Parasha – 26 PEKOUDE 5782

La Paracha Pekoudé vient conclure le Séfer Chemot.

Le Ramban avait introduit le Séfer Chemot en le définissant comme le “Séfer de la première Galout (exil) du peuple Juif et de sa Sortie. Le Ramban explique que la Sortie d’Egypte ne s’est achevée que par le retour des Bené Israël au niveau spirituel des Avot (Patriarches) par la Présence de Hachem dans le Michkan.

Le Séfer Chemot s’achève sur ces paroles : “… et la Gloire de Hachem emplissait le Michkan” (Chemot 40, 34).

Toutefois la Paracha Pekoudé, ainsi conclue est constituée par la description détaillée de la réalisation du Michkan, et particulièrement de la participation de Moché Rabénou à cette œuvre.

La Torah dit : “…Ce fut au premier mois, la seconde année, le premier du mois, le Michkan fut érigé” (40, 17).

Dans le verset suivant (18) la Torah dit : “Moché érigea le Michkan …”.

Rachi (39, 33) explique que les Bené Israël apportèrent tous les éléments du Michkan à Moché Rabénou, car ils n’arrivaient pas à l’ériger.

Du fait du poids considérable des panneaux du Michkan, personne ne pouvait les dresser. Moché lui-même s’étonna face à l’ordre de Hachem qu’il érige le Michkan.

Hachem lui répondit : “agis quant à toi avec tes mains, et tu sembleras l’ériger, et il se dressera de lui-même” (Midrach Tan’houma).

Cette explication est troublante !

Si, Moché ne dresse pas lui-même les panneaux du Michkan par ses propres moyens, alors à quoi sert ce qui semble n’être qu’une mascarade ?!

La Guemara (Nedarim 38a) dit que Hachem ne fait résider Sa Chekhina (Présence) que sur un homme “guibor, riche (la Michna définit cette richesse citée dans la Guemara dans Avot 4,1 : “Qui est riche ? celui qui est content de sa part ! C’est-à-dire qui est conscient que chacun reçoit de Hachem ce qui lui est nécessaire), ‘Hakham et Anav (empreint de réserve) ; et tous ces attributs s’apprennent de la personnalité de Moché Rabénou”.

“Guibor” est généralement compris comme “puissant”. D’où voit-on la puissance chez Moché ?

Certains commentateurs veulent tirer cet enseignement du verset qui décrit que Moché Rabénou a érigé seul le Michkan.

Toutefois cette explication est évidemment contestable du fait que la Torah témoigne, comme nous l’avons vu, que Moché n’avait pas réellement la force de dresser les panneaux du Michkan et qu’en réalité, c’est Hachem qui a fait se dresser les panneaux d’eux-mêmes tandis que Moché Rabénou ne faisait qu’un geste “symbolique”…

Rav ‘Haïm Chmoulewitz (Si’hot Moussar, Vaye’hi 732, et Behar-Be’houkotaï 732) développe l’explication de cette Guemara. Il cite le Rambam (Hilkhot Yessodé HaTorah, 5, 1-2) qui traduit “guibor” non par puissant au sens “physique”, mais puissant dans ses traits de caractère. Il s’agit de la maîtrise de ses élans, de telle sorte qu’il n’est dominé en rien par son “Yetser” (penchant) comme la Michna (Avot, 4, 1) dit : ” Qui est le “guibor” ? celui qui domine son Yétser !”

Pour résoudre la contradiction apparente avec la Guemara citée plus haut qui semble valoriser l’effort physique, Rav Chmoulewitz cite Michlé qui critique la “atslout” (la paresse) (24, 30-32).

Rav Chmoulewitz explique que la paresse consiste à se déresponsabiliser en se justifiant par l’incapacité à obtenir le résultat escompté.

Il rapporte l’exemple des artisans qui confectionnèrent le Michkan, alors que, comme le souligne le Ramban (35, 21), aucun d’eux n’avait été formé ni ne s’était exercé aux métiers d’art nécessaires à une telle réalisation.

Le verset dit à leur propos : “ils vinrent, chaque homme que son cœur portait …”c’est-à-dire que chacun vint, porté par l’élan de réaliser ce que Hachem attendait des Bené Israël, et c’est avec cette “force” qu’ils accomplirent cet exploit.

Rav Chmoulewitz souligne que l’homme n’accomplit jamais réellement quoi que ce soit au moyen de ses propres forces. Tout résulte de ce que Hachem “complète” le mouvement de l’homme. Toutefois cette “aide” n’est accordée qu’à celui qui a tendu ses efforts au maximum.

Tel est le sens de la “puissance” de Moché Rabénou : parce qu’il fit de son mieux pour accomplir ce que Hachem lui avait ordonné, le Michkan se dressa ainsi de lui-même.

Rav Yaacov Galinski (Vehigadta, Pekoudé) soulève lui aussi cette question : Quel sens a le mouvement apparent de Moché, s’il n’a en réalité aucun effet concret ?!

Il répond qu’en réalité la question se pose aussi pour le véritable “Michkan intérieur” qu’est le cœur du Juif, comme le dit le verset (Chemot 25, 8) : “Ils Me feront un Mikdach, et Je résiderai en leur sein !”.

Le véritable Michkan réside dans le cœur de l’homme. Mais par quel prodige un homme peut-il transformer sa personne profonde en Michkan ?

Rav Galinski rapporte les paroles du ‘Hovot Halevavot (Chaar ‘Hechbone Hanéfech, 3, 21) qui compare les efforts nécessaires dans notre approche vers Hachem à ceux que l’homme fait dans le domaine du travail : si l’homme investit tous ses efforts selon ses capacités, Hachem l’aide au-delà de ses moyens naturels.

Il en est de même dans notre Avoda (le Service de Hachem) : dès lors que l’homme tend toutes ses forces pour atteindre le maximum de ce que Hachem attend de lui, Hachem complète ses efforts et l’aide bien au-delà de ses acquisitions personnelles.

Tel est le sens de l’explication de Rachi relativement à l’érection du Michkan par Moché Rabénou.

Hachem a demandé à Moché Rabénou de faire au maximum de ses moyens, et alors le Michkan s’est dressé de lui-même. Et la réalisation est néanmoins portée au bénéfice de Moché Rabénou.

Rav Galinski rapporte à ce sujet l’explication du Noda Biyehouda (Ahavat Tsion, Drouch 3) sur le verset (Tehilim 62,13) : “et à Toi Hachem, le ‘Héssed (don gratuit) car Tu rémunères l’homme selon son action”.

Bien que l’homme ne réalise pas véritablement lui-même la tâche que Hachem lui a assignée, mais qu’elle s’accomplit en fait parl’intervention de Hachem, Hachem la porte toutefois au compte de l’homme, comme nous le voyons dans la participation de Moché Rabénou à l’érection du Michkan.

Rav Galinski cite encore les paroles de Rabbi Israël Salanter qui disait que l’homme doit “agir” et non “effectuer” !

Il ne nous appartient pas d’accomplir les objectifs, mais seulement de mobiliser nos forces au maximum dans ce sens, sans nous attribuer l’efficacité, ce qui reviendrait au culte de la puissance de l’Homme.

Rav Galinski rapporte également les propos de son Rav, le Saba MiNovardok, qui disait qu’il ne s’était jamais posé la question s’il pouvait accomplir telle ou telle chose, mais uniquement s’il en avait l’obligation.

Si nous sommes conscients que notre part réside exclusivement dans le fait d’entreprendre de toutes nos forces, et que la réalisation dépend totalement de Hachem, nous accomplissons alors ce que Hachem attend de nous.

Avec cette conclusion du Séfer Chemot, et l’achèvement de la Galout (exil) comme le Ramban le dit dans son introduction au Séfer Chemot, nous apprenons la réelle grandeur à laquelle l’Homme doit aspirer.

Moché Rabénou a atteint le niveau le plus haut en amenant la Torah aux Bené Israël et en construisant le Michkan, “Résidence” de Hachem parmi les Bené Israël, uniquement par le mérite qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir tout en restant pleinement conscient de ce que l’aboutissement ses efforts dépendaient intégralement de Hachem.

Chacun de nous peut réaliser un Michkan en lui en aspirant à se hisser à un niveau comparable !

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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