Parasha – 53 KI TETSE 5782

Les 3 derniers versets de la Paracha Ki Tétsé sont consacrés à la Mitsva de se souvenir de ce que nous a fait Amalek, qui nous avait attaqué après la Sortie d’Egypte (voir Chemot, 17,8-13), avant Matane Torah (le Don de la Torah) au Sinaï, et à la Mitsva de l’anéantir.

Cette Mitsva est la troisième des trois Mitsvot que Hachem a ordonnées après que les Bené Israël soient entrés en Erets Israël (Guemara Sanhédrin 20b).

Toutefois, comme nous l’avons mentionné précédemment, l’ordre d’accomplissement de ces Mitsvot est le suivant :

– mettre en place un Roi d’Israël

– anéantir le Peuple d’Amalek

– ériger le Beth HaMikdach (Temple)

La Mitsva particulière d’anéantir Amalek est surprenante.

Le Peuple de Hachem ne se distingue pas spécialement par une démarche belliqueuse !

Même en ce qui concernait les peuples de Canaan, que Hachem a ordonné d’éliminer lors de la conquête d’Erets Israël, il n’y avait pas une Mitsva de les pourchasser. Et, s’ils quittaient Erets Israël, il n’y avait aucune obligation de les poursuivre, au contraire ! (Le peuple Guirgachi répondit à l’incitation par Yechou’a de se retirer, et quitta Erets Israël pour l’Afrique ; Yerouchalmi, Cheviit, 6,1).

Amalek est la seule nation à laquelle Hachem nous ordonne de vouer une telle opposition, allant jusqu’à ne laisser aucun survivant !  

Pour comprendre le sens de cette Mitsva, il importe de comprendre l’essence d’Amalek.

La Torah (Beréchit, 36,1-19) décrit la descendance d’Essav, fils de Its’hak Avinou et Rivka Iménou, frère de Yaacov Avinou.

Le premier fils d’Essav est Elifaz, dont la concubine, Timna, mettra au monde leur fils Amalek (36, 12).

Rachi explique que cette Timna est issue d’un adultère d’Elifaz avec la femme de Séïr le ‘Horéen, et qu’elle est devenue par la suite la concubine de son père Elifaz.

Nos ‘Hakhamim (Guemara Sanhédrin 99b) expliquent que Timna était (officiellement) fille de Prince (Séïr), et qu’elle avait voulu s’attacher aux Avot (Patriarches), et s’intégrer dans le Peuple de Hachem.

Alors que Avraham et Sarah étaient les “promoteurs” de l’intégration des peuples à la proximité avec Hachem, ils repoussèrent Timna.

Ceci ne s’explique que par leur aptitude à analyser la profondeur de la personne, comme l’avenir le montra.

Timna, voulant à tout prix s’attacher à la descendance d’Avraham, choisit de devenir une simple concubine de l’un de ses descendants, Elifaz, plutôt qu’être reconnue comme une princesse ailleurs. Et c’est de cette union que naquit Amalek.

Deux Midrachim sont rapportés relativement à la haine implacable d’Amalek envers les Bené Israël : d’une part il est rapporté qu’Essav demanda à son fils Elifaz de tuer Yaacov Avinou, pour le venger de ce que Yaacov l’avait spolié du droit d’aînesse et des Berakhot de Its’hak Avinou ; d’autre part, il est rapporté dans les commentaires que Timna ordonna à son fils Amalek de vouer une hostilité inextinguible aux Bené Israël afin de venger l’affront qu’elle avait subi en étant repoussée par les Avot. Amalek est donc, plus que tout autre, l’ennemi juré du Peuple Juif. 

Revenons à Essav lui-même :

Les ‘Hakhamim définissent Essav par les termes suivants “Ha Chav chébarati beolami” (ceci est la “vanité” que J’ai créée dans Mon monde), les mots “Ha chav” représentant l’équivalent de “Essav” (Midrach Beréchit Rabah, 63, 8).

Quel est le sens de cette “vanité”, et en quoi Essav est-il considéré comme ayant été “créé” en tant que “vanité” par Hachem ? Comment comprendre que Hachem aurait destiné d’emblée un homme à être un Racha ?!

Le terme “vanité” doit être compris ici dans le sens de “vain”.

Essav est défini ici comme le représentant spécifique du “vide” de l’existence.

Toutefois, Essav était le fils de Its’hak Avinou et de Rivka Iménou et le petit-fils d’Avraham, et de ce fait, il était détenteur d’un capital considérable de spiritualité à développer.

Comme nous l’avons vu dans le Dvar Torah sur la Paracha Toldot 5781, Essav n’était pas “condamné” à devenir l’échec que nos ‘Hakhamim nous décrivent.

Si Its’hak Avinou a tellement “investi” dans Essav, c’est parce qu’il était initialement destiné à être le “partenaire” de Yaacov Avinou dans la construction du Peuple de Hachem appelé à mener l’Histoire du Monde à son épanouissement.

Si tel avait été le cas, la faute d’Adam Harichone aurait alors été réparée différemment.

C’est l’échec personnel d’Essav qui a conduit à l’Histoire telle que nous la connaissons.

Sa “démission” du rôle qui lui était dévolu, de parfaire aux côtés de Yaacov les acquis d’Avraham et Its’hak, le mena à l’opposition radicale à cette évolution.

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, Beréchit, p.53b ; Pourim, p.44) traduit la “vanité” qui définit Essav par la notion de “Chéker” (le mensonge). Il ne s’agit pas de déformation des faits, mais de construction d’une vision fictive du fonctionnement du monde. Dans ce sens, le terme de “vanité” est particulièrement approprié, dans la mesure où il réunit les notions de “vide” et d’orgueil. L’orgueil a en réalité sa source dans le “vide” de valeur réelle. L’homme qui accepte de reconnaître sa nature spirituelle et de mener son existence conformément n’a nul besoin de chercher à se “mettre en valeur”, ni au regard des autres, ni à ses propres yeux. Par contre, celui qui tourne le dos à Hachem, et ne veut pas voir Son intervention dans le fonctionnement du Monde, se réfugie dans une vision aléatoire des évènements, grands ou petits. C’est ce qui est désigné par le terme “Mikré” (accident), qui caractérise l’approche de l’existence dans la négation de la Création.

C’est le sens du terme “karekha” (Devarim, 25,18) pour désigner l’agression des Bené Israël par Amalek : le terme “karekha” est issu de la même racine que “Mikré”, accident, hasard …

Le Chem MiChmouel explique la différence entre Essav et Amalek (Chemot, p.135). Alors qu’Essav était le “promoteur” du “Chéker”, il restait toutefois conscient en lui-même que c’était “Chéker” ; il ne trompait que les autres, pas lui-même…

Le défaut d’Amalek est plus dur, en ce sens qu’il se trompe lui-même jusqu’à croire que le mal est le bien. Il est persuadé de représenter le sommet de la Tsidkout (l’intégrité). C’est pourquoi l’accomplissement de l’Histoire est lié (Tehilim 43, 3) à deux termes “Orekha vaAmitekha” (Ta Lumière et Ta Vérité), que représenterons Eliahou et le Machia’h.

Le Maguid MiDouvno (Cokhav Yaacov, Haftara Beréchit) explique le point commun entre le “Na’hach” (le “serpent” qui induisit ‘Hava en erreur, et amena à la faute d’Adamarichone Harichone), et Amalek : les deux étaient destinés à disparaître du monde à l’aboutissement de l’Histoire.

Il explique que les annonces faites par les Neviim sur la “fin des temps” ne consistent pas en changements fondamentaux du monde, mais à un retour à l’état initial, avant la faute d’Adam Harichone.

Il s’agit uniquement d’une réparation des “dégâts” causés par cette faute.

Aussi, toute “détérioration” issue de cette faute sera susceptible de renouveau.

Par contre, le “Na’hach” n’a pas été “victime” du changement, mais en était la cause. Il était “opposé” à la réalisation d’Adam Harichone comme elle devait s’accomplir initialement.

De même, Amalek est fondamentalement hostile à la démarche de révélation de la Présence Divine dans le monde depuis le début de son parcours dans l’Histoire. Il ne peut donc pas être question pour lui de réparation.

Tant que les Bené Israël n’ont pas atteint le degré de purification requis, la disparition totale du Mal est impossible. C’est pourquoi, nous dit le Chem MiChmouel, Moché Rabénou n’a pas combattu lui-même Amalek, mais il a délégué Yehochou’a, qui n’a pu alors “qu’affaiblir” cet ennemi.

Quel est le but de l’existence de ces “handicaps” dans la Création ?!

La tâche ne serait-elle pas plus aisée sans ces adversaires qui jettent un voile sur la réalité, nous rendant la perception vraie du Monde plus difficile d’accès ?!

La réponse est que l’épreuve consiste justement à surmonter ces obstacles, et à retrouver le chemin de la dimension d’Adam Harichone avant la faute.

A diverses occasions le Monde semblait près d’aboutir à son but, comme par exemple, après Matane Torah (le Don de la Torah), avant la faute du Eguel (le Veau d’or). Et chaque échec manifestait qu’il subsistait encore un manque dans la construction des hommes à ce carrefour précis.

La chute d’Essav, en même-temps que son échec personnel, amorçait une période de difficulté dans la Avoda (le Service de Hachem) de Yaacov et de ses descendants.

Cette conséquence sur Yaacov sanctionnait le fait qu’il n’ait pas “su” “récupérer” Essav, c’est-à-dire l’aider à surmonter ses faiblesses.

Pareillement, Les Avot “faillirent” à leur rôle dans la Création en ne se considérant pas aptes à “récupérer” un personnage tel que Timna.

Rav Yehouda Leib ‘Hasman (Or Yahél, Pirké Ma’hachavot, Ha’Het lefi hahacara) explique que, selon leur puissance spirituelle particulière, Ils devaient inverser du Mal au Bien même l’être le plus “abimé” !

Hachem est particulièrement “exigeant” envers les Tsadikim, et souligne leurs manques à travers les conséquences qui en découlent.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, Beréchit, 36,12) exprime une idée comparable. Il souligne que c’est de Timna, qui avait été repoussée par les Avot en raison de l’indignité de ses origines (adultère), qu’est issu Amalek, dont les descendants ont repoussé les Juifs qui voulaient s’assimiler.

Les descendants d’Amalek interdirent avec mépris à ce qu’ils définissaient comme la “race inférieure” de se mêler à eux ! (Lois de Nuremberg …)

Rav Sorotskin souligne ainsi comment Amalek vient participer au plan de Hachem, à charge pour les Bené Israël de comprendre la leçon …

Ces quelques éléments ne font que soulever légèrement le voile sur la conduite du Monde par Son Créateur. La Mitsva d’anéantir Amalek ne doit pas être comprise comme une mission guerrière ! Notre mission n’est pas d’éliminer physiquement Amalek, tant que nous n’avons pas “nettoyé” les traces de son influence sur nous.

Le programme de construction de la Nationprévu pour l’entrée en Erets Israël était donc d’atteindre, à l’aide d’un Roi, une conscience plus précise de la Présence permanente de Hachem dans chaque parcelle de la réalité.

Une fois que cette grandeur serait acquise, il deviendrait possible d’effacer les traces du mal dans la Création, en éradiquant tous les Amalékites.

Et enfin, viendrait le moment d’ériger le lieu de Contact privilégié avec Hachem, le Beth HaMikdach. Le premier Roi d’Israël, Chaoul, ayant échoué dans la mission d’anéantir Amalek, nous vivons jusqu’à ce jour l’épreuve d’éliminer Amalek dans notre cœur, pour accéder enfin à l’accomplissement ultime de la Création avec l’avènement de la Royauté Divine, comme nous le disons dans nos Tefilot de Roch Hachana et Yom Kippour : “…et que Tu règnes Toi-Hachem Seul, lorsque Tu balaieras la domination de la malveillance de la Terre”. 

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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