoncire (Rachi 41, 55).

Yossef achève même sa “réforme” de l’ordre social en Egypte en collectant pour Par’o toutes les richesses des égyptiens en contrepartie de la nourriture qu’il leur fournit (47, 13-17).

La dernière étape de ses réformes sera l’acquisition des terres et des égyptiens eux-mêmes comme esclaves de Par’o (47, 19-21), allant jusqu’à déplacer tous les égyptiens d’une ville à une autre de telle sorte qu’ils soient conscients qu’ils ne sont pas propriétaires de leurs terres.

Quel dirigeant possèderait aujourd’hui un tel pouvoir en dehors d’un système de terreur ?!

Or, il apparaît que Yossef HaTsadik avait une autorité absolue sur l’Egypte, qui était alors la première puissance du monde.

Yossef s’éteindra à l’âge de 110 ans (50, 26) et aura droit aux honneurs royaux d’être embaumé et conservé dans un sarcophage, à l’instar des Pharaons. Il régna ainsi pendant 80 ans, plus qu’aucun dictateur dans l’Histoire …

La vie de Yossef soulève plusieurs questionnements :

1-Comment comprendre le secret d’un tel succès au sommet du pouvoir, accompagné d’une acceptation totale par la population ?

En effet, l’autorité de Par’o n’aurait certainement pas suffi à maintenir en place un Vice-Roi, étranger, contre les règles en place dans l’Egypte de l’époque : Rachi (41, 12) souligne tous les défauts que le Chef échanson énuméra lorsqu’il mentionna enfin Yossef devant Par’o :

* Un jeune : irresponsable et inapte à la grandeur.

* Un hébreu : il ne connait même pas notre langue !

* Un esclave : et selon les normes en vigueur en Egypte, il est stipulé qu’un esclave ne peut ni régner, ni revêtir les habits princiers.

2 – Comment Yossef a-t-il vécu cette période de sa vie, depuis l’âge de 17 ans où il fut arraché à sa famille, auprès de son père, Yaacov Avinou avec qui il étudiait la Torah, jusqu’à la fin de ses jours, après 93 ans plongé dans l’atmosphère de l’Egypte idolâtre et immorale ?!

– Et enfin, comment comprendre que ce soit justement Yossef, avec tous ces handicaps, que la Torah désignera comme Yossef “HaTsadik” ?!

– Quelle est la part de cette destinée “tragique” dans l’avenir des descendants de Yossef jusqu’à celui qui est défini comme “Machia’h Ben Yossef” ?!

Pour mesurer la grandeur jusqu’à la fin de ce “personnage” énigmatique, étudions les dernières paroles qu’il adressa à ses frères, qui viennent conclure le Séfer Beréchit.

Dans son introduction au Séfer Chemot, le Ramban définit le Séfer Beréchit comme celui de la “formation” du Monde, depuis la Création jusqu’aux Avot dont les faits et gestes constituent la “formation” de la vie des descendants jusqu’à la fin des temps. Yossef est donc considéré comme faisant partie des “Avot” !

Les dernières paroles de Yossef furent (50, 25) : “Yossef imposa un serment aux Bené Israël en disant : “Se souvenir, Hachem se souviendra de vous, et vous ferez monter mes ossements d’ici”.

Et lorsque les Bené Israël sortirent d’Egypte, Moché Rabénou prit effectivement le cercueil de Yossef pour l’amener en Erets Israël.

Le cercueil de Yossef accompagna les Bené Israël tout au long de la traversée du désert, et le Midrach (Beréchit Raba, 87,8) dit : “Par le mérite des ossements de Yossef, la Mer se fendit pour les Bené Israël ; c’est ce qui est écrit : “la Mer vit, et s’enfuit” (Tehilim, 114,3). Par le mérite de ce qu’”il abandonna son vêtement dans sa main et il s’enfuit” (lorsque Yossef refusa les avances de la femme de Potifar) (Beréchit, 39,14).

Nous voyons ici la grandeur de Yossef qui accompagna les Bené Israël dans leur grande délivrance même bien après sa mort. L’exploit accompli à l’âge de 18 ans, de résister à la sollicitation de la femme de Potifar, (et malgré le risque qu’elle l’accuse comme cela se produisit) après seulement 17 ans de formation auprès de Yaacov Avinou, est le symbole de toute la grandeur de Yossef au long de son existence, jusqu’à l’âge de 110 ans.

Rav Yossef Yehouda Bloch (Chiouré Daat, III, Meloukha) développe la grandeur de Yossef, une Grandeur Royale, comparable à celle de Yehouda, comme le souligne le Midrach (Beréchit Raba, 90,3) : “Yossef, c’est de ce qui était “sien” qu’on lui a donné” ; c’est-à-dire que les honneurs que Par’o a octroyés à Yossef en le dotant de parures princières, et en lui accordant le pouvoir absolu sur l’Egypte, n’était que la manifestation de la maîtrise totale de Yossef sur ses actes.

A propos du verset (Chemot 1,5) : “… et Yossef était en Egypte”, Rachi explique que la Torah vient souligner ici la Tsidkout (l’intégrité) de Yossef : c’est le même qui faisait paître les troupeaux de son père (avant l’âge de 17 ans), c’est le même Yossef qui était en Egypte et devint Roi, et préserva sa Tsidkout !”.

Rav David Powarski (Moussar Vadaat, I, Chap.6) analyse la grandeur de Yossef.

Il nous décrit Yossef qui était passé du cocon de la maison de Yaacov Avinou à l’horreur de son sort après avoir été jeté dans la prison (hors de comparaison avec le confort exagéré des prisons modernes …), sans aucun espoir d’en sortir.

Dans cette situation de ténèbres, il ne perdit rien de sa sérénité.

Rav Powarski décrit Yossef est comme “un Mal’akh servant dans les hauteurs de la Création”.

Où qu’il soit, c’est là que Hachem l’a placé, et c’est là qu’il “doit être”. Lorsqu’on le sort de cette fosse, pour l’amener devant Par’o afin d’interpréter ses rêves, le verset dit : “… on le fit “courir” hors de la fosse ; il se rasa, et il changea ses vêtements puis il vint vers Par’o” (41, 14). Rachi souligne que Yossef se rasa pour l’honneur du Roi vers lequel on le conduisait.

Sans “panique”, après avoir séjourné pendant 12 ans dans la fosse immonde qu’était la prison en Egypte, Yossef arrive sereinement, avec une maîtrise totale, à la rencontre de Par’o !

Alors que son sort est en jeu, au lieu de se “faire briller” pour son talent à interpréter les rêves, il répond à Par’o : “Ce n’est pas moi ! Dieu répondra pour la tranquillité de Par’o” (41, 16).

Quel contraste avec la panique qui agite Par’o à la suite de ses rêves (41,8) !

Rav ‘Haïm Friedlander (Sifté ‘Haïm, Beréchit, p. 458 et suivantes) analyse la grandeur de Yossef HaTsadik, auquel le Midrach (Beréchit Raba, 89,3) applique le verset (Tehilim, 40,5) : “Heureux est l’homme qui place en Hachem sa confiance”.

Il ne s’agit pas ici d’une “déclaration de principe” de confiance en Hachem, comme tout un chacun est susceptible de l’exprimer !

Il s’agit d’une attitude permanente face aux épreuves réelles de l’existence.

Le Midrach souligne que la moindre erreur d’action, comme le fait de solliciter du Chef échanson de le faire sortir de son emprisonnement injuste (40,14-15), est sanctionnée par deux ans supplémentaires dans la fosse, avant que Hachem n’envoie à Par’o les rêves qui mèneront à la libération de Yossef !

Rav Friedlander ajoute que tout au long de sa vie Yossef n’a jamais interrompu son étude de la Torah !

Nos ‘Hakhamim (Beréchit Raba, 95,3) enseignent que l’étude de la Torah était la préoccupation essentielle des Avot, comme il apparaît de ce que Yaacov envoya Yehouda préparer son arrivée en Egypte en installant une Yechiva pour l’enseigner aux Chevatim (les Ancêtres des Tribus).

Nos ‘Hakhamim ajoutent une preuve en citant le dialogue de Yaacov Avinou avec ses fils revenus d’Egypte en lui annonçant la bonne nouvelle de l’existence de Yossef en Egypte. Yaacov leur demande alors quel était le sujet de son étude avec Yossef juste avant qu’il l’ait envoyé vers ses frères et qu’il ait disparu… Pour Yaacov, il s’agissait d’un “test” pour vérifier s’il s’agissait bien de Yossef !

Rav Friedlander rapporte les paroles de Rav Cahaneman, fondateur de la Yechiva Poniowitz à Bné Brak. Il est compréhensible, à la rigueur, que Yaacov et Yossef se souviennent de ce “détail” qui marqua leur séparation douloureuse de 22 ans. Mais comment Yaacov Avinou pouvait-il attendre des Chevatim qu’ils en aient connaissance ?!

Le Rav de Poniowitz explique que Yaacov Avinou était certain que s’il s’agissait bien de son fils Yossef, celui -ci serait certainement resté attaché à l’étude de la Torah au point que dès la première rencontre avec ses frères, malgré la joie des retrouvailles, et l’émotion considérable, il mentionnerait le dernier sujet d’étude qu’il avait partagé avec Yaacov, s’enquérant auprès de ses frères quel développement avait eu ce sujet depuis dans la Yechiva de Yaacov.

Et si l’interlocuteur de ses fils n’avait pas fait cela, alors Yaacov était certain qu’il ne pouvait pas s’agir de Yossef !

Yossef lui-même, était tellement conscient que ce serait la première préoccupation de son père, qu’il lui envoya des “charrettes” (45, 21) pour faire allusion au sujet de leur dernière étude (voir Rachi, 45, 27).

Nous voyons que Yossef était resté immergé dans l’étude de la Torah pendant les 22 ans de sa séparation avec Yaacov Avinou, dont 13 ans d’esclavage et de prison, et 9 ans de gestion “de crise” de l’Egypte, des années d’abondance puis de famine, sans quoi il n’aurait pas été le digne fils de Yaacov Avinou !

Nous pouvons comprendre de là que Yossef est resté le même à travers ses épreuves, tout au long de son règne de 80 ans sur l’Egypte, première puissance mondiale de l’époque.

Plongé au sein des égyptiens, isolé de sa famille installée à Gochen, loin du siège du pouvoir, Yossef ne diminua jamais son attachement à l’étude de la Torah, comme chez Potifar et dans la fosse …

Nous ne comprenons évidemment pas le sens profond de la Avoda de Yossef, Roi d’Egypte pendant 80 ans !

Cela ressort du Plan Divin qui nous échappe totalement. Ce qui nous concerne est la manière dont Yossef HaTsadik a “géré” cette épreuve …

Rav Friedlander souligne la différence fondamentale entre la dimension “royale” de Yehouda, basée sur la capacité à reconnaître et réparer l’erreur, qui sera la grandeur de son descendant David, et la grandeur de Yossef qui résidait dans une perfection sans faille toutau long de son existence. Bien que Yehouda représente la grandeur qui peut être vécue par l’ensemble d’Israël, Yossef est la référence des “êtres d’exception”.

Chacun de nous doit s’inspirer de ces deux exemples dans son chemin dans la vie.

Yossef reste pour nous le modèle qui “tirera vers le haut” notre Avoda (Service de Hachem).

La Gueoula accompagnée de la révélation du “Machia’h Ben David” sera précédée par la venue du “Machia’h Ben Yossef” qui déclenchera chez nous une vraie Techouva vers la perfection du lien avec Hachem.  

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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