בס »ד
Cette Paracha présente la naissance de notre Peuple, le Peuple de Hachem.
Les trois Parachiot, Lekh Lekha, Vayéra, et ‘Hayé Sarah sont dédiées à Avraham Avinou, qui initia la démarche de réveil de l’Humanité à la Présence du Créateur dans l’existence quotidienne de la collectivité et des individus.
Qui est en réalité Avraham Avinou ?!
Le premier verset de la Paracha rapporte le premier « message » de Hachem à Avraham : « Vas « pour toi » de ton pays, de ton lieu de naissance, et de la maison de ton père, vers la terre que Je te montrerai ! » (Beréchit 12,1).
La première question qui vient à l’esprit en lisant une telle phrase est : « A quel titre Hachem s’adresse-t-Il à « cet » homme en particulier ? ». Il est évident que Hachem ne lui a pas donné cette mission « prestigieuse » (« Et seront bénies par toi toutes les familles de la Terre » – 12,3) sans qu’il y ait eu des antécédents dans son existence qui le justifient.
Au début de notre Paracha, Avraham est âgé de 75 ans (12,4), et nous ne savons rien de son passé. En dehors de la brève mention de sa naissance et de son mariage avec sa nièce Sarah à la fin de la Paracha précédente (11, 26-29), et de son départ de Our Kasdim vers ‘Haran en accompagnant son père Tèra’h (11,30), Avraham est, au début de la Paracha, un inconnu pour nous.
La Paracha va nous mener de « péripétie » en péripétie dans la vie d’Avraham, passant rapidement du début où, Avraham est âgé de 75 ans, à la fin de la Paracha (17,1) où il a 99 ans lorsque Hachem lui ordonne de faire la Brit Mila, signe de l’alliance définitive entre Hachem et Avraham et ses descendants. La seule remarque « laudative » que la Torah exprime relativement à Avraham dans notre Paracha se situe vers la fin, dans le passage dit du « Brit Ben Habetarim » (15, 1-21) où le verset 6 dit : « Et il eut Emouna en Hachem, et Il le lui compta comme « Tsedaka » ! ».
C’est à cet endroit qu’apparaît pour la première fois la notion de Emouna !
Nous retrouvons la même racine appliquée à Avraham dans un passage du livre de Ne’hèmia (9,8) : « et Tu as trouvé son cœur « Néémane » (fiable-fidèle) devant Toi, et Tu as conclu avec lui l’alliance … ». Ce passage est intégré à la Tefila de chaque matin, dans les textes d’introduction qui précèdent le corps de la Tefila qui commence après la proclamation de « Barekhou ».
Il y a toutefois une différence apparente entre la Emouna exprimée comme « confiance » en Hachem (plutôt que « croyance », comme nous allons l’expliquer …), qui semble appartenir au domaine des « idées », et la notion de « Néémane » qui est manifestement liée au niveau du comportement, et donc de l’approche du quotidien.
Nous touchons là à la définition réelle de la Emouna !
Il est généralement admis qu’un homme qui « croit » en Hachem possède la Emouna. Croire en Hachem se rencontre chez nombre d’hommes, ou au moins nombre de Juifs, le reste de l’humanité ayant globalement « viré » à la « religion de l’évolution » qui « permet » de s’affranchir de la « présence embarrassante » du Créateur dans l’horizon du quotidien. Pour ces malheureux qui ont tourné le dos à leur Créateur, la vie n’est plus qu’une course aux satisfactions matérielles diverses, décevantes à peine satisfaites …
Le fait d’être « Maamine », d’avoir la Emouna de base, donne déjà un minimum de sens au monde qui nous entoure, et sauve du vide qui caractérise une conception aléatoire de l’ensemble du « Paysage ».
Mais est-ce d’une telle Emouna que Hachem a félicité Avraham ?! Et serait-ce là tout l’aboutissement de dizaines d’années de progression jusqu’à l’âge de 99 ans ?!
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Beréchit, p. 218) aborde la définition des deux notions de « Maamine » et de « Néémane ». Il explique qu’elles ne font qu’une. La Emouna n’est pas, comme nous sommes habitués à le croire, une question de « croyance ». C’est, dit-il, une « Mida », c’est-à-dire une caractéristique de comportement dans l’existence. Il la définit comme la capacité de « constance ». Un « Maamine » est solide dans ses attitudes, et n’est pas susceptible de comportement versatile. Sa parole a une valeur inaltérable. C’est ce qu’on décrit comme « Néémane ».
Nous arrivons ainsi au Midrach (Beréchit Raba, 39,3) qui introduit notre Paracha par une citation de Chir Hachirim (8,8-10) : « A’hot lanou ketana (il n’est pas utile ici de chercher à traduire ces mots qui se rattachent selon les explications à diverses racines…) … que ferons-nous… le jour où il sera parlé à son sujet ? Si elle est une « muraille », nous construirons sur elle une tour en argent, Si elle est « Délet » (une « porte »), nous façonnerons sur elle un panneau de cèdre. Je suis une muraille … ». Nos ‘Hakhamim expliquent que ces versets, apparemment obscurs, décrivent la situation d’Avraham au moment où il fut confronté à l’hostilité du Roi Nimrod.
Nimrod était l’initiateur du projet de la Tour de Bavel, dont l’objectif était essentiellement de s’affranchir de l’autorité de Hachem. (La portée réelle de cette démarche n’est pas d’accès simple. Certains aspects ont été traités dans nos Divré Torah sur la Paracha 5777 et 5778)
Ne nous trompons pas ! Nimrod n’avait rien d’un individu « primaire », comparable aux dictateurs des générations passées et actuelle. Nimrod était un personnage d’une grande carrure spirituelle (comme tous les personnages cités dans la Torah …) et est qualifié par la Torah (10,9) « devant Hachem », ce que nos ‘Hakhamim (cités par Rachi là-bas) expliquent comme « connaissant » son Créateur, et se rebellant délibérément.
C’est face à un « interlocuteur » de cette envergure qu’Avraham dut affirmer ses convictions.
La vision « originale » d’Avraham était que la vie doit être dédiée à la reconnaissance permanente de la Présence du Créateur dans le fonctionnement du Monde, non seulement dans les idées, mais surtout par des actes en accord avec la Volonté de Hachem.
Les longues « disputations » d’Avraham avec Nimrod aboutirent au moment où celui-ci plaça Avraham face à un choix : se soumettre à la « culture » de rejet de la Présence de Hachem que Nimrod prônait, ou être précipité dans une fournaise ardente.
Ce fut là le départ d’une existence hors du commun !
C’est ce que le Midrach exprime en explication des versets de Chir Hachirim.
Avraham pouvait « reculer » devant l’épreuve, opérant un « repli stratégique » pour mieux « rebondir » une fois qu’il aurait échappé à Nimrod. S’il avait agi ainsi, il aurait eu une certaine influence sur sa génération (comme un panneau en bois qui a une durabilité limitée …). Il choisit d’affirmer ses positions au prix de son existence, ne sachant évidemment pas que Hachem le sauverait de la fournaise. (Son frère ‘Haran, qui attendait la « suite des évènements » pour se prononcer, ne bénéficia pas du même miracle. N’ayant accepté l’épreuve de la fournaise qu’après avoir vu Avraham sortir intact, il n’eut pas droit à une intervention exceptionnelle de Hachem !).
Il ressort de là que la Emouna qui est décrite comme « la » qualité spécifique d’Avraham n’avait pas commencé au moment où la Torah la souligne, mais bien avant. Toutefois, ce n’est que lorsqu’elle prend une dimension supérieure que la Torah met en évidence cette grandeur spécifique d’Avraham.
Le parcours qui commence dans notre Paracha doit donc être fondamentalement différent des étapes antérieures.
Pourtant il nous semblerait que la Emouna est une qualité « monolithique », fait d’un seul tenant. Il n’en est rien, comme nous le voyons aussi concernant les Bené Israël lors de la Sortie d’Egypte. La Torah multiplie les constats que les Bené Israël eurent Emouna (Chemot 4,31 ; 14,31 ; 19,9). Ceci montre des niveaux successifs de Emouna supérieurs les uns aux autres. Ainsi en est-il pour Avraham.
Nombre de nos Maîtres, au fil des générations, ont analysé ce sujet. Notons parmi eux Rav Leib Gourewitz (Meoré Chearim, p.91) qui souligne que le Nissayone (l’épreuve) de la fournaise chez Nimrod était au niveau des « convictions personnelles ». Avraham n’avait encore reçu aucun message de Hachem, mais il avait perçu spontanément le sens profond de la Création et l’intervention permanente du Maître du Monde. C’est au nom de sa conscience personnelle qu’il décida de ne pas sacrifier ses convictions aux circonstances, quitte à y laisser sa vie !
La Guemara (Berakhot 7b) souligne qu’Avraham fut le premier homme à avoir appelé Hachem « Adonaï » (mon Maître) (Beréchit 15,2). C’est-à-dire qu’il a été le premier à souligner que Hachem n’est pas seulement le Créateur, mais également le « Maître » dans le quotidien de Son « domaine », le Monde qu’Il a créé.
L’étape suivante qui débute dans notre Paracha est marquée par l’intervention Divine. Hachem Se manifeste à Avraham, et lui donne ordre de quitter l’environnement dans lequel il a œuvré pendant une longue période pour propager ses « idées », et rendre ainsi Hachem « présent » dans le monde, comme il le dit plus tard à son « serviteur » Eliezer (24,3 ;7. Voir Rachi 7). Avraham doit donc aller maintenant « à l’encontre » de sa perception de « l’efficacité » de sa mission « auto-proclamée », pour obéir « aveuglément » à son « Maître », Hachem.
Tel est le démarrage d’un parcours qui le mènera au seuil de l’étape suivante, avec la Brit Mila qui marque l’apogée de cette étape, et le « tremplin » vers le niveau suivant, dans la Paracha suivante, Vayéra.
Nos Avot, à commencer par Avraham Avinou, méritent un regard « adulte » et responsable sur leur apport fondamental à notre propre existence …
Comme l’ont souligné nombre de nos Maîtres des dernières générations, nous devons « rafraichir » chaque année notre lecture de la Torah, et dépasser le stade enfantin dont nous nous satisfaisons trop souvent.
Essayons de nous y appliquer pour cette nouvelle année de Paracha hebdomadaire.
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Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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