Parasha – 58 YOM KIPPOUR 5783

בס” ד
Yom Kipour
Dans le monde actuel, où nous sommes confrontés à tant d’incertitudes, il nous sera peut-être plus facile cette année de nous tourner vers Hachem avec simultanément l’inquiétude de l’avenir plus ou moins proche, et l’espoir que, comme jusqu’à maintenant, Hachem nous épargnera le pire, dans tous les domaines.
Hélas, nous avons besoin de nombreuses secousses pour nous rappeler que le monde n’est pas entre nos mains.
Mais devons-nous nous en tenir là, et ne voir que les enjeux de notre quotidien matériel ?!
Le but des “messages” de Hachem serait-il de nous inciter à fournir seulement quelques petits efforts “commerciaux” face à Lui. ?
Suffirait-il d’améliorer quelques petits points limités de manière à nous maintenir juste “au-dessus de la barre”, et passer, tant bien que mal, le cap d’une année supplémentaire ?
Nos ‘Hakhamim (Midrach Vayikra Raba, 21,4) citent le verset (Tehilim,27,1) : “…Hachem est “Ori “-ma lumière et “Yich’i “- mon sauvetage…”. Et ils appliquent ce verset à Roch Hachana et Yom Kipour.
Ils attribuent la “lumière” à Roch Hachana, et le “sauvetage” à Yom Kipour.
Les commentaires expliquent que Roch Hachana est le moment où le jugement est “clarifié”, et Yom Kipour, le moment où notre âme est sauvée du fait que Hachem pardonne nous fautes.
Toutefois, nous pourrions encore prendre ces notions dans leur sens littéral, relativement au jugement sur notre sort pour l’avenir immédiat dans sa dimension matérielle.
Reste alors la question relative à l’envergure de ces journées grandioses. Peut-on vraiment aborder une année après l’autre la vie sous un angle aussi “minimaliste” ?!
Cela est-il compatible avec la vision Juive de l’existence et de l’Histoire ?!
Considérer les choses sous un angle aussi restreint est-il finalement différent de toutes les philosophies idolâtres et païennes que notre Peuple s’emploie à contredire et combattre énergiquement au long des siècles ?!
Serait-ce pour s’en tenir là que nos ancêtres ont “donné” jusqu’à leur propre existence pour refuser de s’aligner sur les nations dominantes ?!
Rav Chimchon Raphaël Hirsch cite un autre psaume de David HaMélekh (Tehilim 130) que certains lisent pendant cette période avant la partie essentielle de la Tefila de Cha’harit (matin) : “…des profondeurs je T’appelle Hachem”.
Rav Hirsch explique le pluriel “des profondeurs” comme désignant le double “abime” des détresses auxquelles la faute a mené, et de la faute elle-même.
Il explique encore le verset (3) : “Si Tu conserves les fautes, Hachem, mon Seigneur, qui tiendra ?!”.
Ce verset signifie que si Hachem applique la loi “de fer” de cause à effet qu’Il impose dans tout le fonctionnement du Monde même face aux errances des hommes qui pensent que le mal doit forcément n’engendrer que le mal, et la faute que la faute, sans réparation possible, alors aucun homme n’a place à l’existence.
Le simple fait que l’Homme soit susceptible de fauter implique que Hachem a conçu l’aptitude à réparer la faute ! Sans l’existence du Pardon Divin, la première faute d’un homme scellerait sa condamnation, et il n’aurait plus aucune raison de chercher à s’améliorer. C’est donc du Pardon de Hachem qu’est issue la possibilité que s’accomplisse la Volonté de Hachem, à savoir que l’Homme se tourne vers Lui avec “crainte”.
Rav Its’hak Hutner (Pa’had Its’hak, Yom Kippour, Maamar 1, 4-6) développe la notion que la Techouva est un nouveau “démarrage” dans la Création. Il souligne que la Techouva trouve sa source dans les versets (Chemot 34, 6-7) : “Hachem, Hachem …” par lesquels Hachem a révélé à Moché Rabénou la démarche
“efficace” pour obtenir le pardon des fautes. Nous répétons ces versets tout au long des Seli’hot et Ta’hanounim dans lesquels nous demandons à Hachem de nous “dédouaner” des conséquences de nos fautes.
Rav Hutner remarque que le premier verset commence par la répétition du nom “Hachem” qui est un qualificatif de l’intervention de Hachem dans l’action de Création.
Nos ‘Hakhamim (Guemara Roch Hachana 17b) expliquent ainsi la répétition : “Je suis Hachem avant que l’homme ne faute, et Je suis Hachem après que l’homme a fauté et fait Techouva !”.
Il s’avère donc, dit Rav Hutner, que la Techouva n’existe que par une intervention nouvelle de Création par Hachem, totalement comparable à la Création initiale. La première étape de Création atteint sa limite lors de la faute. Ce moment marque la fin de cette réalité.
Mais ensuite vient un “nouveau monde” de Techouva, pour lequel est nécessaire le second “Nom” de Hachem qui marque une intervention Divine directe pour donner place à l’existence du fauteur.
Sans cette réalité créée distinctement, il n’y aurait pas de raison à la “patience” de Hachem, si de toute façon, la faute était irréparable. Le second Nom de Hachem exprime une nouvelle Création. Mais, de même que le “Nom” Hachem qui préside à cette opportunité renouvelée est identique au premier, une telle définition de la Techouva implique un changement radical faisant de l’homme une nouvelle créature totalement égale à celui qu’il était avant la faute.
Rav Hutner explique que c’est là le sens du fait que la Techouva de Yom Kipour est exprimée en termes de : “Tahara” (Pureté) (Vayikra 16,30) : “… devant Hachem vous vous purifierez !”.
Tel est donc l’enjeu de Yom Kipour : amorcer un changement radical auquel Hachem souscrira par un nouveau crédit d’existence. Mais l’existence ne se limite pas à “boire, manger et dormir” … et même si on ajoute le travail et les loisirs, ce n’est pas encore de quoi réaliser la “Vie” !
En quoi consiste le changement ? Et en quoi le fait de jeûner à Yom Kipour contribuera-t-il à accomplir le “virage” indispensable ?
Rav Chimchon Raphaël Hirsch analyse (‘Horev, chap.22) les deux catégories d’interdits qui caractérisent Yom Kipour :

  • l’interdit d’ouvrage total identique au jour de Chabat.
  • les interdits dits de : “Inouy” (restriction), boire, manger, se laver, s’oindre (huiles essentielles et pommades), porter des chaussures (en cuir), et vie conjugale.
    Rav Hirsch souligne que Yom Kipour est le jour où les Bené Israël ont reçu de Hachem les secondes Lou’hot (les Tables de la Loi), conjointement au pardon de la faute du Eguel (Veau d’or). Selon les lois de la Création, chaque cause entraîne des conséquences, et de même l’action humaine doit amener des conséquences immuables.
    Le Yom Kipour où Hachem a accordé Son pardon aux Bené Israël a marqué l’avènement d’une démarche d’ordre général, où Hachem octroie à Yom Kipour l’annulation des conséquences des fautes.
    Toutefois cet “arrêt des comptes” ne peut pas se faire sans un élan qui émane de l’homme. La démarche par laquelle il montre son intention réelle de changement consiste dans les deux sortes d’interdits de Yom Kipour.
    L’essentiel de l’activité humaine consiste à agir sur l’environnement et à en tirer profit. Aussi, nous devons prendre conscience que la faute nous a privé de ces privilèges.
    En nous abstenant totalement de ces deux démarches pendant Yom Kipour, nous exprimons que notre pouvoir sur l’existence s’est brisé.
  • l’interdit d’ouvrage total, comme Chabat, (à la différence des jours de fête où l’abstention est partielle, et destinée uniquement à rompre l’engrenage de la vie ordinaire ; ‘Horev, chap.23), manifeste la rupture totale de notre pouvoir sur l’environnement.
  • les interdits de “profit” de l’existence ne sont pas destinés à nous faire “souffrir”, mais à manifester notre “pauvreté” (“Inouy” de la même racine que “Ani”, pauvre), ne disposant d’aucun pouvoir sur la vie.
    Rav Hirsch ajoute que c’est pour souligner qu’il ne s’agit pas de cultiver la “mortification” comme si elle était destinée à “satisfaire” Hachem que nous avons, à l’opposé, la Mitsva de manger la veille de Yom Kippour.
    Toutefois, pour que ces interdits atteignent leur portée réelle, ils doivent être accompagnés d’une véritable prise de conscience dans le coeur, qui se concrétise par le “Vidouy”, la Tefila où nous exprimons les fautes que nous devons réparer et par notre volonté profonde de faire Techouva. Sans cela, les restrictions de Yom Kippour ne seraient qu’un “jeu” qui ne peut évidemment pas “abuser” Hachem …
    Rav Hutner souligne que les interdits de Yom Kipour sont tous deux définis par le terme “Chabat” (Pa’had Its’hak, Maamar 1, 11). Tout comme Rav Hirsch, il dit qu’il n’est pas question de “mortification”, mais de “cessation” comme le sens du mot “Chabat”. Il s’agit d’un retour à la conscience de la dépendance à Hachem.
    Rav Sarna souligne, lui aussi (Dalyot Ye’hezkel, III, p.185), la similitude entre Yom Kipour et Chabat dans la prise de conscience de l’autorité absolue de Hachem qui se manifeste par l’abstention de toute intervention sur l’environnement par les ouvrages interdits par la Torah.
    Rav Ye’hezkel Sarna (Daliot Ye’hezkel, III, p.184-185) développe la notion de “Yich’i “- mon sauvetage, et explique qu’il s’agit ici d’une régénérescence spirituelle. Tout comme Hachem a restauré le droit à la “Chekhina “- Sa Présence, au sein des Bené Israël après la faute du Eguel (Veau d’Or), ainsi chaque année chacun a accès à la même faveur.
    Cependant Rav Sarna souligne qu’alors qu’un “sauvetage” matériel peut venir comme un don “gratuit” de Hachem, le rétablissement spirituel, lui, ne sera octroyé qu’à ceux qui font Techouva ! Mais pour atténuer notre angoisse devant cette condition, il rapporte le commentaire de Rav Israël Salanter sur la Guemara (Nida 70b) qui conditionne la grâce Divine à la Techouva.
    Rav Salanter remarque que la Guemara ne dit pas ceux qui “ont fait” Techouva, mais ceux qui “font” Techouva. Il explique que cela veut dire que dès lors que l’homme amorce un réel engagement dans la Techouva, et qu’il y a espoir qu’il aille au bout de sa démarche, Hachem l’aide à se régénérer.
    Rav Sarna conclut donc que l’essentiel de la Avoda (l’Effort) de Yom Kipour consiste dans l’abandon des comportements répréhensibles, ce qui s’acquiert au moyen de l’étude du Moussar (étude spécifique de l’approche authentique de la vie Juive).
    Nous pouvons donc percevoir le rapport entre “Ori” (ma lumière) de Roch Hachana, et “Yich’i” (mon sauvetage) de Yom Kipour. Ce n’est qu’à la lumière de la prise de conscience de Roch Hachana que peut s’amorcer une vraie démarche de Techouva, donnant accès à l’aide de Hachem “Yich’i” à Yom Kippour.
    C’est de cette façon que nous pourrons échapper au Yom Kippour de “raccommodage” centré sur les seuls intérêts matériels, et nous préparer ainsi à un Yom Kipour tourné vers notre personne profonde, et sa régénérescence dans un élan authentique de retour vers Hachem.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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