Parasha – 35 KEDOCHIM 5782

La Paracha Kedochim a été exceptionnellement enseignée par Moché Rabénou en présence de toute l’assemblée des Bené Israël (Vayikra 19, 2).

Selon Rachi, c’est parce que la majorité des principes fondamentaux de la Torah dépendent de cette Paracha.

La notion majeure qui est mise en avant est la Kedoucha (“Sainteté”).

La traduction donne une piètre idée de cette notion essentielle de la Torah.

Nos Commentateurs (Rachi, Ramban et autres) relient la Kedoucha à la “Prichout” (le retrait), essentiellement en ce qui concerne les relations interdites mentionnées dans la fin de la Paracha précédente, selon Rachi (18, 6-30), qui représentent les mœurs en vigueur dans le reste de l’humanité (ouvertement ou en cachette …), ou plus généralement à toute forme de permissivité, même lorsqu’elle n’engage pas d’interdit catégorique de la Torah (Ramban).

Ces définitions donneraient une vue “étroite” de cette directive, en la limitant à une abstention d’action.

En réalité, il s’agit du principe directeur de la vie juive, comme nous l’avons abordé dans la Paracha précédente, A’haré Mot.

Les règles énoncées dans notre Paracha sont trop nombreuses pour que nous puissions les analyser abondamment dans le cadre du Dvar Torah…

Toutefois, nous devons savoir qu’elles dépassent largement les limites de l’abstinence.

La Kedoucha est le reflet de la Présence de Hachem à travers nos actes, de telle sorte que notre existence entière appelle Sa manifestation dans le fonctionnement du Monde.

Le Malbim explique au début de notre Paracha que Hachem a lié le fonctionnement du Monde aux actions de l’Homme, de telle sorte que si l’homme abandonne son comportement aux élans naturels, le Monde entier est livré aux lois de la nature.

Si, par contre, l’homme applique dans son existence les règles de la Kedoucha, et s’élève au-dessus de la matérialité pour accéder à un comportement de libre-choix spirituel, et que son intelligence gouverne ses actes, alors, même dans le fonctionnement du Monde, Hachem est “sanctifié”, c’est-à-dire que Sa Présence de Créateur est perceptible à travers une direction de “Ness” (miracle) qui supplante   les lois de la nature.

Les Nissim (miracles), ne consistent pas en évènements ponctuels “providentiels” exceptionnels. Il s’agit de tout un fonctionnement “différent” du Monde, où apparaît clairement l’Autorité Divine, généralement voilée par les “lois” de la nature. Tout cela dépend du niveau de “conscience active” d’Israël.

Il ne suffit pas de proclamer une Emouna (foi) théorique ! La Emouna doit s’exprimer par des actes !

En nous “hissant” à une vie en “résonnance” avec Hachem, nous appelons réellement Sa Présence dans le fonctionnement quotidien.

C’est ce que les Bené Israël vécurent pendant les quarante ans dans le désert, guidés par Moché Rabénou. Ils étaient entourés des Anané Kavod (“nuées”) qui les isolaient de toute atteinte extérieure. Ils étaient nourris par la Manne qui “tombait” chaque matin, et leurs besoins en eau étaient assurés par le Beèr (le puits) itinérant qui les accompagnait.

Toutefois l’objectif de la Création ne se limite pas à des périodes d’exception.

La Paracha Kedochim, qui est l’apogée de la construction du Peuple Juif au long des Parachiot de Vayikra, définit les conditions d’une existence exemplaire comparable dans le quotidien “ordinaire” de la vie de notre Peuple, et de chacun de ses membres.

Le second verset qui vient préparer cette approche dit (19, 3) : “Chaque homme, vous “craindrez” sa mère et son père, et vous garderez Mes Chabatot; Je suis Hachem votre Dieu !”.

Ce verset est principalement présent à notre esprit dans le sens que Rachi souligne : “Le verset a rapproché le respect du Chabat de la crainte du père, pour dire que : bien que Je t’ai prescrit la crainte du père, s’il (ton père) te dit : transgresse le Chabat ! ne l’écoute pas – et ainsi en est-il relativement à toutes les autres Mitsvot ; Je suis Hachem votre Dieu : Toi et ton père êtes soumis à Mon respect ; c’est pourquoi tu ne dois pas l’écouter pour annuler Mes Paroles !”.

Combien de jeunes n’ont-ils pas dû opposer ce verset et son explication aux arguments paternels cherchant à “tempérer” leur ardeur dans le retour au respect authentique de la Torah…

Mais nous ne pouvons pas restreindre la portée d’un verset de la Torah aux tristes circonstances de générations marquées par l’oubli tristement répandu de notre identité de Peuple de Hachem.

Nous devons donc, une fois de plus, approfondir le message de la Torah, et ne pas fauter par étroitesse ! Tout comme nous avons vu dans le Dvar Torah de la Paracha précédente, A’haré Mot, que le verset dit : “Et il vivra par elles (les Mitsvot)”, ne se contentait ni de nous promettre le “Olam Haba” (le Monde à venir), ni de nous autoriser à “transgresser”, dans certaines occasions, des Mitsvot de la Torah pour sauvegarder la vie physique, ainsi en est-il de notre verset ! La portée de ce verset, introduction d’une Paracha “majeure” de la Torah, dépasse largement l’application à nos générations troublées.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (19,3) que la “crainte” des parents et la Kedoucha du Chabat forment (donnent un ‘Hinoukh) le Juif à la Kedoucha de la vie du jour de sa naissance jusqu’au jour de sa mort. (‘Hinoukh, signifiant “formation” et non “éducation”, comme nous l’avons expliqué plus d’une fois dans nos Divré Torah : l’éducation consiste à introduire la personne dans un “moule” de “normalisation”, pour la rendre acceptable par la société. Le ‘Hinoukh – formation accompagne le mouvement de l’homme dans son épanouissement dans le lien avec Hachem !).

La crainte des parents n’est pas la crainte des “réactions” des parents, mais une crainte respectueuse dédiée aux parents. Il s’agit de considérer leur “personne” en permanence face à nous et de nous souvenir de leur volonté qui nous accompagne.

Rav Hirsch rappelle son commentaire sur les Asséret HaDibrot (Dix Commandements) (Chemot 20, 12-13) où il explique la place fondamentale de la Mitsva de respect de parents parmi les cinq premiers Commandements.

Notre lien avec Hachem est basé sur le respect du Chabat qui témoigne de la Création, et sur la transmission de la Révélation de génération en génération.

La rupture de la chaîne aboutit automatiquement à l’oubli de l’Histoire. Or, le spectacle des merveilles de la Création n’a jamais suffi à l’humanité pour l’appeler à se soumettre à Hachem. Seuls les évènements historiques de l’histoire du Peuple de Hachem, la Sortie d’Egypte et Matane Torah, ont le pouvoir d’appeler à se tourner vers Hachem.

C’est pourquoi le respect des parents dans la Torah n’a rien en commun avec celui des civilisations. Et de même que le Chabat n’est nullement comparable à un jour de repos réparateur, le respect des parents n’est pas une obligation sociale, ou simplement morale.

Bien sûr, la Torah appuie la conscience des bienfaits Divins sur la conscience de la dette envers les parents. Toutefois cette Mitsva a une portée bien au-delà de cela, elle véhicule le lien avec Hachem.

Rabbi Yerou’ham Leivovitz (Daat Torah, Chemot, p. 221) explique que la Mitsva de respecter les Parents n’est pas due au “fait” que nous venons au monde par l’intermédiaire des parents.

Les Mitsvot ne sont pas liées aux circonstances “occasionnelles” de l’existence !

La Torah préexiste à la Création ; aussi c’est pour préparer la place à cette Mitsva que Hachem a créé le monde avec ce “mécanisme” d’apparition des générations successives issues de parents.

Pareillement, le Malbim explique (Vayikra 19, paragraphe 5) le lien entre le Chabat et la Mitsva d’honorer les parents : pendant les six jours de la Création, Hachem a fait apparaître des créatures nouvelles.

Si Hachem n’avait pas “cessé” le septième jour, créant ainsi le fonctionnement à venir du Monde, Il aurait continué à créer sans interruption de nouveaux êtres, ce qui n’aurait pas “laissé place” à l’existence de “géniteurs”.

Tel est le sens, selon le Malbim, du verset (Beréchit, 2, 3) : “Dieu bénit le septième jour et Il le sanctifia ; car en lui (le septième jour) Il cessa de tout Son ouvrage que Dieu avait créé pour faire”. Le Malbim explique ce terme “pour faire” : pour qu’à partir de maintenant l’ouvrage s’accomplisse par lui-même, donnant ainsi une “association” avec Hachem aux parents. C’est donc tout le sens de l’Histoire de la Création qui est en jeu ici, dans l’association du Chabat et des parents.

Tel est donc le sens réel profond de l’introduction de la Paracha de la Kedoucha par les deux Mitsvot de l’honneur des parents et du Chabat.

Le but du verset n’est pas restrictif, mais, au contraire, constructif.

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beèr Moché, p.308) souligne le lien entre les “trois Kedouchot” : Hachem, Israël, et Chabat.

L’honneur des parents constitue la manifestation de la Kedoucha d’Israël, qui prolonge le projet de la Création à travers l’Histoire (comme nous l’avons vu dans les explications de Rav Hirsch et du Malbim …).

A chacun de conserver, et éventuellement de renouer (si le brin s’est quelque peu “effiloché” dans les générations récentes …) le fil qui nous relie tout au long des siècles à nos Avot (Patriarches) Avraham, Its’hak et Yaacov, et à nos ancêtres qui sont sortis d’Egypte et ont assisté à Matane Torah (où nos Nechamot, nos âmes étaient toutes présentes …), et ont amorcé la chaîne de la Kedoucha du Peuple d’Israël.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36