Parasha – 40 CHAVOUOT 5782

Voici à nouveau Chavouot, qui fête Matane Torah, le jour du Don de la Torah.
Nos Grands Maitres de la Torah ont soulevé la question suivante à maintes reprises :
Les premières Lou’hot (les Tables des dix Commandements) qui correspondaient à La manifestation de Hachem au Har (Mont) Sinaï ne sont pas restées parmi nous. Moché Rabénou les brisa suite à la faute du Eguel (le Veau d’or).
Ensuite, Moché Rabénou intercéda auprès de Hachem afin qu’Il pardonne cette faute aux Bené Israël, et à l’issue de trois périodes de quarante jours, Hachem leur accorda le pardon complet, concrétisé par l’octroi des secondes Lou’hot à la date du 10 Tichri.
Depuis lors, ce jour est resté pour nous le jour de la “deuxième chance”, Yom Kippour, où nous nous présentons devant Hachem pour recevoir de Lui les moyens de réparer dans un nouveau départ ce que nous avons “raté” précédemment.
Il s’avère donc que le véritable jour du “Don de la Torah” est pour nous, après la faute du Eguel, le jour de Yom Kippour.
Aussi, la question se pose : que représente Chavouot pour nous ? Que nous reste-t-il de Matan Torah – ce moment grandiose où Hachem S’est manifesté à nous ?
Rav Matitiahou Salomon (Matenat ‘Haïm, Moadim, p. 285) développe cette question. Il cite Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato (Daat Tevounot, p.170 Ed. R.’H. Friedlander) qui explique que Hachem a accordé deux cadeaux à Israël : l’un est l’aptitude à la Avoda (le Service de Hachem) qui consiste à accomplir toutes Ses Mitsvot ; l’autre cadeau est le fait que leurs actes ont un impact et effectuent des réalisations spirituelles considérables dans l’ensemble de la Création, jusqu’aux plus hauts niveaux, (ce que nous ne percevons pas consciemment…).
Cette seconde notion constitue la différence entre celui qui accomplit une Mitsva du fait qu’il en a l’obligation, et celui qui accomplit la même Mitsva sans en avoir le devoir.
Seul celui qui a reçu le commandement a un tel impact avec ses Mitsvot d’agir sur la Création. Rav Luzzato ajoute que c’est cela que Hachem a fait aux Bené Israël au Har Sinaï, car Il n’a pas donné à ce moment toute la Torah.
Matane Torah était une préparation globale à Toute la Avoda des Mitsvot. Il ajoute que tel est le sens de la phrase dans la Haggadah de Pessa’h : “Il nous a approchés devant le Har Sinaï”. Lors de Matane Torah, Hachem a donné aux Bené Israël l’aptitude à respecter toutes Ses Mitsvot, et également que leurs actes produisent les résultats positifs nécessaires pour la réalisation de la Création.
C’est ce qu’exprime le verset précédant la Révélation au Sinaï (Chemot 19, 6) : “Et vous serez pour Moi une Nation de Cohanim et un Peuple Kadoch”.
A partir de ce moment, les Bené Israël sont restés distincts des peuples et couronnés de la puissance supérieure de garder toutes les Mitsvot et d’amener par elles toute la Création à sa réalisation.
Rav Salomon souligne qu’il ressort des paroles du Daat Tevounot que le jour de Matane Torah (Don de la Torah) nous n’avons pas reçu les Mitsvot, mais nous sommes devenus « ordonnés » des Mitsvot, le jour de la “Bar Mitsva” de tout Israël, où nous sommes sortis de l’état de “non ordonné” à l’état “d’ordonné”. Et même si nous n’avions pas encore reçu les Mitsvot, nous avons reçu tous les “outils” nécessaires à cette Avoda, l’aptitude à accomplir les actions, et la Kedoucha d’influer sur toute la Création par nos actes.
Tel fut le cadeau de Hachem le jour de Matane Torah.
Et ceci nous reste pour les générations depuis que Hachem nous a “approchés devant le Har Sinaï, et nous a “sanctifiés par Ses Mitsvot”. C’est en cela que consiste ce que nous répétons dans la Tefila de Yom Tov “Tu nous as choisis …”. Et c’est principalement le jour de Matane Torah qui représente ce “Choix” que nous a octroyé Hachem, et de Chavouot découlent les autres jours de Yom tov. Or chaque réalisation particulière à un moment donné revient à nouveau au retour de ce moment dans le temps (Rav Luzzato : Derekh Hachem 7,6). Nous devons donc nous préparer en prenant conscience de la dimension de Matane Torah afin de recevoir à nouveau ce bienfait.
Rav Ye’hezkel Sarna développe pareillement (Dalyot Ye’hezkel, III, p.219) que dans les Berakhot que nous prononçons chaque jour avant d’entamer une nouvelle journée d’étude de la Torah, la principale est, comme la Guemara (Berakhot 11b) le dit, la Berakha “acher ba’har banou…” où nous remercions Hachem de nous avoir choisis pour nous donner Sa Torah.
Rav Sarna souligne que la distinction entre le Peuple de Hachem et les nations est particulièrement précieuse à Hachem. Même Yitro, le plus grand dans sa compréhension parmi les nations, au point d’avoir apporté un conseil à Moché Rabénou qui donna lieu à une “Paracha” dans la Torah (Chemot 18,13-27) relativement à l’organisation de la justice, n’eut pas accès à Matane Torah (Midrach Psikta). Rav Sarna conclut donc que “Ata be’hartanou” (Tu nous as choisis de parmi les nations) marque particulièrement le jour de Chavouot !
Rav ‘Haïm Friedlander (Sifté ‘Haïm Moadim III, p.66) explique aussi que l’essentiel des règles de la Torah a été communiqué ultérieurement à Moché Rabénou dans le Michkan (Tabernacle) (comme le Sefer Vayikra qui commence en soulignant que Hachem s’est adressé à Moché depuis le Michkan). Il définit l’acquis de Maamad Har Sinaï (la Révélation au Har Sinaï) par la déclaration des Bené Israël : “Naassé venichma'” (Nous ferons et nous écouterons). Toutefois ceci ne parle que de ceux qui ont “reçu”, c’est-à-dire les Bené Israël.
Mais en quoi consiste l’apport qu’a accordé le “donateur”, Hachem lors de Matane Torah ?! Rav Friedlander revient lui aussi à la phrase de la Haggadah de Pessa’h : “S’Il nous avait approchés devant le Har Sinaï …”.
L’essentiel tient donc dans la proximité que Hachem nous a octroyée à ce moment.
Après avoir cité également les paroles de Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato dans Daat Tevounot, Rav Friedlander remarque encore que le verset (Devarim 27,9) : “ce jour tu es devenu un Peuple (pour Hachem ton Dieu)” qui nous impose de considérer chaque jour comme s’il recevait maintenant la Torah prend ainsi ce même aspect d’accéder au niveau de lien avec la Torah que Hachem nous a accordé à Matane Torah.
Aussi, de même qu’à Pessa’h, chacun a l’obligation de se “considérer comme s’il était personnellement sorti d’Egypte”, nous avons la même Mitsva de ” nous considérer comme recevant la Torah du Har Sinaï”.
Il ne s’agit pas “faire comme si”, mais d’intérioriser et de ressentir réellement le ‘Héssed (Bienfait) de Hachem à notre égard. Pour ce qui est de Chavouot, il s’agit donc du ‘Héssed de nous donner accès à la Torah et à l’accomplissement de ses Mitsvot.
Nous sommes ici dans le “monde” des générations où chaque Juif savait dire “Hachem m’a gratifié d’une Mitsva”, et non comme la formule “moderne” : “j’ai fait une Mitsva” qui semble un peu trop marquer notre “cadeau” à Hachem en ayant accompli Sa Mitsva. Plutôt que de nous tourner vers Hachem dans l’attente de Sa “gratitude” envers nous pour avoir bien voulu “faire Sa Mitsva”, revenons à la réalité de la véritable reconnaissance que nous Lui devons de nous y avoir donné accès.
C’est avec cette prise de conscience que nous pouvons et devons préparer le Jour grandiose de Matane Torah !

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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