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La Paracha Vayétsé nous décrit la construction du Bayit – la maison de Yaacov Avinou. Cette Paracha commence par le verset : « Yaacov sortit de Beér Chèva et alla à ‘Haran » (Beréchit 28, 10).
Ce verset fait suite aux circonstances qui accompagnèrent l’octroi par Its’hak Avinou de la Berakha à Yaacov à la place d’Essav (27, 1-46).
Its’hak avait projeté d’accorder une Berakha à Essav. Or, Rivka Iménou qui avait reçu une Nevoua (Prophétie) selon laquelle elle devait œuvrer afin de faire bénir Yaacov à la place de Essav, agit en conséquence.
Rivka Iménou reçut ensuite une nouvelle Nevoua relative à l’intention d’Essav d’attenter à la vie de Yaacov, et elle incita Its’hak Avinou à envoyer Yaacov chercher une épouse à ‘Haran, dans la maison de Betouel (le neveu d’Avraham), parmi les filles de Lavane, le frère de Rivka.
Nos Maitres déduisent du texte que Yaacov étudia pendant 14 ans à la Yechiva de Chem (un des fils de Noa’h) et Ever (l’arrière-petit-fils de Chem) avant d’aller à ‘Haran (Rachi, 28,9).
Yaacov qui avait 63 ans lorsqu’il quitta Beér Chèva, arriva donc à ‘Haran âgé de 77 ans.
Son parcours chez son oncle Lavane, débuta par une période de 7 ans où il travailla en tant que berger pour Lavane afin d’obtenir le droit à la construction de sa famille, à l’âge de 84 ans.
Son accord avec Lavane prévoyait qu’il se marie avec Ra’hel, la fille de Lavane, (29, 18-20). Toutefois Lavane trompa Yaacov, et au lieu de lui donner Ra’hel, il lui donna son autre fille Léa.
Face aux protestations de Yaacov lorsqu’il découvrit la supercherie au lendemain du mariage (29,25), Lavane lui proposa de lui donner également Ra’hel en échange d’une période de travail supplémentaire de 7 ans (29, 26-29).
Yaacov Avinou épousa donc les deux filles de Lavane, Léa et Ra’hel, auxquelles s’ajoutèrent ultérieurement leurs « servantes » Zilpa et Bil’ha.
Les 12 fils de Yaacov furent les ancêtres des 12 Chevatim (Tribus) qui constituent la base du Peuple d’Israël, sont issues de ces 4 mères.
Ces rappels peuvent sembler superflus, d’autant que chacun peut retrouver ces détails dans une lecture rapide du Texte…. Cependant, le but de cette introduction était d’accentuer l’impression que chacun garde de la découverte première (soit dans l’enfance, soit tardivement …) des prémisses de notre Histoire. En effet, c’est une empreinte de « concours de circonstances » qui reste dans notre esprit, et qui accrédite une lecture aléatoire de l’Histoire d’Israël et de l’ensemble de la Création.
Où se situe là l’intervention de Hachem dans le cours des évènements ?!
La Torah éveille notre attention en soulignant que les yeux de Léa étaient « faibles » (29, 17). Rachi explique que le sens de cette information n’est pas d’ordre « esthétique », mais d’attirer notre attention sur le fait que Léa pleurait, de peur d’échoir à Essav, qu’elle savait être un Racha. Il était, en fait, couramment admis que Lavane ayant deux filles, et Rivka deux fils, l’ainée était destinée à l’ainé, et la cadette au cadet.
Superficiellement, il semblerait qu’il s’agisse de « parlotte » sans dimension profonde. Mais peut-on lire la Torah comme un recueil de « contes et légendes d’Israël » !
Nos ‘Hakhamim de toutes les générations nous ont révélé une approche authentique des faits, ainsi que de très riches enseignements !
Revenons sur les prémisses de la situation de Yaacov dans notre Paracha.
Its’hak Avinou qui avait eu l’intention d’accorder une Berakha à Essav n’était évidemment pas le « vieillard » abusé par son fils que dépeignent ceux qui lisent la Torah avec un regard superficiel !
Essav était un personnage de très haut niveau, comparable jusqu’à un certain point à Yaacov.
Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché, Beréchit, p.554) cite le Midrach (Chir Hachirim Zouta, I) qui commente le verset (Beréchit, 25,27) : « les jeunes (Yaacov et Essav) grandirent ». Il ne s’agit évidemment pas de croissance physique, qui n’est pas une préoccupation de la Torah ! Nos ‘Hakhamim expliquent que le terme : « Ils grandirent » exprime qu’ils atteignirent la dimension des « Grands », les Avot (Patriarches).
De même que le Nom de Hachem s’appliquait à Yaacov, ainsi était-il susceptible de s’appliquer également à Essav. Essav était initialement destiné à produire une lignée de Melakhim (Rois), tandis que Yaacov devait amener au Monde une descendance de Cohanim. Les premières Berakhot (27, 28-29) revenaient initialement à Essav, et les secondes à Yaacov (28, 3-4 : « …et Il te donnera la Berakha d’Avraham … »).
Tel était le projet de la poursuite de la Avoda des Avot avant l’échec de Essav, qui ne sut pas suivre la Avoda d’Its’hak qui correspondait à ses potentialités (voir Mikhtav MeEliahou, II, p.206-210).
Le Chem MiChmouel (Beréchit II, p.298-299) cite le Midrach (Beréchit Raba, 63, 6) qui enseigne que Rivka Iménou aurait été susceptible de mettre au monde 12 Chevatim (Tribus). Six d’entre eux auraient eu pour mission de construire la démarche des Mitsvot « positives », et les six autres, les Mitsvot de retenue des actions négatives. Cette répartition qui n’est pas issue de Rivka devait se réaliser à la génération suivante au niveau de Yaacov et Essav. Yaacov aurait mis au monde les six Chevatim dédiés aux Mitsvot « positives », tandis qu’Essav aurait généré les six Chevatim destinés particulièrement à la Avoda de retenue des élans négatifs.
À la suite de la défection de Essav, cette dimension des 12 Chevatim fut transmiseà la génération suivante, et aurait dû être partagée entre Yaacov et Essav, chacun pour moitié. Les rôles de Yaacov et Essav auraient été respectivement Melekh (Roi) et Cohen Gadol. Essav ayantfailli à sa mission, et Yaacov dut « prendre le relais ». Aussi, après avoir racheté d’Essav la Bekhora (la responsabilité d’ainé), et avoir reçu les Berakhot qui étaient liées à la fonction d’Essav dans la construction du Peuple d’Israël, Yaacov devait également assumer toutes les facettes liées à cette destinée.
Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.88) explique que c’est pour cela que Yaacov sortit en Galout (Exil) après avoir reçu les Berakhot, afin de réparer l’empreinte du Rà (Mal) ce qui incombait initialement à Essav, (comme mentionné plus haut au nom du Chem MiChmouel).
Nous pouvons comprendre maintenant que la « rumeur publique » qui destinait Léa à Essav et Ra’hel à Yaacov n’était pas un simple commérage. Tel était effectivement le plan d’épanouissement de la Création. Ce n’est donc pas un « concours de circonstances » qui a conduit à la structure d’Israël telle que nous la connaissons, avec répartition des Chevatim entre Ra’hel et Léa. Le « hasard » n’a aucune place dans l’Histoire du Monde.
Voyons maintenant les évènements qui ont préparé cette situation et les enseignements essentiels qu’ils apportent sur la conduite du Monde par Hachem !
De prime abord, le mariage de Yaacov avec Léa semblerait être dû à la « coïncidence » de causes diverses :
– La mauvaise foi de Lavane qui ne tint pas son engagement de donner à Yaacov sa fille Ra’hel comme « salaire » pour ses 7 années de bons et loyaux services. (29,26)
– La Tsidkout (grandeur spirituelle) de Ra’hel, qui, voyant sa sœur Léa exposée à une honte publique si Yaacov découvrait la supercherie immédiatement, décida de lui transmettre les signes convenus initialement entre elle et Yaacov pour parer à une tromperie de Lavane (Rachi, 29, 25).
– La « complicité » passive compréhensible de Léa dans la démarche de Lavane.
Mais, pouvons-nous croire que Hachem abandonne le Monde à la fantaisie des Rechaïm (mauvais hommes) ?!
Cette question, qui dépasse les limites de cet évènement particulier, s’applique à tous les moindres faits du quotidien collectif, et même individuel !
Rien ne se produit dans la Création autrement que par l’intervention Divine !
Mais alors, pourrait-on objecter, les actions de l’Homme, bonnes ou mauvaises, seraient-elles dictées par Hachem ?! Où se situerait, alors, la place de la Be’hira (le libre-arbitre), (la capacité (et non le droit, bien sûr, comme nous l’avons déjà mentionné dans d’autres Divré Torah) de décider d’agir dans un sens ou dans un autre ?!
Cette question est abondamment développée par nos Maîtres des générations récentes.
Rav Sim’ha Zissel Ziv, un des grands Talmidim (Disciples) de Rav Israël Salanter développe ce sujet à l’aide de plusieurs exemples (‘Hokhma OuMoussar, I, p.440) :
– Par’o fit tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher la Gueoula (Délivrance) des Bené Israël, et même l’apparition du Sauveur. Il alla jusqu’à décréter « que tout garçon mâle soit jeté dans le Nil ! ». Et finalement il éleva lui-même Moché Rabénou dans son palais …
– Les Rois de Canaan tremblaient de peur face à l’arrivée des Bené Israël, et n’auraient logiquement pas dû sortir à leur rencontre pour les affronter. Hachem renforça leur cœur pour leur donner la capacité de surmonter leur crainte. (Il ne s’agissait pas là d’influer sur leur choix, mais de leur donner les moyens d’aller jusqu’au bout de leurs désirs, comme pour Par’o, dont Hachem « fortifia » le cœur ; Chemot 10,1 ; Midrach Chemot Raba, 13,3).
– Haman haïssait les Juifs. Toutefois, c’est lui-même qui provoqua l’arrivée d’Esther au palais d’A’hachvéroch. Alors qu’il se réjouissait de l’aboutissement de son projet d’anéantissement du Peuple Juif, il ne savait pas qu’il avait lui-même préparé le sauveur (Esther).
Rav Sim’ha Zissel souligne qu’il est vain de vouloir influer sur le cours de l’Histoire.
L’homme n’a que la maîtrise de ses choix, mais pas de leurs conséquences.
Rav Dessler fait une analyse comparable (Mikhtav MéEliahou, III, p.231) en rapportant les Paroles de Rav Sim’ha Zissel.
Rav ‘Haïm Friedlander (Sifté ‘Haïm, Pirké Emouna VeHachga’ha, p.369; 383) développe que le sort de chacun ne dépend que des décrets qui le concernent. Toutefois, celui qui servira ces décrets par son intervention reste totalement responsable de ses actes. De même, Hachem utilisa le choix « mauvais » des frères de Yossef pour faire aboutir le projet favorable Qu’Il réservait à Yossef.
Rav Matitiahou Salomon (Matnat ‘Haïm, Maamarim, p.55) fonde sur la vente de Yossef par ses frères son analyse que les décrets Divins sont imparables. Tous les faits décrits par la Torah concourent à nous enseigner ce principe.
Hachem laisse l’homme libre, et donc responsable, de ses choix, Toutefois, à travers les actions humaines, Hachem guide le Monde à son accomplissement.
Loin des inquiétudes sur les divers dangers qui guettent le monde (climat, menace nucléaire, famines etc…), la leçon tirée de notre Paracha doit nous rassurer sur l’avenir du Monde. A nous de renforcer notre confiance en Hachem, sans toutefois nous « décharger » sur Lui de la responsabilité de nos actes … CHABAT CHALOM !
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Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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