Parasha – 36 EMOR 5782

La Paracha Emor commence par les règles concernant les Cohanim (Vayikra 21, 1-22, 16).

La Torah prescrit aux Cohanim des restrictions importantes dans le quotidien : il leur est interdit de se contaminer à la Toum’a (impureté) d’un cadavre, sauf pour leurs proches (père, mère, fils, fille, frère, sœur célibataire, et épouse) (21, 1-4).

Le Cohen Gadol (auquel est réservée la Avoda (le Service) de Yom Kippour dans le Beth HaMikdach (le Temple) n’est pas autorisé à être au contact même de ses proches après leur décès (21, 10-12).

De plus, l’interdiction du contact à la Toum’a s’étend jusqu’aux garçons dès leur naissance (Rachi, 21, 1).

Par ailleurs, les Cohanim ont des interdictions spécifiques concernant le mariage (21, 7), et le Cohen Gadol a encore plus de restrictions (21, 13-14).

Nous considérons généralement les lois de la Torah comme des contraintes « objectives », c’est-à-dire des règles de comportement liées à des « effets » immédiats bénéfiques ou néfastes, au moins au niveau spirituel. Aussi, les lois spécifiques aux Cohanim ont de quoi nous surprendre. Pour nous, soit une action est en elle-même négative, et alors, pourquoi serait-elle permise à certains (en l’occurrence les non-Cohanim) ; soit l’action ne nuira pas à un « simple Juif », et si c’est ainsi, pourquoi est-elle interdite aux Cohanim ?!

La Torah introduit ces règles par le verset : « Dis aux Cohanim fils d’Aharon … ». 

Le Ramban (21, 1) explique que la répétition « Cohanim – fils d’Aharon » vient souligner que la raison de leurs obligations particulières est qu’ils se comportent avec honneur et grandeur, et ne se contaminent pas à la Toum’a, du fait qu’ils sont les Cohanim de Hachem et Ses serviteurs.

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, p. 206) cite les paroles du Ramban et les développe.

Le Ramban suit l’explication du Targoum (traduction/explication de la Torah en Araméen) qui traduit le verset (4) : « un grand dans son peuple ne se rendra pas impur, pour se profaner ».

Par ces mots, la Torah indique que l’interdiction du contact avec un cadavre est liée à la grandeur spirituelle des Cohanim.

Rabbi Yerou’ham étend cette notion, et explique que chacun, porteur d’une élévation particulière doit s’y tenir, et a l’interdiction d’en déchoir. En se rendant impur, le Cohen perd (bien que momentanément …) l’aptitude à consommer des aliments Kedochim (« Saints »), et d’entrer dans le Beth Hamikdach (Temple). C’est comme s’il se retirait temporairement de sa Kehouna (dimension de Cohen).

Rabbi Yerou’ham souligne que, bien que le fait de s’occuper de l’enterrement d’un mort soit une Mitsva, un ‘Héssed (don gratuit) véritable, cette Mitsva ne l’emporte pas sur la préservation de la grandeur du Cohen. Il compare cette règle à celle qui interdit à un homme occupé à étudier la Torah de s’interrompre pour accomplir une Mitsva que quelqu’un d’autre peut accomplir.

L’étude de la Torah équivaut à l’ensemble des Mitsvot. Bien que l’accomplissement des Mitsvot soit l’objectif de la Torah, les Mitsvot doivent lui céder le pas. Là encore se manifeste la priorité de la grandeur sur l’accomplissement simple d’une Mitsva.

L’étude de la Torah élève l’homme à un niveau supérieur, et il ne peut pas s’en détourner, même pour accomplir une Mitsva.

Rabbi Yerou’ham ajoute toutefois qu’il ressort des paroles du Ramban (…qu’ils se comportent avec honneur et grandeur …), que le fait de se rendre impur constitue un abaissement de l’honneur du Cohen

Ces explications sont difficiles à comprendre pour ceux qui ont vécu longuement dans le pays de « l’égalité » érigée en principe fondamental de société (liberté, égalité, fraternité …) !!!

Il est important à ce stade d’examiner attentivement le sens profond de l’égalité prônée par la « République », et le sens réel du Kavod (Honneur) que valorise la Torah.

L’égalitarisme républicain s’inspire du rejet des « ordres » sociaux en vigueur dans « l’ancien régime ». La noblesse d’épée (issue comme nous l’avons souligné ailleurs des bandes armées à l’origine des territoires et nations …) ou « de robe » (la magistrature, érigée en pouvoir héréditaire, avec toutes les possibilités d’arbitraire et d’abus …), ou encore l’église dont nous n’avons pas besoin de souligner les abus, étaient autant de « castes » qui s’arrogeaient tous les droits au détriment de la population. Encore aujourd’hui, où la « République » a produit avec le temps ses propres « valorisations », dans la politique, la science, la littérature, les sports, ou autres « vedettes » adulées par la foule, les personnages « honorables » se caractérisent presque systématiquement par le dérèglement de leur comportement. Comment alors s’étonner que l’égalitarisme mène plutôt à l’avilissement généralisé de la population, jusqu’à prôner l’égalité avec nos « frères » les animaux …

Dans la Torah, le mot Kavod s’apparente à la racine « kavèd » (lourd). De même que le poids d’un objet manifeste l’importance de sa masse, ainsi le Kavod est le révélateur du « poids » spirituel d’une chose (Rav Chimchon Raphaël Hirsch, Chemot, 16, 7). La fonction du Kavod est de souligner et préserver la valeur spirituelle de chaque chose, afin que cette dimension spirituelle ne soit pas profanée, c’est-à-dire reniée et ramenée à un niveau ordinaire.

Rav Its’hak Hutner (Pa’had Its’hak, Pourim, premier texte) oppose la notion de Hilloul (qui commence avec la lettre « Hé ») (louange, valorisation) à la notion de ‘Hilloul (profanation, dévalorisation) (qui commence avec la lettre « Hèt »). Il explique que la valorisation provient de la conscience des valeurs profondes liées à la reconnaissance du Créateur Qui dirige le Monde, tandis que la dérision est issue essentiellement du mouvement d’Amalek (descendant d’Essav) qui s’est attaqué au Peuple de Hachem dès après la Sortie d’Egypte (Chemot 17, 8).

Bien que parfaitement conscient du danger auquel il s’exposait, Amalek s’est attaqué délibérément à Israël pour briser l’impact de l’Intervention Divine de la Sortie d’Egypte (Rachi Devarim, 25, 18). Le combat de la Kedoucha et de la Toum’a se déroule essentiellement dans ce domaine. Le but de la Toum’a, représentée particulièrement par Amalek, atteint son maximum dans l’attitude de dérision face à toute valeur. Rav Hutner explique ainsi que toute la valeur de l’homme se mesure à sa capacité fondamentalement à valoriser, et ensuite au choix des objets de sa valorisation.

Dans ce sens, cette Paracha est le couronnement du Sefer Vayikra qui construit pour nous une échelle de valorisation basée sur la relation avec Hachem.

Rabbi Yerou’ham Levovitz souligne le terme ‘Hilloul appliqué par la Torah à la transgression des interdits du Chabat. Chabat est marqué du sceau de la Kedoucha (lien avec Hachem) (Beréchit 2, 3). Se comporter comme à l’ordinaire le jour du Chabat le « désacralise », le profane.

L’échelle de la Kedoucha se manifeste pour l’ensemble du Peuple Juif dans le verset à la fin de la Paracha précédente, Kedochim (20, 26) : « Vous serez Kedochim, car Je suis Kadoch, Moi Hachem ; et Je vous ai distingués des peuples, pour être à Moi ».

La Kedoucha est le sommet de la conscience du sens de la Création. Celui qui adhère à sa propre valorisation de membre du Peuple de Hachem est à même de tourner le dos à l’attrait de la fausse « égalité » qui n’est que dévalorisation et avilissement de l’Homme.

La Paracha commence par ces mots : « Dis aux Cohanim, fils d’Aharon, et tu leur diras … ». Rachi (basé sur la Guemara Yevamot,114a) justifie la répétition « dis » – « et tu leur diras » comme l’obligation de préserver même les enfants Cohanim de la Toum’a dès leur naissance. La Guemara (Yevamot 114a) souligne une obligation comparable concernant d’autres interdits, et en déduit l’interdiction générale d’amener un « mineur » (avant sa Bar Mitsva) à quelque transgression que ce soit.

Le ‘Hatam Sofer (Torat Moché, p.54) explique que la base de cette « mise en garde » contre la profanation réside dans les paroles du verset « Dis aux Cohanim, fils d’Aharon », qui doit se lire : « Dis aux Cohanim : « Vous êtes les fils d’Aharon ! … ». A ce titre, il vous incombe de respecter les règles de Kedoucha supplémentaires spécifiques aux Cohanim.

Cette explication du ‘Hatam Sofer, qui prolonge l’injonction de la Paracha précédente adressée par Hachem à l’ensemble du Peuple Juif, et étendue aux enfants, comme la Guemara l’a enseigné, constitue le fondement de la chaine des générations d’Israël.

C’est dès la naissance qu’un enfant Juif doit être élevé dans la conscience de sa grandeur. Et c’est dès la naissance que chacun doit être accompagné par les valeurs spécifiques de son entourage, comme le « petit Cohen » doit être imprégné de la valorisation de son origine.

C’est ainsi que le lien collectif du Peuple Juif avec Hachem doit être entretenu au fil des générations.

Avec cette Paracha, nous approchons de la conclusion du Séfer Vayikra, base de l’existence individuelle et collective d’Israël.

Prions Hachem de nous aider à restaurer et entretenir la Kedoucha dans toutes ses concrétisations afin de mériter enfin la Gueoula.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36