La Paracha Tazria s’ouvre sur les Halakhot (règles) relatives à la naissance d’un enfant. Chaque naissance est suivie d’une période d’impureté pour la maman, et d’obligations diverses d’apport d’offrandes au Beth HaMikdach (Vayikra 12, 1-8).
Au milieu de ces règles figure, de manière surprenante, la Mitsva de la Brit Mila (Circoncision) du nouveau-né au huitième jour de sa naissance.
Rachi (12,1) cite l’introduction de la Paracha de nos ‘Hakhamim dans le Midrach : “De même que la création de l’Homme a suivi celle de tous les animaux domestiques, sauvages et volatiles dans la Création initiale, ainsi sa “Torah” a été développée après la “Torah” des animaux domestiques, sauvages et volatiles”.
Cette explication souligne le fait que les règles concernant les animaux purs (consommables) ou impurs (interdits à la consommation), ainsi que les règles de l’impureté contractée au contact des cadavres animaux ont été enseignées dans la Paracha précédente, Chemini.
Toutefois les ‘Hakhamim ne se livrent certainement pas à une “étude littéraire” du Texte de la Torah. Ce Midrach a donc évidemment un but d’enseignement profond.
Pour aborder l’étude de ce passage de la Torah, nous devons prendre conscience du contexte dans toute sa dimension réelle. Il ne suffit bien sûr pas de nous pencher sur les règles en question avec un regard simplement “technique”, en “décortiquant” les détails d’application et les cas “limites” dans la Guemara et le Choul’han Aroukh. Il n’est évidemment pas question de nous associer au “juifs progressistes” qui s’insurgent contre ces règles “discriminatoires” à l’encontre des femmes. Tous connaissent le lien entre les difficultés de l’accouchement et la “Kelala” (“malédiction”) que Hachem adressa à ‘Hava après la faute d’Adam Harichon (Beréchit 3, 16) : “A la femme Il (Hachem) dit : …augmenter, J’augmenterai ta douleur et ta grossesse ; dans la douleur (autre traduction : préoccupation) tu enfanteras des fils …”.
La relation entre la “lointaine” faute de ‘Hava et les difficultés “naturelles” de l’accouchement (que nous avons du mal à relier à une “pénalité” quelconque, tant elles semblent faire partie des lois immuables de la “nature” …) nous semble “exagérée” : chaque femme qui les subit semble trop éloignée de ‘Hava pour devoir “porter” sa faute.
De plus, la Torah enseigne (Devarim 24, 16) : “Les pères ne seront pas mis à mort pour les fils, et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères ; chaque homme pour sa faute, ils seront mis à mort !”. Comment comprendre, alors que chaque femme “paie” pour la faute de notre ancêtre ?!
Ajoutons que nous sommes constamment centrés sur notre “confort”, et avons beaucoup de difficulté à aborder tout ce qui semble “pénible” à quelque degré que ce soit.
Tous ces éléments rendent l’approche de cette Paracha ardue et, il faut le reconnaître, un rien “inaccessible” !
Rav Yossef Tsvi Salant (Beèr Yossef, p. 22) analyse le Midrach qui introduit la Paracha. Il s’étonne de la raison pour laquelle l’Homme est affligé de plus de Toum’a (impureté) que tous les êtres vivants ! A chacun d’entre eux la Torah a attribué une dimension spécifique invariable. Ces règles sont énoncées dans la dernière partie de la Paracha précédente, Chemini (11, 1-47).
Deux sortes de “Toum’a sont définies là-bas : l’une s’exprimant par une interdiction de les consommer, l’autre par une Toum’a que leur dépouille communique à celui qui la touche. Toutefois, aucune espèce animale ne partage la particularité de l’Homme d’alterner les états de Toum’a (impureté) et de Tahara (pureté). Lorsqu’ils sont impurs, ils le restent définitivement.
Les Parachiot Tazria et Metsora développent abondamment les notions d’impureté de l’Homme.
Et le début de la Paracha ‘Houkat définit les règles de la Toum’a contractée au contact d’un cadavre humain, et comment s’en purifier.
Rav Salant explique pourquoi l’Homme fut le dernier à apparaître dans le processus de la Création du Monde.
Il rapporte les explications du Zohar HaKadoch, développées par Rav ‘Haïm MiVolozin dans Néfech Ha’Haïm que Hachem a “fait participer” l’ensemble des créatures, tant matérielles que spirituelles, à la création de l’Homme, en le dotant des caractéristiques essentielles de chacune.
Rav Salant justifie par cela l’aptitude particulière à l’Homme à “basculer” de la Tahara, partagée avec certaines créatures, à la Toum’a caractérisant d’autres.
La puissance investie par Hachem dans l’Homme explique ainsi la gravité de la Toum’a à laquelle il peut arriver.
La faute d’Adam Harichon a causé le mélange de la Toum’a à la Tahara dans l’Homme, et de son fait dans toute la Création. Il peut soit plonger dans l’abîme de la Toum’a, et y entraîner la totalité du Monde, soit s’élever aux sommets de la Tahara, et restaurer ainsi l’état initial de la Création.
C’est ce qu’exprime le Midrach qui souligne la création, et le “fonctionnement”, l’Homme comme postérieur aux êtres vivants.
Ces notions s’appliquent à l’ensemble des causes de Toum’a qui concernent l’Homme.
Il nous reste à analyser le cas de la Toum’a liée à la naissance d’un enfant.
De plus, cet évènement est accompagné de douleurs particulières qu’il nous faut comprendre. Hachem a créé le Monde pour l’Homme, comme nous l’avons vu plus haut. Il est surprenant que la vie de la créature la plus importante soit accompagnée de difficultés aussi envahissantes.
Revenons au verset (Beréchit 3, 16) qui annonce les conséquences de la faute de ‘Hava. Le terme “conséquences” est approprié, plutôt que “punition”, car Hachem ne “punit” pas dans le sens de ce mot dans le vocabulaire humain. La notion de punition exprime un sentiment vindicatif. L’homme, ou la société, veulent “faire payer” celui qui les a heurtés. Hachem ne prodigue que des bienfaits. Et même les conséquences des fautes ont un but “curatif”. La “punition” doit servir à guérir l’homme du défaut résultant de la faute, et à le ramener au niveau d’avant son erreur. Dans le cas de la faute d’Adam et ‘Hava, le résultat s’étend sur toutes les générations jusqu’à la Gueoula (Délivrance) Ultime, où la Création entière reviendra à son état initial.
La naissance d’un petit homme est un évènement d’une grandeur exceptionnelle, dont nous perdons la perception du fait de la banalisation.
Comment comprendre la capacité d’un être, lui-même créé, d’amener à l’existence un nouvel être, qui sera doué lui aussi de toute la grandeur de celui que Hachem a fait l’apogée de la Création. Si nous n’étions pas “blasés”, nous devrions être saisis d’une émotion dépassant largement la joie simple du cadeau reçu de Hachem. Toutefois, plongés comme nous le sommes dans un monde “matérialiste”, la satisfaction “égoïste” couvre, à nos yeux l’immensité de l’évènement. C’est le résultat de la faute de ‘Hava qui s’est laissée séduire par les attraits du “fruit” de “l’arbre” de la connaissance. Même s’il est évident que nous n’avons aucune compréhension relative à la nature de cet “arbre”, et à la tentation qu’il représentait, il reste que ce mouvement amorça la chute de l’Homme, d’un niveau de compréhension réelle de la Création à une perception altérée par les sens physiques.
C’est là le caractère de la sanction que Hachem exprima à ‘Hava. Ce n’est pas en vain que la conséquence de sa faute toucha le sommet de sa grandeur, son “association” avec Hachem dans la venue au monde d’un nouvel être. Aussi, à chaque fois que cette grandeur se manifeste, l’épreuve de valoriser comme il se doit cet évènement grandiose se présente à nouveau !
L’alternative entre un regard essentiellement physique sur le Ness (Miracle) de la naissance d’un être humain, ou, au contraire, une prise de conscience aigüe de ce moment de lien avec Hachem, trouve son expression dans les douleurs de l’accouchement et la Toum’a qui l’accompagne, face à la grandeur spirituelle de l’enfant qui entrera dans l’alliance avec Hachem le huitième jour (après avoir “rencontré” le Chabat, témoignage de la Création …).
Les sportifs, ou autres candidats à des prouesses humaines, s’exercent inlassablement pour se préparer au moment de la “compétition”. Toutefois, leur but final se limitant aux honneurs de l’évènement, peu leur importe la durabilité de leur exploit : nul besoin pour eux de le reproduire ensuite dans l’intimité de leur quotidien.
Par contre, l’épreuve de la Mitsva n’est pas ponctuelle. Elle vise à atteindre définitivement un niveau de conscience de notre lien avec Hachem. Le verset de Tehilim (24, 3) nous enseigne : “Qui s’élèvera dans la “montagne” de Hachem ?! et qui se maintiendra dans l’endroit de Sa Kedoucha ?!”. C’est pourquoi dans l’épreuve la plus élevée qui soit, l’association avec Hachem dans la venue au monde d’un nouvel homme, la Toum’a vient nous rappeler que nous n’avons pas encore retrouvé l’existence “simple” et sereine du premier couple créé par Hachem, Adam et ‘Hava, dont la “procréation” de leurs premiers enfants n’était pas accompagnée de difficultés matérielles, étant totalement “en phase” avec Hachem.
Cette Paracha vient donc nous inviter à “réviser” notre vision du monde, et à aspirer à l’accomplissement auquel Hachem nous a destinés.
La lecture particulière de la Paracha Ha’Hodèch ce Chabat, début du mois de Nissan, préparant Pessa’h, est le passage dédié à la première Mitsva transmise par Moché Rabénou en Egypte, au seuil de la Sortie. Il s’agit de la construction de notre calendrier, centré chaque mois sur le renouveau de la lune, et chaque année sur le mois de la Gueoula (Délivrance) initiale d’Egypte. Le mot qui désigne le mois en Lachone HaKodèch (Hébreu authentique), “‘Hodèch”, exprime le renouveau. Notre existence doit être marquée par un renouveau permanent, témoignant de nos efforts répétés pour nous “hisser” à “la montagne” de Hachem, et pour nous y maintenir.
Prions Hachem de nous aider à atteindre enfin ce but et à accéder à la Gueoula complète, ce Pessa’h.
Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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