Parasha – 25 VAYAKHEL CHEKALIM 5782.fin

Ce Chabat qui précède Roch ‘Hodèch Adar II, nous lisons, en plus de la Paracha Vayakhèl, la « Parachat Chekalim ».

Le texte de la Paracha Chekalim est issu du début de la Paracha Ki Tissa. Il traite du Ma’hatsit Hachékel (demi-chékel d’argent) que chaque Juif doit apporter au Beth HaMikdach chaque année comme participation aux Korbanot (les offrandes) collectives tout au long de l’année (Tamid : offrande quotidienne ; Moussaf : ajout de Chabat, Roch ‘Hodèch et jours de fêtes, etc…).

La Paracha Vayakhèl commence par le rappel de la Mitsva du Chabat.

Rachi (35,2) explique que en répétant la Mitsva du Chabat avant le Michkan Moché a enseigné aux Bené Israël que la confection du Michkan ne supplantait pas le Chabat.

Rabbi Moché Alchikh (Torat Moché) souligne que la transgression de Chabat est à ce point grave qu’elle entraîne la peine de mort, même dans le cas d’une action qui ne constitue pas réellement un « ouvrage », comme le fait de sortir un objet d’un domaine à un autre. (Cet « ouvrage » interdit le Chabat est différent des autres du fait qu’il ne réalise pas de transformation de la matière …).

Le Alchikh explique que les âmes des Bené Israël sont issues de « l’endroit » de l’Unité, et que ce n’est perceptible que le jour du Chabat, lorsque Hachem envoie à chaque Juif un influx de Kedoucha particulier.

Transférer un objet du domaine privé au domaine public, ou l’inverse, représente une atteinte à l’unité représentée par le domaine privé.

Nous trouvons une manifestation particulière de la gravité du Chabat dans une Nevoua (Prophétie) de Yirmeyahou (17, 19-27).

Hachem a ordonné au prophète Yirmeyahou de se tenir aux portes de la ville de Yerouchalaïm et de mettre en garde les dignitaires et la population contre la transgression du Chabat. Le message insiste spécialement sur la « Melakha » (l’ouvrage) interdite qui consiste à sortir un objet quelconque de la maison vers l’extérieur.

Hachem promet alors de récompenser le respect de cette interdiction en restaurant la grandeur d’Israël, alors que le décret de la destruction du Beth HaMikdach avait déjà été exprimé.

Si par contre, les Bené Israël n’écoutent pas cette Nevoua et continuent à déplacer des fardeaux dans Yerouchalaïm le Chabat, alors Hachem allumera le feu dans ses portes, qui consumera ses palais sans s’éteindre.

Ce message est étonnant à plusieurs niveaux. Tout d’abord, comment comprendre globalement l’importance relative du respect du Chabat, face aux multiples fautes commises qui ont justifié le décret de destruction du Beth HaMikdach et la Galout (exil) ?!

Cette question se pose également sur l’enseignement de la Guemara (Chabat 118b) qui stipule que : « quiconque garde le Chabat selon ses règles, même s’il a dédié un culte à l’idolâtrie comme la génération d’Enoch, on lui pardonne … ».

Comment comprendre que le respect du Chabat puisse effacer la faute la plus grave qu’est l’idolâtrie ?!

De plus, pourquoi Hachem a-t- Il précisé spécialement la Melakha de « Hotsaa » (transfert d’un domaine à un autre) et ne l’a pas incluse parmi les autres Melakhot ?!

Pour répondre à ces questions, ainsi qu’à d’autres encore, le Alchikh rapporte que la gravité particulière du Chabat tient à ce que Hachem nous octroie un « supplément » d’âme le Chabat. Aussi celui qui profane le Chabat rompt ce lien privilégié avec Hachem.

Par contre, celui qui respecte la Kedoucha (la « sainteté ») du Chabat conserve tout au long de la semaine une empreinte de Kedoucha qui le protège des tentations et l’aide à se rapprocher de Hachem. De quoi comprendre l’impact du Chabat, qui éloigne l’homme de la superficialité, allant jusqu’à aider à réparer les fautes passées, même celle d’idolâtrie !

Le Alchikh précise encore que le traité Chabat du Talmud s’ouvre sur la Melakha de Hotsaa (l’action de transférer un objet d’un domaine à un autre), alors que ce n’est qu’une, et de plus la dernière des Melakhot citée dans la Michna (Chabat 73a) parmi les Melakhot interdites. Il justifie que cette interdiction est celle qui exprime le mieux la notion fondamentale du Chabat d’unité profonde avec Hachem.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm laTorah, Chemot 35,1) souligne que cette Paracha est la seule à être introduite par : « Moché assembla toute la communauté des Bené Israël … ». Il explique que le Chabat et le Michkan ont la particularité, parmi toutes les Mitsvot, de posséder une dimension collective en plus de leur niveau individuel.

Le Chabat n’a pas été donné aux individus, mais à l’ensemble du Peuple Juif.

Il souligne que dans la Tefila de Chabat nous disons : « et « reposeront » (au pluriel) en lui (Chabat) Israël », (selon certains Minhaguim, le texte est même : « tout Israël » …).

Chabat étant défini comme la « compagne » du Peuple d’Israël (Midrach Beréchit Rabah, 11,8), le moindre manquement au sein du Peuple Juif au respect du Chabat est considéré comme une infidélité à notre « compagne ».

De même que le Alchikh, Rav Sorotskin souligne le rôle de « régénération » de la Emouna que représente le Chabat, ce qui lui permet de réparer même la faute d’idolâtrie …

Le Or Ha’haïm considère l’expression : »Eléh Hadevarim » (« voici les choses … ») par laquelle Moché Rabénou introduit la Paracha. Il cite la Guemara (Chabat, 97b) qui déduit de ces mots le nombre des ouvrages interdits le Chabat : « Eléh » (voici) : la valeur numérique des lettres du mot « Eléh’ est de 36 ; le mot « devarim » – choses (au pluriel) : 2 ; la lettre « Ha » (pronom devant devarim) : 1 ; soit un total de 39, les trente-neuf catégories d’ouvrages interdits le Chabat.  

Le Or Ha’haïm conclut que la faute d’idolâtrie équivaut à renier toute la Torah. Après la faute du Eguel (le Veau d’or), qui s’apparentait à l’idolâtrie (même s’il ne s’agissait pas d’idolâtrie comme nous la comprenons (voir notre Dvar Torah Ki Tissa 5776, en introduction du recueil Repères) les Bené Israël devaient « réparer » les 613 Mitsvot en eux, « détériorées » par la faute du Eguel.

Seule la Mitsva « globale » du Chabat qui « pèse » autant que toute la Torah (Midrach Chemot Rabah, 25), et répare la faute d’idolâtrie comme le dit la Guemara (Chabat 118b) citée plus haut, pouvait accomplir cette « réparation ».  

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p. 262) s’interroge sur le rapport entre le Chabat et le Michkan, qui sont les deux Mitsvot introduites au début de notre Paracha par la « réunion » exceptionnelle organisée par Moché Rabénou. Il répond que cette réunion eut lieu le lendemain de Yom Kippour, lorsque Hachem pardonna enfin la faute du Eguel et donna aux Bené Israël les secondes Lou’hot (Tables des Dix Commandements) pour remplacer celles que Moché Rabénou avait brisées suite à la faute.

Rav Bérézovski explique que Hachem a envoyé la Nechama (âme) du Juif dans le monde matériel pour y rester attachée à Hachem, malgré les épreuves de ce monde.  La faute du Eguel mit en évidence la « fragilité » de l’homme face à une telle mission.

Comment « garantir » qu’une pareille chute ne se reproduise pas ? La réponse tient aux deux Mitsvot ordonnées ici : Chabat et le Michkan.

Rav Bérézovski cite les paroles du Kedouchat Lévi qui commente le verset (35, 2) : « Yihyé lakhèm Kodèch » (sera pour vous Kodèch – Saint) : le « lakhèm » (pour vous), c’est-à-dire vos activités matérielles, sera Kodèch (Saint). C’est-à-dire que le Chabat, même les activités physiques de l’homme doivent revêtir une dimension de Kodèch, dédiée à la spiritualité.

C’est ainsi que la distance prise envers Hachem en commettant la faute sera réparable. Le Michkan également déverse sur l’ensemble des Bené Israël une atmosphère de Kedoucha.

Revenons à l’analyse des ouvrages interdits le Chabat, et en particulier la « Hotsaa » (le transfert d’un domaine à un autre), dont nous avons rapporté l’importance que le Navi (Prophète) Yirmiyahou lui avait accordé dans sa remontrance aux Bené Israël.

Au début de notre Paracha, Rav Chimchon Raphaël Hirsch définit le Michkan comme le plus grand « défi » à la capacité de réalisation de l’Homme, sinon au niveau de la créativité « artistique », mais certainement du point de vue de l’objectif visé dans cette construction : « et ils Me feront un Mikdach, et Je résiderai en leur sein ». Dans le Michkan, l’Homme soumet sa personne et son « monde » au Créateur. C’est pourquoi l’ensemble des ouvrages nécessaires à la confection du Michkan représente la totalité des activités humaines, et constitue de ce fait la somme des ouvrages interdits le Chabat, pour manifester notre soumission entière à Hachem.

Toutes les activités « créatrices » de la construction du Michkan sont des « Av Melakha » (ouvrage « père ») desquelles découlent de nombreuses interdictions dérivées. Rav Hirsch explique que les 38 autres Melakhot soumettent l’Homme dans « son monde » matériel, tandis que la « Hotsaa » (le transfert d’un objet d’un domaine à un autre) soumet l’Homme dans sa dimension « sociale ». Car La relation entre l’individu et la collectivité s’exprime particulièrement dans les échanges entre le domaine privatif et le domaine public.

C’est pourquoi le Navi accorda une place privilégiée au rappel de l’interdiction de « Hotsaa », car elle représentait l’acceptation absolue de l’autorité Divine sur la collectivité d’Israël, et constituait ainsi la réparation idéale des fautes menant à la catastrophe annoncée de la destruction du Beth HaMikdach et de la Galout (exil).

Les deux textes de la lecture de la Torah de ce Chabat, la Paracha Vayakhèl, avec le Chabat et le Michkan, et la Parachat Chekalim (le don du demi-Chékel) témoignent ainsi de la convergence des Bené Israël dans une unité parfaite et s’associent pour nous aider à tourner le dos à la divergence de l’individualisme.

A la différence des grandes idéologies forgées par l’Homme, opposant le culte de l’individu à son aliénation à la société, la Torah nous enseigne la grandeur réelle de l’Homme dans la véritable unité basée sur la complémentarité entre l’individu et le Clal (collectivité d’) Israël.De cette harmonie viendra la Gueoula (délivrance) ultime de toutes les formes d’idolâtrie.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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