La Paracha Behaalotekha décrit (Bamidbar 9,1-14) l’accomplissement du Korban Pessa’h (l’Offrande de Pessa’h) que le Peuple d’Israël accomplit un an après la Sortie d’Egypte.
Ce Pessa’h fut le seul Pessa’h célébré pendant les quarante ans du séjour dans le désert.
La Mitsva essentielle d’accomplir chaque année le Korban Pessa’h, qui avait été dictée encore avant la Sortie d’Egypte, devrait s’accomplir lorsque les Bené Israël seraient en Erets Israël.
Pour le Korban Pessa’h dans le désert, il y eut un Commandement particulier (Bamidbar 9, 1-3). La Torah nous parle (9, 6-8) d’hommes qui étaient Tamé (impurs) du contact avec un cadavre (Nos ‘Hakhamim proposent diverses explications du mort concerné). Suite à cette impureté, ils ne pouvaient pas participer au Korban Pessa’h.
Ne voulant pas renoncer à s’associer au Clal Israël dans cette Mitsva, ces hommes s’adressèrent à Moché Rabénou pour lui demander de leur trouver une “solution” pour ne pas être “retranchés” des Bené Israël dans cette occasion. Moché Rabénou interrogea alors Hachem, Qui répondit en définissant les conditions d’une “session de rattrapage” particulière pour le Korban Pessa’h, applicable à toutes les époques : un mois après, le quatorze Iyar, ceux qui ont été empêchés d’accomplir cette Mitsva apportent un Korban Pessa’h individuellement.
Comme nous l’avons vu dans les Parachiot précédentes, le Sefer Bamidbar n’est pas un “livre d’histoire”. C’est une partie de notre Torah de vie ! chaque élément dans ce Sefer, comme dans toute la Torah, vient nous apprendre les règles de base de la vie d’un Juif, attaché à Hachem et à Sa Torah.
Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm laTorah, 9,7) souligne le contraste avec le monde d’aujourd’hui !
A notre époque, il est courant que quelqu’un qui se trouve en situation de “dispense” d’une Mitsva qui lui demanderait un effort en soit plutôt satisfait, (comme par exemple de participer à une collecte pour un but de Mitsva).
Rav Sorotskin accentue cette comparaison défavorable en opposant notre époque “civilisée”, qui regarde avec condescendance le passé “obscurantiste” privé de “culture” …
Les hommes dont parle ici la Torah étaient impurs, soit, mais à “Nefech Adam” (une âme humaine), comme le souligne le verset, conscients de la dimension spirituelle de l’Homme. Ces hommes accomplissaient le ‘Hessed (don gratuit) avec les vivants et avec les morts ; mais tout en s’appliquant au ‘Hessed (dont s’enorgueillissent abondamment nos contemporains …), ils n’étaient pas prêts à renoncer à leurs obligations face au Créateur. C’est pour cela qu’ils revendiquèrent : “Pourquoi serions-nous retranchés ?” !
Rav Sorotskin (dans l’époque récente …) dresse un réquisitoire sévère contre la tendance à une évolution vers un “judaïsme édulcoré”, comme il en existe encore de nos jours, et même, chez certains, avec une nuance d’agressivité envers les défenseurs d’un attachement authentique et sans concessions aux valeurs de la Torah.
Rav Moché Feinstein (Darach Moché, p.116) cite Rachi (9,7) qui développe la teneur du dialogue entre ces hommes et Moché Rabénou : Après que Moché Rabénou leur ait répondu qu’ils ne pouvaient pas apporter un Korban du fait de leur impureté, ils suggérèrent que la Avoda (Service) du Korban soit accomplie par des Cohanim Tehorim (purs) pour un groupe dans lequel ils seraient associés à des Juifs Tehorim susceptibles de consommer le Korban.
Rav Feinstein s’étonne de la demande de ces hommes : même si dans ce cas le Korban est cacher, eux n’ont rien gagné à cela dans la mesure où ils n’ont pas accompli ainsi la Mitsva ? Il conclut de là que l’amour de la Mitsva va jusqu’à vouloir s’associer “si peu que ce soit”, même sans s’acquitter d’une obligation, dans la mesure où il est impossible (comme dans leur cas …) d’accomplir réellement la Mitsva, de faire son possible pour rester “relié” à la Mitsva !
Rav Feinstein déduit d’ici que chacun doit s’efforcer de garder le contact avec la Mitsva, même s’il lui est impossible de la réaliser pleinement. Par exemple quelqu’un qui n’a pas le droit (pour raison médicale) de consommer la mesure de Matsa ou de Maror à Pessa’h, d’en prendre ne serait-ce qu’une toute petite quantité. Celui à qui il est interdit de séjourner dans la Souca, de s’efforcer au moins d’en construire une.
Il cite l’exemple d’une Mitsva dont il est facile “d’éviter” l’obligation : les prélèvements de Terouma et Maasser sur les récoltes, qui ne s’appliquent que si on a procédé à leur engrangement de façon normale. Il est aisé de faire autrement, et de se dispenser ainsi de toute obligation.
Hachem a toutefois fait confiance aux Bené Israël pour accomplir avec empressement ces Mitsvot sans chercher “d’échappatoire” …
Et ceci n’est pas l’apanage de personnes d’exception, mais s’applique à chaque Juif réellement, car l’amour des Mitsvot était à ce point fort dans les générations anciennes, que tous s’efforçaient d’être liés de toutes leurs forces et de tous leurs moyens aux Mitsvot !
C’est le sens de la Berakha adressée au nouveau-né lors de la Brit Mila : “Qu’il entre dans Torah et Maassim Tovim (les bonnes actions)”. Sans faire les Mitsvot, la connaissance de la Torah n’a évidemment aucune valeur ; et sans connaissance de la Torah il est impossible de réaliser convenablement les Mitsvot. Mais cette Berakha ajoute les “Maassim Tovim” pour souligner le souhait que ce nouveau Juif accède à l’amour des Mitsvot au point de faire même celles dont il pourrait être dispensé, comme, par exemple, les Tsitsit (franges aux quatre coins des vêtements) qui ne sont obligatoires que si nous portons un vêtement à quatre coins …
Dans le même ordre d’idée, Rav Tsvi Hirsch Ferber (Kerem Hatsvi, p. 59) rapporte un enseignement de Rabbi Mena’hem Mendel de Kotsk : Rachi souligne (9, 1) que ce passage de la Torah relatif au Korban Pessa’h est un “dénigrement” des Bené Israël car c’est le seul Korban Pessa’h qu’ils aient fait pendant les quarante ans dans le désert. Or, la raison pour laquelle ils n’ont pas pu apporter le Korban Pessa’h toutes ces années était parce que les conditions de leur quotidien les empêchaient d’accomplir la Brit Mila, et le défaut de Brit Mila des enfants empêche le père de participer au Korban Pessa’h.
Le Rabbi de Kotsk explique que la critique est liée au fait qu’alors que pour le Korban Pessa’h lui-même nous trouvons une plainte amère : “Pourquoi serions-nous retranchés …”, nous ne trouvons pas qu’ils aient crié leur détresse pareillement pour leur incapacité à faire la Brit Mila !
Concernant la “session de rattrapage” que Hachem a offerte pour le Korban Pessa’h, Rav Chimchon Pinkus (Tiférèt Chimchon, p.72) remarque que généralement le principe de : “Lorsque son moment est passé, son Korban est annulé” s’applique aux Mitsvot ; c’est-à-dire que pour chaque Mitsva qui doit être accomplie à un moment défini, si le moment est passé, même par “force majeure”, il n’y a pas de “rattrapage”, et on a perdu la Mitsva.
Rav Pinkus veut apprendre de Pessa’h Chéni (second Pessa’h « de rattrapage ») que si l’homme ressent intensément : “Pourquoi serai-je retranché ?” en ce qui concerne l’accès à l’étude de la Torah, et veut de toutes ses forces s’appliquer à acquérir la Torah à laquelle il n’a pas eu accès dans sa jeunesse, il peut effectivement grandir considérablement dans la Torah.
L’exemple le plus marquant est notre Maître, Rabbi Akiva, qui était totalement ignorant jusqu’à l’âge de quarante ans et qui accéda à un niveau incomparable.
Rav Pinkus cite à ce sujet les paroles du ‘Hazon Ich que l’obligation d’accéder aux plus hauts niveaux de connaissance de la Torah s’adresse également à ceux qui sont tentés de croire que s’ils n’ont pas eu le mérite d’étudier dans leur jeunesse, alors ils sont limités à une étude restreinte.
Il n’en est rien, et à tout âge chacun a encore la même obligation de se plonger dans l’étude de la Torah de toutes ses forces, dans un cri du fond du cœur : “Pourquoi serai-je retranché ?!”
Suivons l’exemple de nos ancêtres, et demandons de tout notre cœur à Hachem : “Pourquoi serions-nous privés de l’amour de la Torah ?!”
Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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