Parasha – 52 CHOFTIM 5782

Après la Paracha précédente, Ekev, qui comporte la Mitsva d’ériger le Beth Hamikdach (Temple), dans la Paracha Reéh se trouve la seconde des trois Mitsvot ordonnées lors de l’entrée des Bené Israël en Erets Israël : la Mitsva de nommer un Roi (Devarim 17, 14-20).

En réalité, la nomination d’un Roi d’Israël est la première des 3 Mitsvot que Hachem nous a ordonnées. La 2ème Mitsva consiste à anéantir le peuple d’Amalek (voir la prochaine Paracha, Ki Tétsé). Et enfin, la 3ème Mitsva : ériger le Beth HaMikdach, Mitsva qui ne devait être accomplie qu’ensuite (Guemara Sanhédrin 20a).

L’objectif de la Mitsva de se doter d’un Roi est difficile à cerner : S’agit-il d’une démarche socio-politique ? Dans ce cas, en quoi un tel choix relèverait-il d’une Mitsva ?!

Le rôle du monarque sera-t-il de faire régner la justice ? Cette responsabilité incombe aux ‘Hakhamim du Sanhédrin dont l’autorité coiffe l’ensemble des Baté Dinim (les tribunaux) de tout Israël, comme la Torah le définit au début de cette Paracha (16, 18-20 ; 17, 8-13).

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah 17,14) s’étonne de ce que la nomination du Roi n’ait pas eu sa place avant l’entrée en Erets Israël, mais seulement plus tard. Il semblerait que le rôle du Roi soit de mener les guerres et d’assurer le partage de la Terre d’Israël ?!  

Rav Zalman Sorotskin répond que c’est justement pour éviter le risque que les Bené Israël attribuent la conquête d’Erets Israël au crédit du Roi. C’est pourquoi Hachem a réservé ces fonctions liées à la conquête d’Erets Israël à Moché Rabénou et à son disciple Yehochou’a, les Neviim (les Prophètes) pour qu’il soit clair que la conquête est exclusivement le fait de l’intervention Divine.

Le Ramban explique le verset : “Et tu diras : je placerai sur moi un Roi comme tous les peuples qui m’entourent” (17,14).

Le terme “tu diras” doit être compris comme une Mitsva, de même que : “tu feras une balustrade” (qui est conjugué pareillement). Par contre, la référence aux autres peuples dans ce verset n’a nullement un caractère de Mitsva. C’est plutôt l’annonce voilée de l’erreur que commettront les Bené Israël lorsqu’ils demanderont à Chemouel de leur mettre en place un Roi (Chemouel I, 8,20).  

Rav Its’hak Aïzik Scherr (Léket Si’hot Moussar, p. 380) analyse ce commentaire du Ramban, et explique que la nécessité de mettre en place un Roi était liée à l’apparition nouvelle du prestige royal chez les nations. Jusque-là, c’est le Sanhédrin qui dirigeait les besoins de direction des Bené Israël. Mais l’existence chez les autres nations de cette nouvelle forme d’autorité justifiait son institution dans le Peuple d’Israël.   

Rav Scherr considère donc que la demande d’un Roi, même avec la référence aux peuples, était en elle-même convenable. Il explique que le besoin objectif d’un Roi correspond à la conduite matérielle du quotidien du Peuple Juif, comme la Guemara le décrit relativement au Roi David (Berakhot, 3b).  

Toutefois, le Peuple d’Israël aurait dû demander à Chemouel de devenir lui-même leur Roi. De plus, il y avait dans la formulation du peuple, alors, une “fausse note” lorsqu’ils ont dit : “Et nous serons, nous aussi, comme tous les   Rav Its’hak Aïzik SHERR              peuples et notre Roi nous jugera ” (Chemouel I, 8,20). Rav Scherr souligne que dans leur demande perçait l’aspiration spontanée à avoir un Roi “comme tous les peuples”, même au-delà de la Mitsva de Hachem.

Rav Chraga Grossbard (Daat Chraga, p. 95) explique la nature de la faute des Bené Israël lorsqu’ils demandèrent un Roi à Chemouel par le fait qu’ils montraient ainsi une aspiration à un “ordre social” dicté par un Roi.

La situation normale du Peuple Juif est que chacun accomplisse chaque action selon la Volonté Divine. Dans une situation où le comportement général serait resté à un tel niveau, la nomination d’un Roi aurait correspondu strictement à la Mitsva. Mais faire le constat d’une incapacité à se gérer sans l’autorité d’un Roi constitue l’aveu d’une perte de “repères” sains de comportement. C’est ce que les Commentateurs soulignent dans les versets antérieurs à la mise en place d’un Roi qui disent : “chaque homme faisait ce qui était droit à ses yeux”.

A l’opposé, Rav Avigdor Miller (Or Olam, I, p. 94) exprime l’opinion que “Chaque homme faisait ce qui était droit à ses yeux” n’est pas péjoratif, mais correspond, au contraire, à un niveau élevé, où chacun était apte à juger “juste” sans avoir besoin de l’autorité d’un Roi pour le maintenir dans le chemin de la Torah.

Quelle que soit l’interprétation de ces termes, le sens concret reste le même : la nomination d’un Roi en tant qu’une autorité sociale constituait une déchéance pour le Peuple Juif.

Rav Sim’ha Zissel Broïdé (Sam Dérekh, p. 88) analyse la notion de royauté dans la Torah.

Il souligne que Moché Rabénou et son disciple Yehochou’a avaient assumé une fonction équivalente à celle d’un Roi. Il s’interroge donc sur l’opportunité de la nomination d’un Roi dont la grandeur sera définitivement transmise en héritage à ses descendants, comme c’est le cas de David HaMélekh à la descendance duquel la royauté a été attribuée éternellement, jusqu’à la venue du Machia’h.

Rav Broïdé souligne les travers de cette institution qui mit plus d’une fois en place des Rechaïm, descendants de David HaMélekh qui détournèrent le Peuple de Hachem et de Ses Neviim (Prophètes). Il explique que Hachem a inscrit ce mode de fonctionnement (la royauté) dans la nature du monde, pour servir de “référence” à la “Royauté Divine” qui ne nous est perceptible qu’à travers l’image de la royauté humaine.

La définition de la royauté comme mode de fonctionnement inscrit dans la nature au sein de la Création nous mène à la question du choix par Hachem de David et sa descendance comme dépositaires de cette mission. Si la royauté est inhérente au fonctionnement du Monde, alors son détenteur doit avoir une dimension “prédestinée”.

Nos ‘Hakhamim (Midrach Beréchit Rabah 41, 5) rapportent le verset : “J’ai trouvé David Mon serviteur … (Tehilim 89, 21)”. Ils expliquent : “Où l’ai-Je trouvé ? à Sedom !”.

Cette remarque du Midrach conclut une analyse attribuant à Lot (le neveu, beau-frère, et disciple d’Avraham) le mérite d’avoir produit deux “tentes” (la tente est le lieu privilégié des femmes Tsadkaniot), Ruth la Moavite, et Naama la Ammonite, descendantes de Lot et de ses deux filles rescapées avec lui de la destruction de Sedom (Beréchit 19, 12-38).

Ces deux filles, et à travers elles leurs descendantes illustres, Ruth et Naama, sont qualifiées par le verset (“Hanimtsaot”, Beréchit 19, 15) de “Trouvailles”.

Dans son commentaire du Midrach, Rav Its’hak Zeev Yadler explique ce qui a justifié le choix des descendantes des filles de Lot comme ancêtres de la lignée royale de David. Les filles de Lot cumulaient la qualité d’amour de Hachem reçue de l’influence d’Avraham et Sarah, avec l’imprégnation des tendances mauvaises acquises au contact des habitants de Sedom. Ce sont ces caractéristiques des filles de Lot qui trouvèrent leur place dans la construction de la lignée de David, à travers les personnalités de Ruth et Naama.

Rav Yadler explique que le Machia’h doit atteindre un niveau supérieur à tous les Tsadikim !

A ce titre, le Machia’h devra affronter une opposition intérieure très puissante, de telle sorte qu’en la surmontant, il atteigne le niveau élevé requis. Pour cela, il était nécessaire qu’il soit imprégné des tendances malsaines issues d’un autre peuple, plongé dans les appétits devenus en eux un acquis personnel, et qu’il doive donc dominer cette imprégnation de mal dont il a hérité.

L’héritage reçu des Avot (Patriarches) génération après génération depuis Avraham excluait une telle dose de mal “incrusté”.

Par ailleurs, il était impossible de trouver la qualité voulue chez les hommes de ces nations (Ammon et Moav), totalement soumis à leurs appétits, et incapables de les surmonter.

Dans ces nations, seules les femmes portaient en elles les aspirations à la Kedoucha (Sainteté) qu’elles avaient héritées des filles de Lot.

Et c’est à partir de ce “cocktail” qu’est issu David Hamélekh qui a cumulé en lui les caractères favorables et néfastes hérités de Moav, et a su se purifier jusqu’à inverser le mal en bien à l’intérieur de lui. C’est ce qui lui a valu la couronne royale éternelle jusqu’à l’aboutissement de l’Histoire avec la Gueoula (Délivrance).

 Rav Its’hak Aïzik Scherr (Léket Si’hot Moussar, p. 49) développe la relation entre Avraham et Lot. Il s’appuie sur le Midrach : “où ai-Je trouvé (David) ? à Sedom !” et souligne que Lot était réellement le disciple d’Avraham, et possédait potentiellement en lui la plénitude de David HaMélekh. Même après avoir quitté Avraham, Lot avait conservé la grandeur acquise à son contact, de telle sorte que Hachem a “trouvé” en lui, à Sedom-même l’avenir de David, véritable trésor au sein du Peuple trésor !

Le Chem MiChmouel (Beréchit p. 128) souligne que nos ‘Hakhamim ont défini (Guemara Moed Katane, 16b) David HaMélekh comme supérieur aux trois Avot (Patriarches).

Nos Avot ont “réparé” la faute d’Adam Harichone sous les trois facettes de l’idolâtrie, de l’immoralité, et du meurtre qui y étaient incluses. Mais la source profonde de la faute est située dans la Gaava (l’orgueil), qui est à la racine de toutes les déviations. Ce défaut de Gaava était particulièrement ancré en Lot, au point de l’amener à se séparer d’Avraham. Hachem avait soumis Lot à une série d’épreuves qui sont décrites dans les Parachiot Lekh Lekha et Vayéra, afin de préparer le terrain pour la qualité inverse de soumission totale qui caractérisa son descendant, David Hamélekh.

Nous n’avons abordé ici que la facette “Lot” des racines de David HaMélekh et du Machia’h. La même étude se justifie dans les qualités profondes développées par Yehouda et ses descendants jusqu’à David.

Dans la Paracha précédente, nous avions appris que Hachem avait préparé le Beth HaMikdach de “longue date”, depuis la Création. Notre Paracha nous présente un autre élément fondamental de la Création, la lignée de David HaMélekh jusqu’au Machia’h, que Hachem a pareillement préparé, sous un voile épais cachant ce secret à la majorité des hommes.Et bien que l’Histoire passe par les choix humains, elle reste profondément guidée par Hachem depuis la Création, et jusqu’à la Gueoula complète que nous attendons depuis si longtemps…

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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