Parasha – 43 CHLAH 5782

A la fin de la Parachat Chla’h, la Torah raconte l’épisode dans lequel un Juif a transgressé Chabat et a été jugé et exécuté (Bamidbar 15, 32-36).

Nos ‘Hakhamim discutent à propos du moment où cet évènement choquant s’est produit.

Rachi (15, 32) rapporte ici les paroles du Sifri : “Le verset parle de la honte des Bené Israël, qui n’ont respecté (intégralement) que le premier Chabat, et le deuxième, celui-ci (le « Mekochech », l’homme dont parle notre Paracha) est venu et l’a profané”.

Selon cette explication, l’épisode du “Mekochech” (le ramasseur de bois) s’est produit juste après la première mention du Chabat dans la Torah (Chemot 16, 30) au début de la distribution quotidienne de la Manne, soit un mois après la Sortie d’Egypte (Targoum Yonathan, Bamidbar 15,32).

La Guemara (Chabat 118b) dit : “Si les Bené Israël avaient respecté le premier Chabat …” d’où il ressort que le premier Chabat avait déjà été profané (voir Malbim Bamidbar 15, 32).

Une autre opinion (citée dans Tossefot, Bava Batra 119b) situe l’épisode du “Mekochech” juste après le décret de punition des Bené Israël d’errer dans le désert pendant quarante ans, suite à la faute des Meraglim (explorateurs) dans la Paracha Chela’h où il est rapporté (Bamidbar 13, 1-14, 45).

Selon la première opinion, le Mekochech cherchait à amener Moché Rabénou à interroger Hachem sur la punition réservée pour la profanation du Chabat (Targoum Yonathan, Bamidbar, 15, 32), afin de rendre la Mitsva de Chabat plus redoutable aux yeux des Bené Israël.

Selon la seconde explication, le Mekochech a réagi à une atmosphère de découragement qui régnait parmi les Bené Israël du fait qu’ils avaient été condamnés à errer dans le désert pendant quarante ans. Il leur semblait ainsi que les Mitsvot se “dérobaient” de leur existence. Le Mekochech aurait donc fait la “démonstration” de la gravité inaltérée de la transgression dans le but de “rafraichir” la conscience du lien indéfectible entre Hachem et les Bené Israël par la Torah et les Mitsvot.

Le Maharcha s’étonne que, selon chacune de ces opinions, la profanation accomplie, non par intérêt direct pour son résultat, mais pour un but “extérieur” (attirer l’attention des Bené Israël sur la gravité de la faute), ne constituerait pas une transgression passible de punition selon les critères particuliers du Chabat qui nécessitent que l’ouvrage ait été accompli avec son “but normal”.

Et il en déduit que selon la Torah, le Mekochech n’a pas commis réellement une faute (ce qui explique qu’on puisse le considérer comme “Tsadik” dans sa démarche …), mais qu’étant donné que sa motivation n’était pas perceptible aux témoins, il restait “justiciable” pour sa transgression, car le Beth Din (tribunal) et les témoins ne peuvent juger que selon des éléments accessibles et apparents, et non selon des motivations non manifestes.

Il reste toutefois que, même si une telle profanation du Chabat n’encourt pas de punition selon la Torah, les ‘Hakhamim ont élargi la notion des interdits de Chabat, et ont défini un ouvrage accompli hors “but normal” comme une transgression. Le Mekochech a donc commis une faute, ne serait-ce qu’au niveau des barrières érigées par les ‘Hakhamim.

Rav Sim’ha Zissel Broydé (Sam Dérekh, p.68) remarque que malgré cette faute (au moins au niveau des “barrières” érigées par les ‘Hakhamim au-delà des lois de la Torah), la Guemara qualifie le Mekochech de “Tsadik” (Guemara Chabat, 96b). Sa motivation dans cette transgression de l’interdit des ‘Hakhamim le sauve de l’appellation “Racha”.

Rav Broydé enchaîne en citant les paroles de la Guemara (Chabat 118b) : “Si les Bené Israël avaient gardé le premier Chabat (ou selon l’analyse de Tossefot Chabat 87b : le second Chabat), aucune nation n’aurait pu les assujettir !”.

Il souligne que le Mekochech était donc un Tsadik, agissant avec une intention pure de fortifier le respect de la Mitsva de Hachem et il a toutefois amené, avec toute sa “bonne volonté”, une catastrophe sur le monde. S’il n’avait pas battu en brèche le Chabat dès le début (selon la première explication), la position des Bené Israël aurait été “inattaquable”. Et l’enjeu n’était pas une question de “confort” pour les Bené Israël, bien sûr, mais le prestige qui aurait rejailli sur la représentation de Hachem dans le monde, incarnée par les Bené Israël.

Tout le cours de l’histoire aurait alors été différent…

Rav Broydé en tire la leçon redoutable du danger terrible de s’inventer des actions destinées à être méritoires aux yeux de Hachem, en prenant des chemins “nouveaux” et en passant par des démarches contraires aux règles de la Torah.

Il cite comme premier exemple d’un tel “dérapage” la faute du Eguel (Veau d’or) où les Bené Israël visaient à trouver un accès au contact avec Hachem (voir à ce sujet notre premier Dvar Torah 5776 sur la Paracha Ki Tissa).

Cette erreur s’est reproduite sous diverses formes tout au long de l’histoire par des innovations dans l’attachement à la Torah à l’initiative “d’inventeurs de génie”…

Les exemples de la faute du Eguel, et de celle du Mekochech doivent suffire à nous mettre en garde contre ce danger. C’est le sens de la mention par la Torah de ces épisodes.

Une autre facette de l’enseignement de la Guemara citée plus haut selon laquelle “Si les Bené Israël avaient respecté le premier Chabat (ou second, comme expliqué plus haut …) aucune nation n’aurait pu les assujettir…”, est qu’en réalité l’ensemble des Bené Israël a bien respecté le Chabat. Seul le Mekochech (ou quelques juifs qui sont sortis pour chercher de la Manne le premier Chabat, ne croyant pas l’annonce de Moché que la Manne ne tomberait pas ce jour-là…) a transgressé Chabat.

Néanmoins, la Guemara définit ces actes apparemment isolés comme une profanation collective.

Il en ressort une différence fondamentale avec les autres fautes.

Pour toutes les Mitsvot de la Torah, les ‘Hakhamim enseignent (Guemara Chabat 54b) que quiconque a la possibilité de s’opposer à une transgression de la Torah et ne le fait pas est responsable des agissements d’autrui. Toutefois, ce n’est pas comme s’il avait lui-même accompli l’action considérée.

Le Chabat est le témoignage de la Création.

En nous abstenant de toute intervention sur l’environnement, nous manifestons que le monde appartient totalement à Son Créateur. Aussi, la moindre atteinte à la Kedoucha du Chabat est une profanation.

Et celui qui en est témoin est “pollué” par ce “spectacle”. Et même le Clal Israël entier est pollué par la transgression ne serait-ce que d’un individu !

Les exemples sont abondants de nos Grands ‘Hakhamim qui ressentaient une souffrance insupportable en voyant un Juif transgresser Chabat, certains allant jusqu’à s’évanouir devant ce spectacle.

Etant malheureusement surabondamment confrontés à ce fait, nous sommes, quant à nous, loin d’éprouver de tels sentiments.

La Torah vient ici nous donner l’occasion de réactualiser la gravité de la chose.

Notre Paracha nous enseigne qu’aucune “bonne raison” ne justifie d’aller à l’encontre de la Torah, même pour la “sauver” comme le pensait le Mekochech.

Si important que ce soit de faire le maximum pour ramener nos frères à la Torah, cela ne peut s’accomplir que dans le respect intégral des règles de la Torah. Nos ‘Hakhamim de toutes les générations ont toujours été les garants du chemin “sûr” dans lequel inscrire notre action.

Et pour donner toutes les chances à nos frères de retrouver le contact avec Hachem, portons tout particulièrement nos efforts à être des exemples vivants d’attachement intégral aux Mitsvot de Hachem.  

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36