Parasha – 41 NASSO 5782

La Paracha Nasso prolonge la Paracha Bamidbar qui présentait l’organisation des Bené Israël dans le Midbar (désert).
La semaine dernière, nous avions rapporté le commentaire de Rav Chraga Grossbard (Daat Chraga) qui expliquait que les péripéties des Bené Israël dans le désert ne sont pas de simples évènements historiques, mais le fondement de la vie de notre Peuple au fil des générations jusqu’à la Gueoula complète, bientôt de nos jours. C’est ainsi que le dénombrement des Bené Israël, et l’installation des Degalim (les campements) des Chevatim (les Tribus) autour du Michkan (le Tabernacle), conservent toute leur actualité à toutes les époques, même en Galout (exil). (Voir le Dvar Torah de la Paracha Bamidbar de cette année).
Ces explications nous permettent de comprendre la place à notre époque des Korbanot (les Offrandes), des Nessiim (les Princes des douze Tribus) par lesquels ils ont participé à « l’inauguration » du Michkan.
La traduction du mot ‘Hanouka par : « inauguration » est utilisée ici faute de mieux. La Torah emploie le terme « ‘Hanouka » qui est issu de la même racine que le mot « ‘Hinoukh ». Bien que le mot  » ‘Hinoukh » soit généralement traduit par « éducation », cette traduction n’est pas non plus exacte. Les mots ‘Hanouka et ‘Hinoukh désignent l’entrée d’un homme ou d’un objet (dans le sens large) dans la fonction à laquelle il est destiné comme Rachi l’explique (Beréchit, 14, 17). Il ne s’agit donc pas de « cérémonial », mais d’introduction dans sa fonction fondamentale.
La « ‘Hanoukat HaMichkan » décrite à la fin de la Paracha (Bamidbar 7, 10-88) s’est déroulée pendant douze jours. Chaque jour, le Nassi d’un Chévet apportait ses Korbanot.
Les Commentateurs s’étonnent tous de la répétition intégrale des Korbanot des Nessiim dans la Torah, paragraphe après paragraphe, alors qu’ils étaient totalement identiques, et qu’à part de petites différences de formulation concernant les deux premiers Korbanot, les versets qui les citent sont eux aussi totalement identiques, sachant qu’aucune lettre de la Torah n’est superflue.
Le Midrach (Bamidbar Rabah, 13,14-14,11) explique les « Cavanot » (intentions) respectives des Nessiim dans leurs Korbanot. En effet, alors que la composition des Korbanot de chaque Nassi était strictement identique, les Korbanot différaient complètement dans le sens qu’ils véhiculaient. Le Midrach nous décrit les notions représentées par les Korbanot de chacun d’entre eux.
Nos ‘Hakhamim soulignent (Bamidbar Rabah, 13,14) que les Chevatim étaient dépositaires d’une « tradition » transmise aux ‘Hakhamim de chaque génération depuis Yaacov Avinou définissant tout l’avenir de chaque Chévet. Ainsi les Nessiim, imprégnés de cette inspiration, apportèrent leurs Korbanot au titre du passé et de l’avenir de leur Chévet, depuis Yaacov Avinou, jusqu’au Machia’h.
La ‘Hanoukat HaMichkan revêt donc une importance primordiale pour tous les Juifs jusqu’à la venue du Machia’h. Tout comme nous avons vu la semaine dernière le commentaire que le Chlah HaKadoch citait au nom du Ari Zal que les Degalim se prolongent dans « quatre groupes » dans le Clal Israël, distincts par leurs Minhaguim (coutumes), de même devons-nous comprendre que la ‘Hanouka accomplie par les Nessiim avait comme but de préparer l’avenir de notre Peuple au fil du temps.
La mention de douze Chevatim dans cette Paracha, en rapport avec l’avenir du Peuple Juif au fil des générations soulève la question du sort des dix tribus exilées avant la destruction du Bet Hamikdach, et dont nous avons apparemment totalement perdu la trace. Toutefois, la question si les Chevatim exilés sont ou non appelés à réapparaître lors de la Gueoula, n’est pas essentielle dans ce contexte. Les avis sont partagés parmi nos ‘Hakhamim, que ce soit dans la Guemara ou dans les générations ultérieures. Si on admet les opinions selon lesquelles les exilés du Royaume des Dix Tribus ne seront plus réintégrés, cela ne signifie
nullement que le Clal Israël se réduit désormais aux deux Chevatim Yehouda et Binyamin, associés aux Leviim et Cohanim qui résidaient dans le Royaume de Yehouda !
La Guemara (Meguila 14b) mentionne que Yirmiya alla chercher les Tribus exilées. Ainsi les descendants de certains d’entre eux, au moins se trouvent parmi nous.
La Guemara qui dit que ces exilés ne sont pas destinés à revenir dans le Clal Israël ne concernait peut-être que ceux qui furent exilés, mais pas leurs descendants (Maharal, Netsa’h Israël, 34). Le Maharal poursuit son analyse, en soulignant qu’il est totalement exclu qu’un seul des Chevatim manque au sein du Clal Israël.
Le Maharal définit les Chevatim comme les piliers du Monde. (Beèr Hagolah (6, 8 ; p.248, édition Hartmann).
Ainsi les Korbanot des Nessiim gardent-ils tout leur sens au fil des générations.
Nous découvrons là à nouveau que le Séfer Bamidbar a une portée éternelle, et qu’il ne s’agit pas simplement de la description d’évènements « dépassés » !
Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.38) déduit de ce Midrach que chaque Chévet puise dans la Paracha du Nassi dans la Torah la force et l’influx de Kedoucha (« Sainteté ») et de Tahara (pureté) dans sa Avoda (Service) particulière de Hachem. C’est pourquoi la Torah a dédié un paragraphe distinct au Korban de chaque Chévet.
Rav Bérézovski ajoute que nous pouvons apprendre de là le principe que nos ‘Hakhamim ont enseigné (Guemara Sanhédrin 106b) que Hachem attache une importance primordiale au « coeur » ; c’est-à-dire que dans l’action de la Mitsva, la Cavana (pensée, orientation) prime sur l’action elle-même, donnant une dimension différente à deux actions accomplies avec des Cavanot différentes. (Il va de soi qu’il n’est pas question d’estomper l’action pour la remplacer par la pensée ! ce fut une déviation dramatique que les Grands Maîtres de la ‘Hassidout durent condamner il y a près de deux siècles …).
Rav Chimchon Pinkus (Tiférèt Chimchon, p.57) développe l’importance de la dimension « personnelle » dans la Avoda. D’une part la Torah nous dicte un ensemble de Mitsvot et d’organisation de notre existence dans notre relation à Hachem, et au niveau des actions, il y a peu de « marge » à l’initiative individuelle. Ainsi la Avoda de chacun semble être identique à celle de tout autre. Mais il est évident que Hachem valorise chacun distinctement, de même que dans le dénombrement des Bené Israël dans la Paracha précédente. La « différence » se manifeste essentiellement dans la Cavana, l’orientation de notre coeur dans notre Avoda. Même si nous ne sommes pas conscients de notre appartenance à un Chévet particulier, nos racines définissent notre dimension personnelle, tout comme notre identité profonde de descendants des Avot (Patriarches) définit notre dimension de « Bené Israël ».
Hachem ancre en chacun de nous ce qu’Il lui accorde comme « capital de travail », et comme « objectif ». Sans entrer dans la distinction entre les Chevatim qui nous échappe, nous pouvons toutefois nous attacher à déchiffrer dans nos traits de caractère spécifiques les domaines où Hachem attend de nous un effort particulier, et où nous sommes susceptibles de ce fait d’une « réussite » particulière.
Au-delà des Mitsvot que cette Paracha nous enseigne, et que nous avions abordées dans nos Divré Torah des années précédentes, la Paracha Nasso nous apporte, au seuil de Chavouot, une « touche individuelle » et actuelle dans notre Kabalat (réception) HaTorah que nous vivrons à Chavouot.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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