Parasha – 32 METSORA CHABAT HAGADOL 5782

La Paracha Metsora complète les règles relatives à la « Tsaraat » (les taches qui apparaissent sur la peau de façon totalement miraculeuse, sans la moindre origine pathologique, pour sanctionner diverses fautes, énumérées dans la Guemara Arakhin 16a …) de la Paracha Tazria.

Le début de la Paracha décrit le processus que doit accomplir celui qui est « guéri » de sa Tsaraat, afin de réintégrer la communauté dont il a été éloigné du fait de ses fautes (Vayikra 13, 44-46 ; 14, 1-32).

Les versets suivants sont consacrés à une forme de Tsaraat encore plus manifestement « hors nature » : la Tsaraat des maisons (14, 33-53).

Cette Tsaraat est annoncée par le verset (14, 34) : « …lorsque vous viendrez vers le pays de Canaan que Je vous donne en possession, Je « donnerai » une plaie de Tsaraat dans une maison du pays de votre possession ».

Rachi (se référant au Midrach Vayikra Raba) souligne que les termes : « Je donnerai » indiquent une annonce favorable.

Nos ‘Hakhamim justifient le caractère positif de cette Tsaraat particulière par le fait que les peuples de Canaan avaient enfoui des trésors dans les murs de leurs maisons afin de les soustraire aux yeux des Bené Israël lorsqu’ils arriveraient en Canaan.

L’apparition d’un « Nèga » (la tache de Tsaraat) sur le mur aboutirait à la démolition de la maison qui révélerait alors le trésor caché dans les murs.

Cette explication suscite des questions multiples chez nos Commentateurs :

Rav Aharon Reuter (Chaaré Aharon) cite le Panim Yafot qui remarque quece profit des trésors ne concerne que la génération des Bné Israël qui a pris possession d’Erets Israël.  Rav Reuter ajoute que le profit est limité au cas où le processus de la Tsaraat débouche sur la démolition de la maison.

De plus la Guemara (Arakhin 16a) relie l’apparition de la Tsaraat sur les murs de la maison à la « mesquinerie » du propriétaire qui a refusé de prêter à ses voisins tel ou tel objet en prétextant qu’il ne le possède pas, et qui sera bien embarrassé lorsqu’il devra sortir et donc exposer tout le contenu de sa maison avant l’examen de l’éventuelle Tsaraat (14,36). Cette explication est soutenue par l’analyse dans la Guemara (Youma 11) du verset (14, 35) : « …et viendra celui à qui est la maison… », celui qui se réserve sa maison égoïstement, en refusant de prêter ses ustensiles. De plus, le Zohar HaKadoch (Tazria 50-51) s’interroge sur la raison pour laquelle après la démolition de la maison et l’éventuelle découverte d’un trésor, la Torah ordonne d’évacuer les pierres initiales de la maison ainsi que le mortier, et apporter de nouveaux matériaux de construction.

Si le but était uniquement de trouver les trésors, pourquoi jeter les matériaux après la démolition plutôt que les réutiliser ?!

La réponse est dans l’intention de celui qui a construit de cette maison : de même qu’au moment de construire le Michkan (Tabernacle) on déclarait, avant la confection de chaque élément qu’il serait consacré à la réalisation du Michkan, ce qui conférait ainsi la Kedoucha à chaque élément, de même à l’inverse, les maisons que les bâtisseurs cananéens avaient dédiées à l’idolâtrie étaient empreintes d’une Toum’a (impureté) qui polluait les maisons. L’apparition de la Tsaraat était destinée à amener le propriétaire Juif à reconstruire sa maison sur des bases saines, en la dédiant à la Kedoucha (« Sainteté »).

[Ouvrons ici une parenthèse : on rapporte au nom du Gaon de Vilna que si un Beth Haknésset (litt. : Maison de rassemblement / « synagogue ») était construit avec une intention dédiée intégralement à Hachem, il serait impossible que des pensées étrangères viennent perturber la Tefila.

De même, la Guemara (Baba Metsia 85a) rapporte que Rabbi ‘Hiya semait le lin pour confectionner des filets pour capturer des cerfs dont il utilisait la peau pour écrire des ‘Houmachim (les cinq livres de la Torah) qu’il utiliserait pour enseigner la Torah aux enfants afin de perpétuer la connaissance de la Torah.

Ces efforts pourraient sembler excessifs, et même « contreproductifs », dans la mesure où ils prenaient sur le temps consacré à l’étude elle-même.

Nous voyons ainsi, qu’une action accomplie « LeChem Chamaïm » (pour Hachem) depuis le début revêt une dimension totalement différente. (Voir le commentaire du Maharcha sur cette Guemara)]

Quant aux taches sur les murs de la maison, Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm laTorah, 14,34) s’interroge sur l’explication rapportée par Rachi, que la Tsaraat vient sur les murs de la maison pour faire découvrir les trésors que les Cananéens y auraient cachés. Rav Sorotskin souligne que cela ne concernait que la génération qui est entrée en Erets Israël ! Et qu’en serait-il des générations ultérieures ?

Il conclut que la prise de conscience de la faute est, en elle-même, le plus grand trésor auquel l’homme puisse accéder !

Le cadeau ne se limite donc pas à une seule génération.

La Torah ne se limite pas à un moment restreint de l’Histoire. L’exemple du « trésor caché » n’est qu’une illustration imagée du profit qu’apporte la « punition » qu’est la Tsaraat. Le but est de nous montrer à travers cet exemple comment un mal peut se transformer en bien.

Rav Mordekhaï Miller (Chiour Leyom HaChabat) développe la notion des Negaïm (taches). Il cite que le mot « Nèga » (plaie) et le mot « Onèg » (plaisir) sont constitués des trois mêmes lettres : « Noun », « Guimel » et « Ayin ». Concernant les taches sur les vêtements, le verset dit (13, 55) : « et voici, la plaie n’a pas changé son « Ayin » veut dire dans son sens simple que l’aspect de la tâche n’a pas changé.

Toutefois, on peut aussi comprendre que le « Ayin » du mot « Nèga » n’a pas changé de place dans le mot, pour transformer « Nèga » (plaie) (Noun, Guimel, Ayin) en « Onèg » (satisfaction) (Ayin, Noun et Guimel).  La difficulté affrontée par celui qui a été affecté d’une Tsaraat n’est pas passée pour lui de l’état de plaie, en « Onèg », satisfaction profonde issue de la victoire sur l’épreuve.

A chaque instant, l’homme est confronté à des épreuves plus ou moins difficiles à surmonter :

-Avraham : lorsque Nimrod le somma de choisir entre l’alternative de se soumettre au culte officiel de l’idolâtrie, ou d’être précipité dans une fournaise ardente pour ses convictions, donna totalement sa personne, et sortit grandi de cette épreuve. Son frère Haran, qui avait attendu de voir quel serait le sort d’Avraham avant de confirmer son adhésion aux mêmes valeurs, fut quant à lui, brûlé par la fournaise.

– Yitro : Il sacrifia sans aucune hésitation sa haute situation sociale dans son pays pour rejoindre les Bené Israël dans le désert. Hachem le récompensa en lui octroyant les plus grands honneurs. (Chemot, voir le début de la Paracha Yitro).

De même, celui qui se trouve confronté à l’épreuve de « sacrifier » sa maison au respect des règles de la Tsaraat jusqu’à tout perdre en cas de démolition de sa maison, accède, comme l’expliquent nos ‘Hakhamim (Zohar HaKadoch Vayikra, 50,2), au trésor nécessaire pour la reconstruire. Il gagne ainsi l’élévation que lui apporte la victoire sur l’épreuve, plus la manifestation de la proximité de Hachem suite à l’issue favorable de l’évènement.

Telles sont toutes les péripéties de la vie, et l’exemple des trésors des Cananéens n’est que la « vitrine » de ce que Hachem promet à celui qui surmonte l’épreuve.

En ce qui concerne le cas mentionné dans cette Paracha, la Tsaraat de la maison, qui est, comme l’expliquent les ‘Hakhamim, le premier pas des Negaïm, avant de toucher les vêtements, puis le corps de la personne, il est important de rappeler qu’il ne s’agit pas de quelqu’un qui est enraciné dans les fautes, mais, au contraire, d’un personnage de haut niveau spirituel, comme nous l’avons développé dans d’autres Divré Torah.

La « punition » n’est donc pas une punition vindicative de la part de Hachem, mais l’équivalent de l’éruption de boutons qui manifeste la présence d’un problème de santé plus profond. Aussi, l’étape du Nèga doit être considérée par l’homme comme un rappel à l’ordre qu’il doit vivre comme un cadeau Divin. S’il réussit à percevoir pleinement ce fait, l’éveil à un nouveau contact avec Hachem est la récompense de son effort.

Ce Chabat qui précède Pessa’h est appelé « Chabat Hagadol » (le « Grand Chabat »), non pas en raison de sa durée, qui est la même que chaque Chabat ! mais du fait de la grandeur acquise par les Bené Israël lors du Chabat précédent la Sortie d’Egypte.

Ce Chabat était le 10 Nissan, jour où les Bené Israël durent prendre un agneau et l’attacher au pied de leur lit, et répondre à l’étonnement des égyptiens en annonçant qu’ils allaient l’égorger le 14 Nissan comme offrande à Hachem.

Bien que les Bené Israël avaient vécu jusque-là les 9 Makot (plaies) qui avaient frappé l’Egypte, ils n’étaient toujours pas libres, et ils vivaient encore parmi les égyptiens qui les avaient asservis pendant des générations La véritable épreuve ne consistait pas simplement à braver les égyptiens en sacrifiant l’agneau, leur divinité, mais d’agir en toute sérénité, confiants dans la Présence de Hachem à leurs côtés.

C’est grâce à cette confiance totale qu’ils méritèrent l’accomplissement final de la Gueoula (Délivrance).

C’est un sentiment comparable qui doit accompagner chaque Juifdans chaque épreuve de la vie, jusqu’à celle des Negaïm.

C’est dans les enseignements de notre Paracha, ainsi que des épreuves que nos ancêtres ont affrontées de tous temps avec confiance totale en Hachem, que nous devons puiser l’inspiration pour traverser les troubles de notre époque. Que Hachem nous aide à atteindre ce niveau, et à mériter ainsi la Gueoula complète.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36