Parasha – 48 DEVARIM 9 AV 5782

Ce Chabat, nous commençons la lecture du Séfer Devarim, constituée du “discours” de départ de Moché Rabénou.

La Paracha Devarim est toujours lue le Chabat avant Tich’a BeAv (le jeûne du 9 av), date de la destruction des deux Beth HaMikdach.

Le 9 av était aussi la date du retour des Meraglim (explorateurs) que Moché Rabénou avait envoyés pour explorer la Terre de Canaan. Leur rapport négatif sur Erets Israël amena l’ensemble du Peuple à pleurer et à craindre les difficultés de la conquête.

Aussi Hachem décréta de prolonger le séjour des Bené Israël dans le désert jusqu’à quarante ans et la disparition de cette génération.

Cette année, Tich’a BeAv tombe le jour même de Chabat, et le jeûne est reporté au dimanche.

Il nous est facile de considérer les fautes de nos ancêtres avec sévérité, et de nous demander, même, pourquoi nous devons tant souffrir pour des torts qui nous sont étrangers, selon notre perception des faits.

Cette erreur est due à deux causes très différentes :

– d’une part, la Torah et les Neviim (prophètes) ont une terminologie particulière, grossissant à l’extrême les fautes pour nous les faire percevoir si peu que ce soit, à notre niveau.

-D’autre part, les générations récentes ont été “infectées” du regard “progressiste” de “l’intelligentsia” tournée avec envie et considération vers les “valeurs” de la civilisation ambiante. Dans leur désir effréné d’assimilation, ces “intellectuels” ont systématiquement dénigré toutes les valeurs réelles de la Torah et de notre Peuple, poussant “l’auto-flagellation” jusqu’à dépeindre nos ancêtres comme des “barbares primitifs” indignes des “hauts acquis” de la culture occidentale …

Reprenons donc les faits et les remontrances de Moché Rabénou et des Neviim, pour voir sous un éclairage vrai en quoi le deuil de Tich’a BeAv doit nous concerner.

Commençons par les paroles que Moché Rabénou adresse aux Bené Israël dans notre Paracha (Devarim 1, 22-46), début de ses admonestations à la nouvelle génération, prête à entrer enfin en Erets Israël. 

Considérons le “public” auquel Moché Rabénou s’adresse, et les reproches qu’il leur fait : La génération qui avait de vingt à soixante ans lors de la faute des Meraglim a disparu au fur et à mesure des quarante années passées dans le désert.

Tossefot (Guemara Taanit 30b) rapporte au nom du Midrach qu’à la génération du désert, chaque année, le 9 Av, anniversaire du retour des Meraglim, tous les hommes concernés par le décret creusaient leur tombe, et s’y couchaient.

Au matin il était annoncé : “Que les vivants se séparent des morts !”.

C’est ainsi que chaque année, 15 000 hommes environ ne se relevaient pas, pour arriver au total des 600 000 du décompte initial de la génération condamnée à disparaître en quarante ans.

Pouvons-nous imaginer la grandeur d’un Peuple entier qui vécut avec intégrité la décision de Hachem et s’y associa ainsi activement pendant les quarante années où ils séjournèrent dans le désert suite à leur faute ?

Toutefois, nous n’avons pas encore atteint la vraie dimension des Bené Israël…

Lorsque Moché Rabénou s’adresse au Peuple d’Israël au seuil de l’entrée en Erets Israël, il leur parle “à la deuxième personne”, en leur reprochant “leurs” fautes (1,22) : “Vous vous êtes approchés vers moi, vous tous …”.

Or, ces hommes sont ceux de la génération suivante … les aînés parmi eux avaient au seuil de 20 ans lors des faits et n’ont pas participé à cette faute, et les moins de 40 ans n’étaient même pas nés …

Quel est le sens de l’accusation de Moché Rabénou à une génération apparemment totalement étrangère aux faits qui leurs sont reprochés ?!

Dans la Haftara (texte des Neviim lu après la lecture de la Paracha, Chabat) le Chabat Devarim, le Navi (Prophète) Yechayahou nous communique un message étonnant au début de son livre (Chapitre 1, 1-27).  

Cette Nevoua (prophétie) commence par le mot : “‘Hazon” (vision), et a donné son nom au Chabat qui précède Tich’a BeAv, et que nous appelons “Chabat ‘Hazon”. Le début de la mission du Navi Yechayahou est décrit au verset 8 du chapitre 6, où est mentionné que Yechayahou a entendu l’appel de Hachem et y a répondu, et non dans le premier chapitre.

Le premier chapitre, que nous lisons ce Chabat énonce que Yechayahou exprima ce message au long du règne de quatre Rois du royaume de Yehouda, Ouziyahou, Yotam, A’haz et ‘Hizkiyahou.

Le Malbim explique que Yechayahou a effectivement répété ce message à l’époque de chacun de ces Rois.

Le Navi accuse le Peuple Juif de s’être détourné de Hachem, et accumule les termes durs, dénigrant les Korbanot (offrandes) des Bené Israël, et les Moadim (fêtes) où nous nous présentons devant Hachem au Beth HaMikdach (11-15).

Nous devons garder à l’esprit que la Torah ne nous livre pas des informations historiques, et que les Nevouot (prophéties) qui ont été consignées dans le “Tanakh” (somme de la Torah, des Neviim, et des Ketouvim, “Ecrits saints”) ne sont que celles qui concernaient les générations à venir.

A la lecture des “attaques”, de Moché Rabénou et de Yechayahou, nous pourrions être confortés dans un regard critique sur nos ancêtres, et encouragés à une certaine “suffisance”, du haut de “nos grands mérites” personnels …

Toutefois une telle approche ne résiste pas à un examen honnête des faits…

Tout d’abord, concernant la génération à laquelle s’adresse Moché Rabénou, Hachem n’a évidemmentpas retenu les Bené Israël dans le désert pendant quarante ans juste comme action punitive. Les “punitions” administrées par Hachem n’ont pas un caractère vindicatif, mais un but “curatif”. Le séjour d’une génération entière dans le désert, loin de toute sollicitation matérielle, avec comme seule activité l’étude de la Torah auprès de Moché Rabénou, constituait un stage de Emouna incomparable.

De plus, si les Bené Israël n’avaient pas été prêts à entrer en Erets Israël avec la conscience de ce que cela représentait comme lien avec Hachem, Hachem ne les y aurait pas amenés, pas plus qu’Il ne l’a fait pour la génération précédente …

Tout le Séfer Devarim nous montre un Peuple d’une dimension exceptionnelle, tant au niveau collectif qu’individuel. Il suffit de constater que les premiers griefs qui seront exprimés aux Bené Israël lors de l’entrée en Erets Israël concernent des fautes qui nous seraient difficilement perceptibles :

– La première faute reprochée par le Mal’akh (l’Ange) envoyé par Hachem (Yehochou’a 5, 13-14) est un manque d’assiduité dans l’étude de la Torah la nuit, alors que les Bené Israël étaient occupés toute la journée à faire le siège de la ville de Yeri’ho ! (Guemara Erouvin 63b).

-la faute de Akhan qui, seul, prit du butin de la ville de Yeri’ho que Yehochoua avait interdit. Cette faute d’un seul homme entraina des pertes lors de l’opération militaire suivante, et Hachem répondit à la détresse de Yehochoua (Yehochoua 7,11) : “Israël a fauté …”. La faute d’un seul homme est imputée à l’ensemble du Peuple.

Jusqu’à ces deux faits, donc il n’y avait pas place à la moindre critique !

C’est à un Peuple d’une telle élévation que Moché Rabénou reproche les fautes, elles-mêmes difficilement perceptibles, de la génération précédente.

De même, les Rois auxquels Yechayahou adressa ses remontrances sont majoritairement des Tsadikim. Parmi eux, ‘Hizkyahou s’illustre par l’intensité de l’étude de la Torah qu’il réussit à établir dans l’ensemble de la population, et en fit une génération d’une élévation incomparable. (Guemara Sanhédrin 94b).

Quant aux générations qui précédèrent la destruction du second Beth HaMikdach et la Galout dans laquelle nous nous trouvons depuis près de deux-mille ans, nos ‘Hakhamim rapportent (Midrach Raba Eikha, 1,2) que le Roi Agrippas fit une fois compter les agneaux du Korban (offrande) Pessa’h, et qu’il s’en trouva 1 200 000, ce qui correspond à plus de dix fois autant de participants.

Une brochure de Rav Hillel Brisk (Talmid ‘Hakham actuel) décrit la situation de plus de 12 millions de personnes à Yerouchalaïm (à l’intérieur de la muraille …) avec toutes les provisions nécessaires, les animaux pour les Korbanot, les équipements collectifs, les Mikvaot (bassins de purification) pour que tous se préparent le matin de Yom tov à se présenter devant Hachem au Beth HaMikdach.

La description a de quoi donner le vertige, tant les données sont totalement hors nature !! Le nombre d’hommes qui se trouvaient à chaque moment dans l’enceinte du Beth HaMikdach est proprement invraisemblable ! Et pourtant les faits sont là ! Devant une telle description, nous comprenons que nous avons affaire à un Peuple vivant, peu avant la destruction du Beth HaMikdach et la Galout, à un niveau de réalité miraculeux. Et c’est un tel Peuple qui perdit le droit à conserver le Beth Hamikdach !!

Après de telle considérations, l’ actualité des messages de Moché Rabénou et de Yechayahou doit nous apparaître sous un autre jour !

L’Histoire du Peuple de Hachem, et de la Création entière, est une continuité dans laquelle chaque génération s’inscrit, portant les acquis et les manques des générations précédentes. C’est ce qui justifie les remontrances que Moché Rabénou adressa à une génération apparemment innocente des faits qu’il lui reproche.

C’est aussi ce qui explique que Yechayahou souligne avec insistance des défauts qui, à son époque étaient encore infimes, mais portaient déjà le germe de la destruction à venir.

C’est pour cela que Hachem détruisit le Beth HaMikdach à une époque où le niveau spirituel des Bené Israël semblait tellement élevé, mais portait déjà en lui les racines de la Galout que nous vivons, nous, plus durement …

La lecture de la Paracha Devarim (qui introduit le Sefer Devarim), et de la Haftara doivent nous interpeller avec une force redoublée !

Le jeûne de Tich’a BeAv ne peut plus rester pour nous une “formalité religieuse” un peu pesante !

Nous devons prendre enfin conscience de l’attente extraordinaire que Hachem nous montre, en menant notre histoire, à travers toutes ses vicissitudes, vers l’aboutissement grandiose de la Gueoula (Délivrance).

-Si des générations si élevées spirituellement ont encouru de telles remontrances !

-Si un monde de Torah et de Nissim (miracles) permanents n’a pas suffi à préserver notre grandeur !

-Si des générations de dévouement à la Torah depuis le début de la Galout n’ont pas eu accès à la Gueoula !

Alors combien l’attente qui pèse sur nous doit nous inciter à un réveil puissant, pour que la Gueoula ne soit pas encore différée !!Faisons tous les efforts possibles pour que Hachem nous rétablisse dans la vraie grandeur qu’Il attend de nous !

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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