Parasha – 68 Vayichla’h 5783

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La Paracha Vayichla’h développe les évènements relatifs au retour de Yaacov Avinou après qu’il ait séjourné pendant 20 ans chez Lavane. C’est au cours de ce séjour qu’il épousa Léa et Ra’hel, ainsi que leurs suivantes, Zilpa et Bilha. Ses 4 épouses lui donnèrent onze fils (jusqu’à Yossef), et une fille, Dina.

Quant à Binyamin il naitra, pendant leur voyage de retour (Beréchit 35, 16-18).

L’essentiel de cette Paracha est consacré aux préparatifs de Yaacov à la confrontation avec son frère Essav (32,4-25), puis le “combat” avec”l’ange” qui représentait Essav (32, 25-33), et enfin à la rencontre avec Essav lui-même (33, 1-17). 

Toutefois, parmi les épreuves auxquelles Yaacov Avinou a été exposé, figure un évènement dramatique et, pour le moins énigmatique : l’enlèvement et l’agression de Dina par le prince Chekhèm de la ville du même nom (33, 18-31).

Cet épisode a entraîné une intervention “vigoureuse” des frères de Dina, Chimon et Lévi, alors âgés d’environ 12 et 11 ans respectivement.

Après avoir persuadé Chekhèm et son père d’entraîner leurs concitoyens à accepter de procéder à la Mila (circoncision) comme “condition” du mariage de Dina avec Chekhèm, Chimon et Lévi profitèrent de la faiblesse consécutive à cette intervention pour exécuter tous les habitants de la ville, complices de leur prince dans son crime, et reprendre Dina.

Il n’est pas imaginable que ce malheur soit le fait du “hasard”, qui n’a aucune place dans l’Histoire du Monde comme nous l’avons déjà évoqué abondamment dans nos Divré Torah, (voir en particulier le Dvar Torah sur la Paracha de la semaine dernière, Vayétsé). Une telle épreuve ne pouvait frapper Yaacov Avinou que si elle émanait de la Volonté de Hachem, et ce, jusque dans la moindre de ses conséquences.

Examinons les détails de cet épisode, puis ses “retombées” dont nos ‘Hakhamim font état dans les recueils de Midrachim, et dans les commentaires de nos Maîtres.

Le texte de la Torah est très concis sur les circonstances du rapt et de l’agression : “Dina, la fille de Léa, qu’elle avait enfantée à Yaacov sortit pour voir les filles du pays. Chekhèm fils de ‘Hamor le ‘Hivi, Prince de la terre la vit, et la prit … (34, 1-3)”.

Le Midrach (Pirké deRabbi Eliezer, 38) explique la “sortie” de Dina : “… car la fille de Yaacov résidait dans les tentes, et ne sortait pas à l’extérieur. Que fit Chekhèm fils de ‘Hamor ? Il amena des jeunes filles qui jouaient à l’extérieur et frappaient sur les tambourins. Dina sortit pour voir ces filles qui jouaient, et il la saisit… et elle tomba enceinte et mit au monde Osnat…

Que fit alors Yaacov (pour éloigner Osnat tout en garantissant sa sécurité) ? Il apporta une plaquette et écrivit dessus le Nom Kadoch (Saint) (de Hachem) et la suspendit à son cou. Puis il l’éloigna, et elle s’en alla.

Et tout est prévu par Hachem… Mikhaël le Mal’akh (Ange) descendit et la fit descendre en Egypte, à la maison de Potifar, car Osnat était destinée à épouser Yossef …

Et lorsque Yossef descendit en Egypte, il l’épousa, comme il est dit (41, 45) : “…il (Par’o) lui donna (à Yossef) Osnat, la fille (adoptive) de Potiféra…comme épouse”.

Ce récit de nos ‘Hakhamim, très abrégé, ne notifie que l’essentiel des évènements qui s’étendirent sur plus de trente ans…

Rabénou Be’hayé (41,45) cite que Yaacov avait inscrit (sur la plaquette) : “Quiconque se lie à toi, se lie à la descendance de Yaacov”.

Et Yossef qui l’épousa avait lu cet écrit et il conserva cet écrit ; et c’est ce qu’il rapporta à son père (Yaacov, relativement à ses fils Menaché et Ephraïm, dont Yaacov craignait qu’ils soient issus d’une ascendance indigne ; 48,9) : “Ce sont mes fils que Hachem m’a donné par cela…” et il lui montra cet écrit.

Rav Moché Wolfson (Emounat Itèkha, p.120, sur la base de diverses sources dont le Midrach Beréchit Raba, 98,18) explique que lorsque Par’o fit circuler Yossef sur un char immédiatement après le sien, les jeunes filles égyptiennes jetaient des bijoux pour attirer son attention. Osnat lança l’amulette qu’elle portait au cou. Yossef vit cette amulette. Il sut alors qu’elle était issue de la descendance de Yaacov, et il l’épousa.

Ces quelques éléments témoignent de la Présence Divine dans tous les évènements, grands ou petits de l’Histoire de la Création…

Reste l’énigme du sens de ces “péripéties” qui accompagnent l’existence, même des plus grands, comme Yaacov Avinou.

Comment comprendre une telle épreuve, l’enlèvement de sa fille par ce “monstre” qui bafoua les fondements mêmes de la société de l’époque, où une telle agression était exclue (Rachi 34, 7 : “et cela ne se faisait pas… car les peuples avaient érigé des barrières en matière de mœurs à la suite du Maboul (Déluge) “.

Nos ‘Hakhamim ont avancé diverses explications quant aux “manques” qui causèrent ce tourment à Yaacov.

Rachi (32, 23) rapporte qu’avant la rencontre avec Essav, Yaacov avait caché Dina dans une malle, afin qu’Essav ne soit pas tenté de la demander en mariage. Hachem le “punit” de ne pas avoir voulu la donner à son frère qu’elle aurait pu ramener à un meilleur comportement, et elle échut à Chekhèm …

Rachi lui-même (35, 1) attribue ce drame à une autre cause : le fait que Yaacov s’était “attardé” en chemin avant d’accomplir son vœu de remercier Hachem à l’endroit où Il lui était apparu à sa sortie d’Erets Israël vers ‘Haran (28, 18-22).

Toutes ces explications puisent leur source dans divers Midrachim, et sont complémentaires. Elles viennent souligner la “précision des exigences” de Hachem envers les Tsadikim.

En ce qui concerne Dina, Rachi (34,1) souligne que la Torah la cite comme “fille de Léa” et non : “fille de Yaacov” ?! parce qu’elle “sortit”. Elle est appelée “fille de Léa” qui elle aussi, avait manifestéune tendance à “sortir”, comme il est dit (30, 16) : “Léa sortit à sa rencontre (de Yaacov) …”.

Et bien que cette “sortie” de Léa soit à l’origine de la naissance de Issakhar, dont les descendants s’illustrèrent par leur attachement à l’étude de la Torah, Hachem relève le moindre manque infime de perfection chez les Tsadikim.

Pareillement, même si la sortie de Dina était motivée par un but élevé : influencer positivement les filles de Chekhèm (Rav David Powarski, Yichmerou Daat, p.85), et uniquement “les filles” … Un léger défaut de précision dans l’action des Tsadikim entraîne des conséquences considérables.

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.114) explique que cette épreuve avait pour fonction de “clarifier” la dimension “Israël” de Yaacov. C’est la prémisse à l’opposition farouche des Juifs aux Grecs qui voulaient leur imposer d’écrire sur la corne de leurs taureaux qu’ils (les Juifs) “n’avaient pas part au Dieu d’Israël” …

Ces quelques explications viennent attirer notre attention sur la grandeur à laquelle chacun doit aspirer, dans “l’imitation” de la grandeur des Tsadikim.

Il reste cependant l’étonnement relatif à la naissance d’Osnat. Comment imaginer que l’épouse destinée à Yossef Hatsadik soit issue d’un acte aussi indigne ?! Comment comprendre que Hachem prépare à partir d’un Racha impur comme Chekhèm, l’épouse de Yossef, la mère des deux Chevatim (Tribus) Menaché et Ephraïm, ancêtre du “Machia’h Ben Yossef” qui doit “préparer” l’avènement du Machia’h descendant de David HaMélekh ?!

Explorons, exceptionnellement, un domaine de la Torah dont les “clés” nous manquent, mais que nos Maîtres des générations ont entrouvert devant nous.

Rav ‘Haïm Benattar (Or Ha’Haïm HaKadoch) développe à deux endroits (Beréchit 49,9 ; Devarim 21,11) l’explication de la “récupération” de Nechamot (âmes) captives dans le domaine de la Toum’a (impureté). Il explique qu’à la suite de la “faute” d’Adam Harichone, qui portait toutes les Nechamot à venir, une partie de ces Nechamot fut prise par la dimension du “Mal”, c’est-à-dire la tendance à s’éloigner de la Volonté Divine.

Au fil du temps, ces Nechamot sont appelées à réintégrer la Kedoucha.

Certaines Nechamot “reviennent” par l’adhésion des Guérim (prosélytes) qui rejoignent le Peuple Juif.

D’autres ne peuvent être “libérées” que de manière indirecte.

Ce fut le cas d’une partie du Néfech de Chekhèm, qui ne put s’affranchir de cette entrave qu’au contact de Dina qui “arracha” cette Nechama de Chekhèm.

Le Or Ha’Haïm rapporte qu’il s’agissait de la Nechama destinée à être celle de “Rabbi ‘Hanina Ben Teradion” qui mourut sur le bûcher pour avoir enseigné la Torah publiquement, au mépris de l’interdiction des Romains.

Il souligne l’allusion “discrète” de la Torah dans le mot “ra’hvat” (34, 21) dont les lettres forment les initiales de Rabbi ‘Hanina Ben Teradion.

Rav Moché Wolfson (Emounat Itèkha, p.120) cite que la Nechama du Machia’h Ben Yossef était également “enfouie” dans Chekhem.

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché, p. 718) rapporte que la Nechama de Rav Amram ‘Hassida qui manifesta le refus d’une faute de mœurs (Guemara Kiddouchin 81a) était un prolongement de celle de Rabbi ‘Hanina Ben Teradion.

Il souligne que la “sortie” de Dina produisit une augmentation du Kidouch Hachem (“Sanctification” du Nom de Hachem) dans la dimension profonde de sa démarche. C’est dans ce sens qu’elle est comparée à sa mère Léa, dont l’initiative de “sortir” à la rencontre de Yaacov eut pour effet d’être à l’origine de la naissance de Issakhar, dont la dimension est particulièrement liée à la Torah, en vue d’amener le Kidouch Hachem.

Cet épisode nous montre l’imbrication des actes des hommes avec le Plan de Hachem.

Il ne s’agit bien sûr pas de justifier les “erreurs de parcours” des hommes par leur retentissement positif sur l’Histoire !

Rav Chlomo Harkavi (MéImré Chlomo, p.69) souligne que le Plan de Hachem ne dépend pas d’une action ou d’une autre de l’Homme. Il cite la Guemara (Nedarim 23) qui applique le verset : “car les chemins de Hachem sont droits ; les Tsadikim y cheminent, et les fauteurs y trébuchent”, à Lot et ses filles.

Hachem mène le Monde à son accomplissement à travers les actions des hommes, bonnes ou mauvaises ; mais chacun reste responsable de ses actes.

Cette Paracha nous enseigne le lien indissoluble entre le monde “apparent”, qui fonctionne de façon “naturelle”, et la réalité profonde que Hachem nous dévoile dans la Torah, et qui constitue la trame de notre quotidien.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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