בס »ד
Une fois de plus, Roch Hachana se présente à nous avec, peut-être, le même « cortège » d’interrogations… (et… avons-nous vraiment trouvé les réponses ?)
– Que représente ce « Jugement » répétitif d’année en année, auquel nous faisons face avec des sentiments mêlés ?
*D’une part l’appréhension due à notre conscience de ne pas « être à la hauteur » de l’attente de Hachem…
Le fait que nous n’avons toujours pas accédé à la Gueoula (Délivrance) ultime qui doit couronner l’Histoire de la Création vient le confirmer…
*D’un autre côté, nous affichons une tranquillité de principe, au titre de « l’immunité » globale de la Communauté, comme cela a été développé dans le Dvar Torah sur la Paracha précédente, Nitsavim. Cette « sérénité » collective n’est pas totalement justifiée. Même si l’anéantissement total du Peuple d’Israël est exclu, les diverses épreuves, jusqu’aux plus lourdes ne nous sont pas épargnées, comme en témoigne l’Histoire. Mais nous nous contentons souvent de « vérités partielles » pour plonger dans une « douce léthargie » …
– Une autre question concerne les divers éléments de notre Tefila :
*d’une part, que représentent les sonneries du Chofar qui accompagnent la Tefila de Roch Hachana ?
* d’autre part, que signifient les deux « titres » que nous attribuons à Hachem dans une des principales Tefilot : « Avinou, Malkénou » (notre Père, notre Roi) ? Ces deux termes à consonance anthropomorphique sembleraient « réducteurs » envers Hachem le Créateur ! Pourquoi utiliser de telles expressions, et comment comprendre l’importance que nos ‘Hakhamim leur ont accordée, jusqu’à souligner que Rabbi Akiva a obtenu la pluie (après une longue période de sècheresse …) par cette Tefila spécifique (Guemara Taanit 25b) ?
– ce terme de « Avinou » (notre Père) par lequel nous désignons Hachem, puise sa source dans la Torah (Chemot 4, 22 ; Devarim 14, 1) où Hachem nous appelle Ses « fils ». Quel en est le sens ? Quelle réalité recouvre ce qualificatif ?
De façon générale, les réalités de notre existence sont destinées à nous aider à nous tourner vers Hachem.
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Chemot, p. 221) explique que nous venons au monde par des parents, non parce que la nature ne pouvait pas être différente, ‘Hass VeChalom de penser que Hachem répond à de quelconques contraintes dans Sa Création ! Mais au contraire, c’est parce que Hachem a inscrit dans la Torah, avant même la Création, la Mitsva de « Kiboud Av vaEm » (le Kavod des Parents), qu’Il a créé le monde ainsi.
Et la Mitsva de Kavod des parents recouvre beaucoup de facettes de notre relation à Hachem.
De même, la fonction du Roi que Hachem définit pour Son Peuple (et a inscrit plus généralement dans la nature de l’humanité) est clairement représentative de la manière dont Hachem porte avec sollicitude l’intérêt de Ses « sujets ». Il est vrai que cette fonction tombe souvent entre les mains de dirigeants plus préoccupés de leurs avantages personnels que du bien public. Toutefois, dans son principe fondamental, cette notion émane de la Volonté Divine, et est altérée dans sa forme générale par un phénomène de « caricature » qui déforme dans ce monde de « mensonge » les principes spirituels de la Création. (Voir le texte « Meloukha » dans Chiouré Daat de Rav Yossef Yehouda Leib Bloch, Roch Yechiva de Telz, il y a un siècle).
Toutefois, pour aborder Roch Hachana avec un éveil nouveau, et donner une dimension « vivante » à nos questions, tournons-nous vers le message « ancien et actuel » de Rav Chimchon Raphaël Hirsch. Il s’adressait à un monde de contraste entre la foule de ceux qui avaient déjà perdu le sens du quotidien selon la Torah, sous l’influence des Maskilim (juifs prônant l’assimilation aux « valeurs » de la « civilisation » …), et ceux qui étaient encore fidèles, mais étaient affaiblis dans leurs sentiments par l’atmosphère du moment.
Alors que dans les générations récentes l’usage est de pratiquer un langage spécifique, édulcoré, pour attirer ceux qui se sont éloignés, ou leurs descendants, Rav Hirsch nous adresse, comme à ses contemporains, un message universel, approprié à tous, même si dans une approche « originale ».
Dans le recueil Bemaaguelé Chana, dédié au parcours de notre année, Rav Hirsch nous présente Roch Hachana (Vol. I, p. 69).
Roch Hachana est un jour exceptionnel, incomparable, jour de Terou’a (Sonnerie du Chofar) plein d’un contenu puissant et de Kedoucha.
Jusqu’ici rien de nouveau !
Rav Hirsch souligne ensuite que bien que ce soit le jour où il faut se souvenir de la Royauté de Hachem, de Son attention permanente à la collectivité et à l’individu, Ses bienfaits et Son éternité, le Peuple d’Israël s’adresse à Lui comme « Avinou (notre Père), Malkénou (notre Roi) » ! Il est proche de nous, comme un père, nous dédie Sa miséricorde et Son amour.
Nous ravivons notre conscience de l’infériorité de l’Homme, de sa faiblesse, de notre dépendance face à notre Créateur, et de notre comparution devant Lui le jour du Jugement. Et simultanément, l’Homme se présente devant Hachem comme créature importante, de dimension élevée, et porteur du « Tsélem Elokhim » (à la « forme Divine ») (Beréchit 1,27) dans sa destinée et ses aspirations … Toutes ces pensées sont parfaitement appropriées à notre état d’esprit, nous présentant devant Hachem entre notre existence précaire et notre vie éternelle, et son objectif.
Faute de place, nous sommes contraints de nous suffire de résumer les lignes magnifiques de Rav Chimchon Raphaël Hirsch …
La Torah définit Roch Hachana comme « un jour de Terou’a (sonnerie du Chofar) il sera pour vous » (Bamidbar 29,1). Telle est l’unique désignation de Roch Hachana dans la Torah !
Rav Hirsch compare les deux instruments dont la sonnerie est mentionnée dans la Torah : le Chofar (corne de bélier) et la ‘Hatsotsra (trompette).
Le Chofar, (issu de la corne d’un bélier) qui est le produit exclusif de la nature, créé sans aucun apport humain, est destiné aux utilisations où « Hachem » appelle l’Homme à se tourner vers Lui. Le Chofar nous a appelés au moment de la révélation de Hachem au Sinaï, et nous appelle à chaque Yovel (cinquantième année) au retour de chacun à sa famille et à sa terre (Vayikra 25,8-13). Le « Grand » Chofar, enfin, nous appellera au grand retour à l’aboutissement de l’Histoire, la Gueoula (Yechaya 27,13) !
La ‘Hatsotsra, qui est un produit manufacturé en argent, sert aussi à l’Homme pour « appeler » Hachem.
La Mitsva du Chofar ne s’exprime pas par l’action (souffler). La Berakha qui précède la sonnerie précise qu’il s’agit d’ « entendre le son du Chofar ». (On pourrait même traduire « kol Chofar » par la « voix » du Chofar, qui témoigne sur son Créateur par sa dimension totalement naturelle.
Le son du Chofar vient, comme tous le comprennent, réveiller en nous les pensées fondamentales qui nous amènent à la Emouna en Hachem.
Le son de la Tekiya (son simple, prolongé) annonce l’existence d’une Puissance Vivante, au-delà de la nature, et au-delà de l’Histoire.
Il existe Un Etre unique pensant et volontaire Qui s’adresse à toi et te donne des ordres. Sa Voix t’atteint par-delà le brouhaha de l’Histoire et des sentiers de la nature. Cette Voix t’atteint et te choisit parmi les milliards de créatures, et les millions de personnes soumises au cheminement de l’Histoire, pour t’appeler à revenir vers Hachem, afin que tu écoutes Sa Voix et que tu respectes Ses Mitsvot.
La voix du Chofar vient te mettre en garde contre les mensonges de faux prophètes qui nient l’existence d’une Puissance au-dessus de la nature…
La voix du Chofar qui sort d’au-delà du monde matériel prouve que Hachem est présent au-delà du monde des mensonges…
La voix du Chofar t’atteint, te cherche et te trouve, pénètre au plus profond de ton cœur, et te prouve que tu es proche de Hachem, et que cette proximité s’exprime dans ta pensée, dans ta force, dans ta conscience, et tes sentiments de devoir !
Vient ensuite un second son du Chofar, saccadé, qui te secoue.
Cette secousse te traverse de part en part.
Pour commencer, les Chevarim, sons fragmentés, réduisent la prétention de l’homme à une indépendance absolue, comparable à celle Du Créateur, en « Chevarim » (débris). Le cœur de l’homme, assoupli, est alors prêt à recevoir la Terou’a, (sons saccadés) qui déracinera les dernières traces d’orgueil et de suffisance.
La place sera ainsi préparée pour la reconnaissance entière de Hachem.
Entre les Chevarim et la Terou’a tu te disponibilises à une acceptation totale de la suprématie de Hachem, et à te donner à Lui entièrement.
Ce message de la Terou’a est le gage de l’amour que Hachem te dédie et l’importance qu’Il te témoigne en cherchant à réveiller ton contact avec Lui. Il cherche à être « à toi », lorsque tu seras toi-même à Lui.
S’ouvrent enfin les portes par lesquelles Hachem se manifeste et t’appelle à Sa proximité. Toutes les « déchirures » se resserrent, et tout ce qui est brisé se répare et se renouvelle. Dans la mesure où tu seras « à Lui », tu seras également « à toi-même ».
C’est le message de la Tekiya finale, un son plein et uni qui vient conclure notre retour à Hachem.
Il est difficile de faire partager en quelques lignes la beauté et la « poésie » vraie et profonde des paroles de Rav Chimchon Raphaël Hirsch.
Il nous reste toutefois à lire entre les paroles de Rav Hirsch la grandeur et la chaleur qu’expriment les termes « Avinou (notre Père), Malkénou (notre Roi) » que Rav Hirsch a à peine cités, sans insister sur leur portée grandiose.
Comme nous l’avons vu des paroles de Rabbi Yerou’ham, la notion de père dans le monde physique a pour but l’impact spirituel de la Mitsva.
De même, nous avons vu dans la Paracha Reéh que la fonction du Roi est d’unifier Israël dans le lien avec Hachem.
Aussi, le fait de nous tourner vers Hachem avec ces titres n’est pas de l’ordre du lyrisme banal.
La Torah est à l’opposé des sentiments sans application réelle. Il s’agit donc bien, lorsque nous nous tournons vers Hachem, de vivre envers Lui pleinement les élans qui caractérisent ces deux relations de père à fils, et réciproquement, et de peuple à son Roi, dans la dimension « responsable » que la Torah attribue à la fonction royale.
Nous comprenons alors les paroles de Rav Hirsch qui dit que « l’appel » de Hachem à travers la « voix » du Chofar perce les barrières de notre « indifférence » pour « remuer » profondément notre cœur, par-delà le « conscient » même.
Tout comme le lien entre un père et son fils ne dépend pas d’un dialogue explicite, mais se situe au niveau du « subconscient », ainsi l’appel de Hachem nous secoue sans dépendre de notre réaction consciente.
Il reste toutefois une nuance importante et décisive. Certes, chaque Juif encore assez conscient de son identité est susceptible de « visiter » le Beth Haknésset au moins à Roch Hachana et Yom Kippour… certains s’y rendront également à diverses autres occasions.
Chaque Juif est sensible à l’appel du Chofar, et ressentira « comme un chatouillement » en entendant le Chofar. Son « Père », Hachem l’appelle, et il y est accessible. Néanmoins, chez certains, la « carapace » de refus solidement installée en lui le retient de concrétiser son « réveil » par une démarche de reconstruction et il peut très rapidement étouffer l’impact de l’appel de son Père, et ne lui attribuer qu’une dimension superficielle, et une nostalgie « sentimentale » en marge du réel.
Chacun de nous a le devoir de reconnaître pleinement l’appel de notre Père, Hachem, et à revenir avec vigueur au lien que les péripéties du quotidien s’évertuent à de nous faire oublier.
Apprenons à appeler Hachem comme un enfant appelle son père, et nous pourrons alors « honnêtement » faire appel à « Avinou Malkénou » pour nous soutenir dans notre effort de retour « au bercail » et accéder enfin à l’accomplissement ultime de la Volonté Divine dans la Création de cet être sublime que doit être l’Homme…
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Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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