בס »ד
La Paracha Noa’h décrit les évènements du Maboul (le Déluge) et présente le personnage central de Noa’h qui construisit la Téva (Arche) et fut le seul rescapé (avec sa famille) du Maboul.
La Torah nous présente Noa’h par ces mots : « Voici les « descendances » de Noa’h : Noa’h était un homme Tsadik, intègre dans ses générations ! » (Beréchit 6,9).
Quelle était la spécificité de Noa’h, le père de toute l’humanité existante jusqu’à ce jour, qui eut, seul, le privilège de survivre au Maboul ?
Comme dans beaucoup d’autres domaines, notre perception est altérée du fait d’un regard « réducteur » dû à l’influence du monde extérieur.
Depuis notre plus jeune âge, les générations anciennes sont dépeintes en termes d’hommes « primitifs », et inconsciemment nous nous représentons ce monde sans tous les « progrès » techniques qui nous semblent la « marque » indispensable de la « civilisation ».
Les commentaires partiellement critiques de nos ‘Hakhamim ajoutent à notre confusion dans la mesure où nous sommes souvent tentés de les prendre « au pied de la lettre », en oubliant que le langage de la Torah est particulier, et souligne les faiblesses des grands personnages avec un « verre grossissant ».
Hachem a qualifié Noa’h de « Tsadik intègre ». Et dans ce domaine il n’y a pas place dans la Torah à la moindre complaisance !
Dans le Dvar Torah sur la Paracha Beréchit, nous avions rapporté que Noa’h était le fils de Lémekh qui avait connu Adam Harichone ! (Voir Beréchit 5,3-29)
Comment pourrions-nous nous représenter la « carrure » de ces générations, proches de la Création, et dépositaires du témoignage du Premier Homme, œuvre des « Mains de Hachem » ?
A titre de comparaison, retenons que le Gaon de Vilna disait qu’il aurait pu dialoguer avec un des Sages de l’époque du second Beth HaMikdach, mais qu’il n’aurait en aucun cas pu échanger avec un simple cultivateur de l’époque du premier Beth Hamikdach, qui côtoyait des Neviim (Prophètes). C’est-à-dire que non seulement la dimension d’un Navi était totalement inaccessible, même au Gaon de Vilna, mais même la grandeur d’un homme simple de la même époque était au-delà de ses capacités ! …
Or Noa’h, auquel Hachem a parlé tout au long de son existence était incontestablement un Navi.
Au-delà de cette qualité de prophétie, nous devons mesurer la dimension spirituelle de Noa’h à son activité :
– Pendant 120 ans, Noa’h se consacra à la construction de la Téva (Arche) qui était destinée à l’accueillir ainsi que sa famille et les représentants de toutes les espèces animales destinés à repeupler le Monde.
Le but de cette œuvre ne résidait évidemment pas dans son aspect matériel. Le Ramban souligne (6,19) que même dix « arches » identiques n’auraient pas suffi à contenir tous ces occupants et leur nourriture pour une durée d’un an !
De Toute évidence, l’objectif de cette construction était essentiellement destiné à éveiller l’attention des contemporains de Noa’h sur l’échéance du Maboul (Déluge).
Noa’h avait ainsi une double mission : confectionner la Téva ; mais surtout diffuser le message de Hachem à l’humanité dévoyée pour tenter de la ramener dans le droit chemin.
– Tout au long de son séjour d’un an dans la Téva, Noa’h dut s’occuper activement de pourvoir aux besoins spécifiques de chaque espèce animale parmi ses « pensionnaires ».
La Guemara (Sanhédrin 108b) rapporte le dialogue entre Eliézer, le serviteur d’Avraham, et Chem, le fils de Noa’h : Eliézer demanda à Chem comment s’était déroulé leur séjour dans la Téva. Chem répondit qu’ils vécurent de grandes souffrances tout au long de cette année : ils devaient alimenter chaque être vivant au moment approprié selon sa nature, les uns le jour, les autres la nuit. C’est-à-dire une tâche surhumaine, et totalement irréalisable de façon « naturelle ».
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Beréchit, p. 70) s’étonne de ce que Hachem ait choisi cette manière d’assurer la continuité de la Création. (De toute façon le sauvetage reposait sur des Nissim (Miracles) indépendants des paramètres matériels de la Téva …)
Il rapporte les paroles du Ramban qui dit que Hachem ordonna à Noa’h de veiller sur les créatures qui lui étaient confiées comme il veillait sur lui-même.
Rabbi Yerou’ham remarque que Hachem a attribué à Noa’h, qui était un Tsadik d’une dimension exceptionnelle, une tâche normalement dévolue à un homme simple et fruste.
Il souligne que, de même, Hachem confia à Elazar, le fils de Aharon, qui était le responsable supérieur des Leviim dans le désert, la mission de porter les divers éléments nécessaires à la Avoda (Service) dans le Michkan (Tabernacle).
Si nous avions été présents à ce moment-là, n’aurions-nous pas été étonnés de ce spectacle ?
Et si nous avions vu le ‘Hafets ‘Haïm chargé ainsi, ne nous serions-nous pas précipités pour le décharger ?!
Rabbi Yerou’ham conclut que de même que Hachem pourvoit Lui-même aux besoins de toutes Ses créatures, ainsi doit être le fonctionnement-même du Monde, confié à L’Homme.
Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou, II, p.155) souligne que la faute pour laquelle a été scellé le décret du Maboul, « ‘Hamass » (6, 13), est traduit par le Targoum Onkelos « ‘Hatofin », saisir. La déviation essentielle de la génération résidait dans le fait de chercher à s’approprier tout ce qui était accessible, même indûment.
Le sauvetage ne pouvait passer que par la démarche opposée : le ‘Héssed (Don gratuit). C’est le ‘Héssed que Noa’h a accompli envers les myriades de créatures qu’il servit chacun à son heure, jour et nuit, et de sa nourriture spécifique qui fit de la Téva un abri spirituel.
Ce n’est certainement pas la Téva en bois enduit de goudron qui aurait pu tenir face aux élément déchaînés ! C’est au sein de ce ‘Héssed extraordinaire que Noa’h et sa famille furent préservés.
Rav Dessler souligne les différents niveaux de ‘Héssed, et parallèlement de sauvetage. En dehors de la Téva, il y avait un endroit totalement épargné par le Maboul : Erets Israël ! (Erets Israël est au-delà du niveau de fonctionnement naturel vulnérable au comportement humain).
Toutefois cette grandeur était réservée à Avraham Avinou dont le ‘Héssed était l’essence-même de son être. Il ne vivait que dans l’aspiration permanente au ‘Héssed, au point de souffrir s’il en était privé (voir Beréchit 18,1). C’est le ‘Héssed pour le ‘Héssed ! La dimension de Noa’h était tout autre. Son ‘Héssed trouvait sa source dans son sentiment de droiture, d’équité (Tsédek, comme Tsadik, Tsedaka …). C’est pourquoi il ne pouvait pas échapper au Maboul en se réfugiant en Erets Israël dont le niveau lui était inaccessible. Seul l’effort permanent du ‘Héssed dans la Téva pouvait le sauver du désastre de sa génération.
Rav Dessler explique encore qu’il y a la dimension de « Tsadik » qui est conscient que tous les éléments de l’existence doivent être utilisés pour la Avoda (le Service de Hachem). Le moindre profit personnel non lié à la Avoda constitue un « vol » de Hachem, un « détournement » des moyens mis à sa disposition pour se tourner vers Hachem. Il y a encore la grandeur du « ‘Hassid » qui ne se satisfait pas d’utiliser tous ses « outils » pour la Avoda. Il aspire à une « augmentation de capital », pour « donner » encore plus à Hachem. Le premier niveau est celui de Noa’h, déjà considérable en soi. Le second est la grandeur spécifique d’Avraham.
Rav Dessler remarque que nos ‘Hakhamim analysent le verset : « Noa’h était un homme Tsadik intègre dans ses générations ! » de deux manières apparemment opposées (Rachi, 6,9). Certains l’interprètent à son avantage : « a fortiori dans la génération d’Avraham, il aurait été encore plus grand dans sa Tsidkout ! ». D’autres, au contraire, disent : « relativement à sa génération il était Tsadik ; mais à la génération d’Avraham, il aurait été insignifiant ! ». Rav Dessler répond à cette contradiction apparente qu’en réalité les deux regards sont justes : tel qu’il était, Noa’h n’aurait eu aucune grandeur à la génération d’Avraham.
Toutefois, s’il avait vécu à cette époque, il aurait grandi sous l’influence d’Avraham à un niveau bien supérieur à celui qu’il a atteint dans sa génération. Rav Dessler remarque cependant que le fait de ne pas avoir atteint par lui-même le niveau d’aspirer à plus de moyens pour servir Hachem est effectivement un défaut qui est imputé à Noa’h.
Rav Its’hak Hutner (Pa’had Its’hak, Roch Hachana, Kountrass Ha’Héssed) développe que l’approche d’Avraham vers Hachem a été axée sur sa perception de la Mida (intervention de Hachem dans la Création) de ‘Héssed. Il a perçu le ‘Héssed inhérent à la Création et à sa direction permanente par Hachem. Il a compris ainsi que Hachem nous montre par cela le chemin qui nous rapprochera de Lui. C’est en « imitant » les Midot par lesquelles Hachem se manifeste à nous que nous Le « servons ». C’est cette dimension qui était nécessaire pour amorcer la nouvelle époque du Monde initiée par les Avot (Patriarches) et développée par les Bené Israël jusqu’à la Gueoula et la venue du Machia’h.
La démarche de Noa’h, basée sur le Tsedek (la justice, l’équité, la droiture …) était une étape nécessaire pour « passer le cap » des générations du Maboul, mais seul Avraham réussit par sa démarche de ‘Héssed « envers Hachem » à « rattraper » les erreurs des générations passées jusqu’à lui et à « récupérer » ainsi le mérite qu’ils avaient perdu en se détournant de Hachem.
Même si la grandeur de Noa’h n’atteignait pas celle d’Avraham, elle nous a été transmise par la Torah pour nous servir de source d’inspiration à un premier niveau. Nous ne pouvons viser à la grandeur d’Avraham qu’à travers « l’apprentissage » du ‘Héssed de Noa’h, déjà considérable pour nous.
La lecture des premières Parachiot de la Torah nous permet de découvrir la grandeur des générations anciennes face au monde qui nous entoure, et ainsi, de prendre conscience que l’admiration dédiée aux « prétendus progrès » de l’humanité est totalement injustifiée…
A travers l’histoire des générations passées, la Torah nous guide vers le chemin du véritable perfectionnement de l’Homme !
kvlhm.ks@gmail.com
Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
Tel France : 01 77 47 24 71 Israel : 05 33 12 24 36