Parasha – 37 BEHAR 5782

Cette année, Behar est LA “Paracha de l’année” !
La Paracha Behar commence par les règles de la Chemita (l’année “Chabatique”) que nous vivons cette année (Vayikra 25, 1-7).
Du fait qu’aucun d’entre nous n’est agriculteur en Erets Israël, la Chemita a malheureusement peu de répercussions sur notre quotidien…
Et pour ceux qui n’habitent pas en Erets Israël, cette Mitsva n’est perçue que “pour lorsque le Machia’h viendra” …
Même pour ceux qui habitent en Erets Israël, mais ne sont pas confrontés au travail de la terre, l’essentiel se limite au choix des produits végétaux acquis, et au respect de la Kedoucha (la “sainteté”) des produits issus de la terre d’Erets Israël pendant la période de Chemita.
Considérons la loi centrale de la Chemita, le “Chabat” de la terre, telle qu’elle s’adresse à chaque Juif et s’appliquait à chacun lorsque l’essentiel de l’activité humaine se concentrait sur la production alimentaire.
La Torah interdit de procéder aux travaux des champs, comme le dit le verset : “et la septième année, un Chabat de cessation sera pour la terre, un Chabat pour Hachem ; ton champ tu n’ensemenceras pas, et ta vigne tu ne tailleras pas” (25, 4).
De plus, les produits que la terre donnera pendant la Chemita sans travail préalable de l’homme (en particulier les fruits de l’arbre) seront sujets à des règles d’utilisation précises (25, 5-7) : il est interdit de les récolter selon le procédé habituel, c’est-à-dire que le propriétaire de la terre n’a pas le droit de “s’approprier” les fruits de son terrain ; ils sont à la disposition de chacun. Il est interdit de les utiliser de manière inhabituelle (chaque fruit doit être utilisé selon la manière dont il est consommé généralement, cru ou cuit, entre autres règles …). Il est interdit d’en faire “commerce”, et le produit de la moindre transaction, même permise, reçoit à son tour la Kedoucha de la Chemita, avec toutes ses restrictions.
En résumé, nous pourrions ne voir dans la Chemita qu’une “collection” de contraintes supplémentaires que nous impose la Torah !
Rav Its’hak Ayzik Scherr (Léket Si’hot Moussar, p. 276) nous incite à voir dans ce Chabat d’une année entière un “cadeau” dont la Torah nous gratifie.
De même que le Chabat, chaque Juif abandonne ses préoccupations de la semaine, et savoure le privilège de s’asseoir “à la table de Hachem”, revêtu d’habits de fête (cette différence entre la semaine et le Chabat était beaucoup plus sensible à des époques où la vie était plus difficile que de nos jours, et le travail généralement physique imposait des vêtements bien moins élégants qu’à notre époque. Alors, le colporteur, le cordonnier, ou autres métiers… changeait radicalement d’allure en revenant du bain et en s’habillant “comme un prince” en l’honneur du Chabat …).
Rav Scherr (p. 274) nous invite à percevoir la “Nechama” de la Mitsva, qui persiste même lorsque l’accomplissement concret nous échappe (comme dans le cas de la Chemita pour beaucoup d’entre nous …), et nous devons nous imprégner du message profond de la Torah !
Représentons-nous une année entière où tous les Juifs, sans exception, se retrouvent quotidiennement au Beth HaMidrach (la Maison d’Etude) pour se plonger ensemble dans l’océan de la Torah. Notre époque est malheureusement partagée entre ceux qui ont déjà gouté, à un degré ou un autre, à ce plaisir infini, et ceux qui n’ont pas encore accédé à ce bonheur (et qui seraient peut-être “terrifiés” à l’idée d’une telle année …).
Aujourd’hui, nous avons le mérite d’assister à un regain d’élan de respect de la Chemita, parmi ceux qui sont “en première ligne”, les cultivateurs !
Rav Sim’ha Zissel Broydé (Sam Dérekh, p. 177) souligne que si l’abandon de la Mitsva de Chemita justifie la Galout (l’exil), comme le dit la Torah (Vayikra, 26, 34), pour “rattraper” les Chabatot de la terre dont on l’aura privée, alors, a fortiori, le retour à la Chemita, réelle reconstruction de notre Pays, aura le mérite de nous amener la Gueoula !
Ces agriculteurs courageux sont nos “pionniers” les héros qui nous montrent le chemin du retour à une Emouna authentique !
Nos ‘Hakhamim (Midrach Vayikra Raba, 1,1) appliquent le verset : “Bénissez Hachem, Ses Mal’akhim (Anges), Héros de force, accomplissant Sa parole …” (Tehilim 103) à ceux qui respectent la Chemita.
Le Midrach souligne la différence entre le Chabat hebdomadaire, où l’abandon des activités s’étend sur une durée limitée, et la Chemita, où le cultivateur contemple son exploitation en friche, à l’abandon, pendant une année entière. Il suffit d’avoir un simple petit jardin privatif d’agrément, soigné avec entrain toutes les années, qui perd tout son éclat au profit des mauvaises herbes, pour se représenter en bien plus grand, l’épreuve du cultivateur. Nous pouvons comprendre ainsi la grandeur de la Emouna nécessaire pour accomplir pleinement cette magnifique Mitsva !
Mais ajoutons encore dans leur épreuve la préoccupation de l’avenir. La période actuelle rappelle brutalement à l’humanité qu’elle ne se nourrit pas de “micro-processeurs”, et que le blé d’Ukraine ou de Russie risque de faire défaut et provoquer une pénurie allant jusqu’à déclencher une famine dans certains pays. Ce rappel, qui semble nous concerner de très loin, nous est en réalité destiné principalement, pour nous rappeler que c’est de Hachem que vient notre existence et les moyens de l’entretenir.
A la veille de la Chemita, la même préoccupation sur les moyens de subsistance pouvait se manifester chez tout notre Peuple, s’apprêtant à aborder à chaque Chemita une année entière sans source de subsistance. C’est là que se situe la véritable épreuve de la Emouna.
Comment ceux qui ont peine à vivre sereinement le Chabat hebdomadaire, ou l’heure du Chiour (cours de Torah) quotidien, lorsqu’un rendez-vous important vient “faire concurrence”, pourraient-ils se représenter le “challenge” d’une année de Chemita ?!
Pour percevoir l’impact du respect de la Chemita voici une anecdote riche en enseignements entendue de Rav Its’hak Zilberstein chlita (un des Grands Sages de notre génération, le gendre de Rav Eliachiv zatsal et beau-frère de Rav ‘Haïm Kaniewski zatsal) !
Le matin de la Levaya (l’enterrement) de Rav ‘Haïm Kaniewski zatsal, Rav Zilberstein chlita prit la parole après la Tefila pour évoquer la grandeur de celui qui nous avait quittés.
Il raconta le fait suivant : un homme se présenta chez Rav Zilberstein au seuil de l’année de Chemita, et lui fit part de son intention de respecter la Mitsva de Chemita, l’année d’arrêt de toute activité dans son entreprise agricole. Toutefois, comme tous les cultivateurs, cette démarche représentait une épreuve financière considérable, au-delà de ses moyens. Aussi souhaitait-il pouvoir bénéficier, comme ceux qui se débattent pendant une année entière dans d’énormes difficultés (frais de toutes sortes qui continuent à couvrir, salaires des employés, remboursement des divers crédits, absence de ressources, etc. …) d’un soutien de la caisse d’aide (le Kéren HaCheviit) aux cultivateurs qui d’une certaine manière nous représentent tous dans cette épreuve (ce qui justifie abondamment que nous nous mobilisions pour les soutenir …). Toutefois, cet homme compléta sa demande en avouant qu’il ne respectait pas le Chabat !
En entendant son aveu, Rav Zilberstein ressentit l’envie de manifester vigoureusement sa désapprobation… Cet homme ose bafouer le Chabat qui est la “prunelle de nos yeux”, et il a l’audace de revendiquer un soutien financier ?!
Toutefois Rav Zilberstein décida de ne pas s’en tenir à son sentiment premier, et de consulter son beau-frère Rav ‘Haïm Kaniewski à ce sujet.
A son grand étonnement, celui-ci lui dit d’accorder l’aide financière sollicitée. Lorsque Rav Zilberstein protesta que cet homme proclamait ne pas respecter même le Chabat, Rav ‘Haïm lui répondit : “ça, c’est ce qu’il dit maintenant ! Mais lorsqu’il respectera la Chemita, les choses seront différentes …”.
Pour résumer, le respect d’une Mitsva conduit au respect d’une autre Mitsva, et la situation générale de cet homme évoluera.
Tel était le regard profond d’un Grand Sage de notre Peuple sur les enjeux de notre époque.
Nous devons savoir que chaque Mitsva accomplie avec l’intention d’obéir, ne serait-ce que partiellement pour commencer, à Hachem, génèrera implicitement des changements profonds.
Les photos des Chiourim (les cours) destinés aux cultivateurs qui prennent sur eux de respecter la Chemita sont éloquentes : nous y voyons des auditeurs avec des Kipot “minuscules”, ou même sans Kipa du tout ! Et tous ceux-là sont, même si nous ne le comprenons pas complètement, d’une certaine façon nos éclaireurs sur le chemin du retour à la Emouna.
Que cette année de Chemita, où le Keren HaCheviit a annoncé que plus de la moitié des terres juives en Erets Israël sont au repos du fait que les cultivateurs respectent la Mitsva de Chemita, soit enfin l’année de la Gueoula !
P.S. Ceux qui veulent s’associer par leur aide financière, et soutenir activement les héros de la Chemita peuvent le faire par l’intermédiaire du Kéren HaCheviit : https://keren7.com

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36