Parasha – 28 POURIM 5782

Pourim revient, avec ses réjouissances !!

Certes Pourim est la fête de la Sim’ha (Joie) de Pourim, mais cherchons ce que Pourim doit nous apporter dans notre existence entière.

La Sim’ha ne s’apparente nullement à une forme de “carnaval”, et ne consiste pas en un moment où on “lâche” la bride à nos appétits “d’oubli”…

Tout comme chacune de nos “fêtes” (ou plutôt “Moèd”- “rendez-vous” annuel), Pourim est également destiné à nous rapprocher de Hachem. (Voir nos Divré Torah des années précédentes…).

(Nous ne sommes plus autant que l’an passé sous le poids du “vilain virus” qui nous a fait rejeter le plaisir des masques. Toutefois notre joie est altérée par la situation actuelle, que ce soit par la préoccupation pour nos frères menacés par la guerre, ou que ce soit par la crainte du lendemain, tant en matière de sécurité qu’économiquement.)

Considérons donc la Meguila (Livre d’Esther) qui est le centre de la fête de Pourim.

La Meguila, qui fut inspirée par le “Roua’h HaKodèch” (l’Inspiration Divine) contient l’essentiel des enseignements que cet épisode doit nous apporter.

Une lecture superficielle de la Meguilat Esther pourrait nous amener à considérer que les efforts conjugués de Mordekhaï et Esther furent à l’origine du sauvetage.

Toutefois, les quelques versets consacrés aux interventions de Mordekhaï, prouvent clairement qu’il n’a pas contribué directement à l’issue heureuse de cet épisode.

Le verset qui souligne le “triomphe” de Mordekhaï (Esther 8, 15) : “…et Mordekhaï sortit de devant le Roi avec un vêtement royal …” constitue en lui-même une énigme !

En quoi le fait que Mordekhaï ait revêtu un habit royal a-t-il eu un impact quelconque dans le sauvetage des Bené Israël ?!

Tout d’abord, cet épisode a eu lieu après l’annulation du décret de Haman. Et de plus, il ne participe pas réellement à la sécurité des Bené Israël.

Alors que la Meguila narre avec force détails l’agitation fébrile de Haman, et ce depuis le début, avant même son entreprise contre les Bené Israël, Mordekhaï, quant à lui n’est pratiquement pas “actif” tout au long de l’histoire.

Au début de la Meguila, Haman apparait pour conseiller au Roi de condamner la Reine Vachti à mort pour avoir refusé de se montrer au festin sur la convocation du Roi A’hachvéroch (Esther 1, 16-20).

Suite à ces évènements, A’hachvéroch élève Haman aux plus hauts honneurs, allant jusqu’à ordonner que tous se prosternent devant lui (3, 1-2).

Mordekhaï refusant de se conformer à ce décret, Haman initie son projet d’anéantissement des Bené Israël (3,5-15).

Plus tard, Haman savoure la faveur d’être l’invité exclusif du festin privé auquel Esther a convié A’hachvéroch, et réagit d’autant plus violemment au spectacle “humiliant” de Mordekhaï qui ne se prosterne toujours pas devant sa personne (5, 9-14). Il se rend en pleine nuit chez A’hachvéroch (6,4) afin d’obtenir l’autorisation de procéder à la pendaison de Mordekhaï sur la potence monumentale (plus de 25 m. de haut) que ses proches lui ont conseillé d’ériger à cet effet.

Haman est alors abusé par la question d’A’hachvéroch (6, 6) : “Que faire pour l’homme que le Roi veut honorer ?” dont il pense naïvement qu’il ne peut s’agir que de lui-même. Il conseille de promener “l’heureux élu” sur un cheval du roi, revêtu d’habits royaux, accompagné par un haut dignitaire qui proclamera :” ainsi sera fait à l’homme que le roi veut honorer !”. 

Il se retrouve ainsi contraint d’appliquer à Mordekhaï le traitement royal qu’il a lui-même suggéré (en croyant en être le bénéficiaire…) (6, 11).

Haman a à peine le temps de raconter à ses proches sa déconvenue qu’il est convoqué au second festin avec le Roi A’hachvéroch chez la Reine Esther, sans avoir eu même le temps de se mettre en état pour cette rencontre.

Et c’est là l’achèvement de sa “carrière”, car lors du festin Esther révèle enfin à A’hachvéroch son origine juive et que le décret de Haman d’anéantissement du Peuple Juif la vise personnellement tout comme ses frères.

A’hachvéroch concrétise sa colère en faisant pendre Haman sur la potence même qu’il avait préparée pour Mordekhaï (7, 7-10) …

A l’opposé de cette agitation permanente du personnage de Haman qui cherche désespérément les honneurs et le pouvoir, le seul fait “actif” au crédit de Mordekhaï cité dans la Meguila est la dénonciation d’un complot contre A’hachvéroch (2, 21-23).

 Le reste des activités de Mordekhaï, comme sa préoccupation pour Esther (2, 11), ou ses “activités” de guide des Bené Israël que nous rapportent les ‘Hakhamim, ou même sa “réaction” de deuil face au décret (4, 1-2), ne peuvent en aucun cas être considérées comme des actions politiques.

Quant à la suggestion qu’il fait à Esther de comparaître devant A’hachvéroch pour plaider la cause des Bené Israël, c’est Esther qui sera alors active, le rôle de Mordekhaï se limitant à transmettre à la communauté la demande d’Esther d’organiser un jeûne de trois jours pour implorer Hachem de sauver Ses enfants (4,16-17).

Toute la “carrière politique” de Mordekhaï est postérieure à la chute de Haman et à sa présentation à A’hachvéroch par Esther (8,1-2 ; 7-15 ; 9,3-4).

En vérité, la seule action “politique” de Mordekhaï, le sauvetage d’A’hachvéroch du complot (2, 21-23) est loin d’être porté à son crédit par les ‘Hakhamim.

Les Midrachim (Beréchit Rabah 39,12 ; Yalkout Chimoni Esther 1053) analysent cette intervention de Mordekhaï pour en trouver la justification, alors qu’il y aurait eu toutes les meilleures raisons de laisser le complot aboutir (A’hachvéroch était un non-juif, Racha, dont la mort aurait libéré Esther, etc…).

Sans développer les raisons de la critique, de prime abord, de son acte, et des raisons profondes que les ‘Hakhamim ont trouvées cependant à sa décision (Yalkout Chimoni, développé par Rav Chlomo Alkabets dans Manot Halévi, p. 89 et suivantes), retenons la réponse du Midrach Rabah (Beréchit 39, 12), que Mordekhaï a pris exemple sur les “Anciens” : Yaacov Avinou qui a béni Par’o, Yossef qui lui a expliqué les rêves, et sur Daniel qui a expliqué le rêve de Nevou’hadnétsar.

Le Midrach (Beréchit Rabah) relie leurs actes à la Berakha que Hachem a donnée à Avraham : “…et seront bénies par toi toutes les familles de la terre”.

Nous avons une Mitsva d’intervenir dès lors qu’il s’agit de rétablir le Chalom du pouvoir en place (Tiféret Tsion). Selon le Yefé Toar, ce verset nous apprend qu’il y a lieu de faire le bien envers chaque homme, même s’il est issu d’un autre peuple.

Même si les ‘Hakhamim ont trouvé des justifications aux actions de Mordekhaï, il reste qu’initialement cette question n’était pas évidente aux yeux des ‘Hakhamim. Nous voyons de leurs explications qu’il n’y avait pas le moindre soupçon de calcul politique à l’origine de cette action. Mordekhaï n’a manifestement agi que mû par le respect de la volonté de Hachem, comme il le déduisait des exemples des Grands des générations passées.  La seule action de Mordekhaï “sur le terrain” mentionnée par la Meguila perd donc son lien apparent avec la suite des évènements.

Toutefois, comme nous l’avons mentionné brièvement dans le Dvar Torah sur Vayikra-Zakhor, c’est justement là que se situe la clé de notre confrontation avec Amalek, représenté dans l’histoire de Pourim par Haman ! L’opposition radicale entre nous, Peuple de Hachem, et Amalek, tient dans le regard sur le fonctionnement du monde et sur le comportement qu’il nous incombe d’avoir dans le quotidien.

Amalek refuse de reconnaître que Seul Hachem détient la direction du monde.

Amalek s’évertue à “faire tourner” le monde. Toute sa conception est articulée sur la loi naturelle de “cause à effet”. Son regard va donc des faits passés ou présents vers l’avenir qu’il croit pouvoir orienter. Que ce soit dans le domaine politique et les conflits, où il valorise la “loi du plus fort” (comme le monde a eu particulièrement à en souffrir il y a une génération, et comme se reproduit cette démarche de nos jours dans tous les conflits …), ou que ce soit dans la maîtrise qu’il pense pouvoir s’approprier sur la nature et l’environnement, Amalek s’approprie tout !

A l’opposé, le Peuple de Hachem sait que la véritable “causalité” est le projet Divin, qui entraîne les évènements devant aboutir à sa réalisation.  L’Homme n’a que la Be’hira (“libre arbitre”) d’en être conscient et de s’y soumettre et de s’inscrire ainsi dans ce projet Divin, ou de croire pouvoir vivre “en marge”. C’est ce que la Torah appelle (Vayikra 26, 21) “aller avec Hachem selon l’aléatoire”, c’est-à-dire croire aux concours de circonstances … Alors Hachem nous abandonne à la démarche que nous avons choisie, et c’est la Tokha’ha (remontrance aussi qualifiée de Kelala – malédiction) …C’est une démarche comparable qui mena des Juifs à prendre part au festin d’A’hachvéroch par peur des retombées de sa colère s’ils l’évitaient.

La “guérison” vint de l’intégrité de Mordekhaï et d’Esther qui ne se plièrent à aucun moment devant les évènements. Même les épreuves les plus dures, comme l’enlèvement d’Esther au palais d’A’hachvéroch, n’eurent pas raison de leur Emouna et de leur confiance en Hachem. C’est ce qui entraîna finalement l’adhésion des Bené Israël qui revinrent à Hachem suite au décret de Haman.

Il est remarquable que la seule action de Mordekhaï, le sauvetage d’A’hachvéroch du complot, accomplie certainement par Mordekhaï après mûre réflexion pour ne pas favoriser un non juif indûment, est celle qui a eu comme résultat le début de la chute de Haman !

A l’opposé de tout calcul, c’est justement cette action qui fut valorisée par Hachem !  

Pour symboliser cela, Hachem choisit d’amener A’hachvéroch à accorder à Mordekhaï des honneurs royaux (8,15) !

Essayons d’imaginer le ‘Hafets ‘Haïm, ou le Gaon de Vilna revêtus d’habits royaux et d’une couronne sur la tête ! Quoi de plus incongru à nos yeux, sachant l’absence d’intérêt qu’ils avaient pour ce genre de “valorisation”…

C’est là une des manifestations de “Nahafokh Hou” (et ce fut l’inverse) (9,1) : Alors que Haman et ses semblables savouraient par avance leur victoire sur les Bené Israël, c’est l’inverse qui se produisit. Les Juifs eurent le dessus sur leurs ennemis.

Il ne s’agit pas tant de la victoire matérielle dans l’affrontement militaire, que du renversement des “valeurs” d’Amalek.

Haman, qui s’était “démené” pour faire carrière, finit pendu sur la potence qu’il avait destinée à pendre Mordekhaï. Et Mordekhaï fut gratifié des honneurs, alors qu’il n’avait aucun penchant pour ce genre de “faveurs” !

Face à une actualité troublée, il est important pour nous de prendre le recul nécessaire, et ne pas chercher à faire des “paris” sur le futur vainqueur entre deux peuples qui s’affrontent, car, alors, nous ne ferions qu’arbitrer entre deux Amalek (le passé de chacun d’entre eux envers nos ancêtres est suffisamment éloquent à ce sujet …)  … Faisons le maximum pour aider nos frères en détresse, et attendons de voir la Volonté de Hachem se manifester. Telle est la leçon de Pourim qui seule permettra à la Gueoula (Délivrance) complète d’arriver très bientôt.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36