Parasha – 30 CHEMINI PARA 5782

La Paracha commence avec le récit de l’entrée en “fonction” effective du Michkan (le Tabernacle), le huitième jour de son inauguration.

Les sept premiers jours, seul Moché Rabénou accomplissait la Avoda (Service) dans le Michkan pour introduire Aharon et ses fils dans leur fonction.

Le huitième jour, Aharon est appelé à accomplir la Avoda pour la première fois, en apportant les Korbanot (Offrandes) spécifiques au Service inaugural.

Rachi rapporte l’enseignement de nos ‘Hakhamim que ce jour a reçu dix “Couronnes” (Midrach Torat Cohanim, Guemara Chabat 87b) :

– 1er jour de la Création du Monde (premier jour de la semaine, depuis la Création)

– 1er jour des offrandes des Nessiim (les Princes des Tribus)

– 1er jour d’entrée en fonction des Cohanim

– 1er jour de la Avoda dans le Michkan

– 1er jour où le feu Divin est “descendu” sur le Mizbéa’h (l’Autel) pour consumer les Korbanot (offrandes), en signe d’agrément.

– 1er jour de la consommation des offrandes dans l’enceinte du Michkan (puis plus tard du Bet HaMikdach).  

– 1er jour de l’interdiction des Bamot (autels privés), (et d’unité de la Avoda)

– 1er des Roch ‘Hodèch (la “tête” du mois) (c’était le 1er Nissan, défini lors de la Sortie d’Egypte comme étant la “tête” de notre calendrier)

– 1er jour de la Chekhina (Présence Divine) au sein d’Israël,

– 1er jour de Birkat (la Berakha des) Cohanim !

Ce jour est défini ainsi par nos ‘Hakhamim comme le jour le plus heureux depuis la Création !

La plupart des valorisations citées par le Midrach nous échappent, du fait de la perte de notre lien particulier avec Hachem qui s’exprimait par le Michkan puis par le Beth Hamikdach (Temple).

Notre perception du lien avec Hachem s’est malheureusement estompée du fait de la Galout (l’exil) et de l’immersion au sein des cultures étrangères. Combien navrante est la définition courante de la Torah comme étant notre “religion” ! Toute notre déchéance dans la Galout tient dans ce mot et dans l’approche faussée de l’existence qu’il exprime !

Notre conception de l’existence et de l’accomplissement des Mitsvot a tristement pris l’empreinte de l’idolâtrie généralisée dans l’humanité. Nous croyons à tort que l’idolâtrie consiste en des pratiques “primitives” répertoriées par les ethnologues spécialistes de l’étude des peuplades dites “primitives”. Rappelons ce que nous avons déjà cité au nom de Rav Avigdor Miller qu’il n’y a pas de peuplades “primitives”, puisque tous sont issus de Adam Harichone, Créature de Hachem, être d’une dimension “intellectuelle” et spirituelle bien au-delà de notre compréhension. Tout ce que nous voyons comme “primitif” doit être redéfini comme “déviant” !

L’humanité a perdu le contact avec son Créateur, et se cherche des appuis de “remplacement” pour se sécuriser.

Certains sont perçus comme des cultes, tandis que d’autres sont considérés, à tort, comme des progrès dans l’évolution supposée de l’humanité vers un perfectionnement. (L’actualité mondiale vient “à point” en cette période troublée pour nous rappeler combien les “progrès” techniques n’ont apporté aucune amélioration au monde, au contraire !

Le but de la Création, l’accomplissement de l’Homme par son lien sans réserve avec Hachem, avait été compromis par la faute d’Adam Harichone qui avait pris une “initiative personnelle” dans sa Avoda (le Service de Hachem) : accéder à un niveau supérieur de mérite dans sa soumission totale à Hachem par le contact avec le “Ets haDaat tov vara” (“l’arbre” dont le fruit l’amènerait à une épreuve plus grande) (Voir Mikhtav MeEliahou de Rav Dessler, Vol.II, p. 137 et suivantes). Cette démarche catastrophique conduisit le Monde au stade qui est le nôtre, où le “Bien” et le “Mal” sont perçus comme des réalités l’un comme l’autre, au lieu de “Emet” (Vérité) et “Chéker” (Mensonge) comme ils sont réellement.

Toute l’Histoire du Monde tend vers la réparation de ce malheur.

Après l’échec des générations depuis Adam jusqu’au Maboul (Déluge), puis de la génération de la Tour de Bavel, guidée par Nimrod, rebelle conscient et délibéré à la soumission à Hachem, Avraham Avinou qui était un contemporain de la Tour de Bavel a amorcé le mouvement de reconstruction de l’Humanité.

La progression de ce mouvement par nos Avot (Patriarches), Avraham, Its’hak et Yaacov, suivis des Chevatim (les fils de Yaacov, ancêtres des Tribus), aboutit, après la Galout (exil) en Egypte, et l’évènement grandiose de la Sortie d’Egypte, à l’aptitude des Bené Israël à recevoir la Torah, et à accéder ainsi à un renouveau de “l’état” d’Adam Harichon avant la faute.

Toutefois, la faute du Eguel (le Veau d’or) a, hélas ! renouvelé l’erreur d’Adam Harichone qui consistait à prendre l’initiative” et fit à nouveau rechuter le Projet Divin.

La faute consistait, comme nous l’avons expliqué (Voir le premier Dvar Torah de notre distribution, sur la Paracha Ki Tissa, dans le recueil Repères), à “prendre l’initiative” de renouer le contact avec Hachem, suite à l’absence prolongée de Moché Rabénou, intermédiaire entre Hachem et les Bené Israël, que les Bené Israël crurent disparu définitivement.  

La réparation de cette faute, et donc le retour du contact privilégié avec Hachem se réalisa par la confection du Michkan, dont chaque élément était ponctué de “comme Hachem a ordonné à Moché”, soulignant la soumission totale à la Volonté Divine.

Le moment où le but de la Création pouvait enfin se réaliser pleinement avec la Présence manifeste de Hachem dans le Michkan était enfin arrivé…

C’est alors que se produisit un malheur terrible : les deux premiers fils d’Aharon, Nadav et Avihou, emportés par l’élan de désir de se rapprocher de Hachem prirent l’initiative d’apporter une offrande d’encens (Vayikra, 10, 1-6). La conséquence ne se fit pas attendre, et un “feu” (issu du plus profond duMichkan) sortit de “devant” Hachem et les consuma.

Le même jour fut ainsi le témoin de la grandeur et du bonheur des Bené Israël, et d’un évènement traumatisant incomparable.

Il ne s’agit pas ici d’une péripétie secondaire !

Moché Rabénou explique le fait à son frère Aharon en qualifiant ses fils de “proches de Hachem” (10, 3).

Il ne s’agit pas d’une flatterie, qui n’aurait pas sa place dans la Torah (ni d’ailleurs dans la bouche de Moché Rabénou …) !

Rachi rapporte que Hachem avait annoncé à Moché que l’inauguration du Michkan serait accompagnée d’une manifestation de la Kedoucha (inaccessibilité) de Hachem.

La Torah définit la faute comme étant (10, 1) : “il approchèrent un feu “étranger” que Hachem ne leur avait pas ordonné”.

Nos ‘Hakhamim énumèrent divers manquements pour analyser le “défaut” profond de ces deux Grands Hommes de notre Peuple. Leur dimension réelle nous échappe totalement, au point que Moché Rabénou les a définis comme “plus grands que lui-même et Aharon” (Rachi, 10, 3).

Moché ajoute (10, 6) qu’alors qu’il est interdit à Aharon et ses fils restants (Elazar et Itamar) de quitter le Michkan pour assumer leur deuil, “toute la maison d’Israël (pour toutes les générations …) pleurera (cette perte irréparable)”.

Nous tous, tout le Clal Israël, venons aussi d’éprouver une perte inconsolable, celle de la disparition d’un joyau de notre génération, Rav ‘Haïm Kaniewski, Zatsal, celui qui était défini par les plus grands de notre Peuple, parmi  lesquels son beau-père Rav Eliachiv, zatsal, comme un exemple de plénitude de la Torah, comparable aux générations des Richonim, (comme les Tossefot, les générations qui ont suivi Rachi), auquel rien dans la Torah n’était étranger,  celui dont tous venaient solliciter Berakhot et conseils personnels “inspirés”, un “Géant” parmi les Grands de notre Peuple.

Et pourtant cette grandeur qui nous échappe est hors de comparaison avec celle des fils d’Aharon !

Comment appréhender la perte que leur disparition représente pour nous tous ?!

Comment comprendre cet “échec” du Clal Israël, juste au seuil de l’accomplissement ultime du “Projet Divin” avec l’inauguration du Michkan ?!

Nous sommes bien sûr totalement incapables de percevoir et leur grandeur et leur “manque” relatif ! Toutefois la Torah nous enseigne chaque chose afin que nous en tirions leçon à notre niveau.

Reprenons l’exemple de notre perte actuelle, la disparition de celui que tous admiraient sans réserve. Chacun lui dédiait une considération différente, en fonction des “points de vue” :

-pour certains, il était la source de la connaissance la plus pure de la Torah, une référence pour chaque décision. 

-pour d’autres, il était le “Admour”, “Baba” (chaque communauté selon ses “appellations” …), chez qui on va chercher réponse “surnaturelle” aux problèmes personnels, et uneBerakha “magique” …

Dans une certaine mesure, ce regard qui nous habite reflète notre aspiration personnelle à la valorisation individuelle, qui est la caractéristique de l’épreuve de ce monde. Hachem nous fait tous différents, et donc destinés à une Avoda (Service de Hachem) individualisée. Mais le danger consiste à glisser de l’individualité à “l’individualisme”, le culte de cette individualité. Le culte des “héros” en tous genres, que ce soit dans le domaine matériel, ou même dans le domaine spirituel, est la projection de notre propre manque de “construction”. La vraie grandeur de nos ‘Hakhamim et Tsadikim réside précisément dans leur absence personnelle d’intérêt pour leur particularité, comme en ont témoigné sur lui les proches de Rav ‘Haïm, Zatsal.

Pour illustrer cette notion chez nos Grands, rapportons ici une anecdote significative.

Le fils du ‘Hafèts ‘Haïm voyageait une fois avec un groupe de ‘Hassidim. Ceux-ci convinrent entre eux d’amener le fils du ‘Hafèts ‘Haïm à leur raconter au moins un “prodige” accompli par son père, dans le sens de : “Tsadik Gozèr veHakadoch Baroukh Hou mekayèm” (Le Tsadik décrète, et Hachem accomplit).

Pour arriver à leur but, ils commencèrent par rapporter chacun un prodige de leur Admour respectif.

Lorsqu’arriva le moment de demander au fils du ‘Hafets ‘Haïm d’en faire de même, il répondit : “Je n’ai pas d’exemple d’une telle chose dans la Avoda du ‘Hafets ‘Haïm ! Mais je peux témoigner d’une autre sorte de prodige : Hachem décrète, et il (le ‘Hafèts ‘Haïm) accomplit !”

Cet exemple est éloquent, et met en évidence le but à atteindre.

La vraie grandeur que nous devons chercher est d’être totalement “en phase” avec la Volonté de Hachem, sans la moindre trace de besoin de se singulariser.

Le même enseignement est véhiculé par la Mitsva de la Para Adouma (la Vache rousse) dont les cendres servent à purifier de la Toum’a due au contact d’un mort.

Alors qu’elle purifie de cette Toum’a, elle rend impurs (à un degré moindre) ceux qui participent à sa préparation.

La Para Adouma montre ainsi les limites de la compréhension de l’Homme, qui doit ainsi apprendre à se soumettre totalement à Hachem.

C’est la réparation de la faute “d’initiative” que constituait le Eguel (Veau d’or).

Tel est l’enseignement du début de notre Paracha :

Au moment de la plus impressionnante réalisation humaine, la construction du Michkan destiné à manifester la Présence Divine dans ce monde, seuls les plus Grands de notre Peuple, Nadav et Avihou, pouvaient, à travers un manque infinitésimal de soumission à Hachem, nous enseigner la véritable approche qu’Il attend de nous, une approche totalement livrée à l’initiative de Hachem.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36