Parasha – 24 KI TISSA 5782

La Paracha Ki Tissa commence avec la Mitsva du décompte des Bené Israël (Chemot 30, 11-16).

Le verset dit : “Hachem dit à Moché : lorsque tu “élèveras la tête” des Bené Israël selon leurs comptes, ils donneront chaque homme le rachat de sa personne pour Hachem lorsque tu les compteras ; et il n’y aura pas de plaies en eux lorsque tu les compteras”.

Dans ce passage, la Torah insiste sur la valeur de ce que les Bené Israël doivent donner lors du dénombrement : “Voici ce qu’ils donneront, quiconque passe dans le dénombrement, un demi chékel, dans le chékel de Kedoucha, le chékel est de vingt “guéra”, un demi chékel, en prélèvement pour Hachem”.

Puis la Torah revient encore sur la somme, en disant : “le riche ne donnera pas davantage, et le pauvre ne donnera pas moins de la moitié du chékel, pour donner le prélèvement de Hachem, pour “réparer” sur votre personne “.

Le dernier verset définit la destination de l’argent perçu. Hachem ordonne à Moché Rabénou d’affecter l’argent des Bené Israël à la confection du Michkan.

Bien que cette règle s’appliquera même lors des futurs dénombrements, elle est initialement liée à la confection du Michkan.

Au début de la Paracha Terouma (Chemot 25,2) Rachi rapporte que deux prélèvements d’un demi-chékel sont mentionnés dans la Mitsva des dons destinés au Michkan, l’un sera affecté à la confection des “Adanim” (les socles des panneaux des parois du Michkan), et le second sera destiné aux Korbanot (offrandes) collectifs apportés au long de l’année dans le Michkan.

Au-delà de la spontanéité de chacun tant relativement à ses dons pour la réalisation du Michkan, qu’à ses offrandes personnelles, la participation des Bené Israël doit être “bordée” par une règle précise ne laissant place ni à un “débordement” de générosité, ni à un “déficit” de participation.

A première vue, ce fait parait étonnant ! En quoi des différences de participation auraient-elles une influence sur la réalisation ? Pourquoi le riche, qui jouit de de conditions favorables, ne pourrait-il pas soulager le poids du pauvre homme accablé par ses difficultés d’existence ?!

Le Alchikh rapporte l’explication de nos ‘Hakhamim que la Avoda Zara (l’idolâtrie) équivaut à transgresser les Asséret HaDibrot (Dix Commandements), et que c’est pour cette raison qu’ils durent apporter “dix Guéra” (la moitié du chékel qui fait vingt Guéra).

C’est-à-dire que la Mitsva mentionnée ici, bien qu’apparemment antérieure à la faute du Eguel (Veau d’or), lui est en réalité postérieure.

Le Alchikh poursuit en rapportant l’explication de Rabbi Chlomo Alkabets que le but de cette Mitsva était d’enseigner aux Bené Israël l’importance de leur unité, afin qu’il ne vienne pas à l’esprit de l’un d’entre eux qu’il se distingue de l’autre, mais qu’ils sachent que chacun n’est qu’une “moitié” et que par le fait de s’associer à chaque autre Ben Israël il forme alors une entité.

Rav Moché Alchikh s’étonne de ce que Hachem ait choisi cet endroit particulier pour nous enseigner ce principe. De plus, ajoute-t-il, pour quelle raison les “survivants” de la faute du Eguel avaient-ils besoin d’une réparation ? Car ceux qui avaient fauté furent tous punis, et la seule faute qui pouvait alors être imputée aux autres était de ne pas s’être opposés !?

Pour quelle raison ceux qui n’avaient pas fauté devaient-ils être responsables des agissements des autres ?!

Le Alchikh nous révèle que tel est l’enseignement que la Torah nous transmet ici, que les âmes de chaque Juif sont liées entre elles, et ne forment qu’une seule entité.

C’est pour cette raison que chaque homme doit apporter une moitié (de chékel), afin de montrer qu’il ne constitue un “tout” qu’en se joignant aux autres membres du Clal Israël.

Le Alchikh développe également cette notion dans son commentaire sur la Paracha Noa’h.

Lorsque que Noa’h dut enduire les parois de la Téva (l’Arche) de “Kofère”(poix) et que la Torah ne l’a pas appelé “Zéfèt”. Il explique que l’emploi du mot “cofère” constitue une allusion au fait que la poix à l’intérieur de la Téva venait réparer une faute.

Hachem confina Noa’h dans la Téva pendant douze mois pour souligner la faute qu’il avait commise d’être resté chez lui sans aller vers les autres pour les rapprocher de Hachem. Hachem reprochait à Noa’h de ne pas être sorti de sa maison comme le fit Avraham Avinou plus tard.

(Rav Dessler analyse que Hachem n’attend évidemment pas de chacun qu’il sorte de chez lui pour rapprocher les autres de Hachem sans s’y être dûment préparé (Mikhtav MeEliahou, II, p. 113, 169).

La critique de Hachem à l’égard de Noa’h résidait donc dans le fait qu’il ne se soit pas suffisamment construit personnellement pour pouvoir exercer son influence sur ses contemporains sans danger pour lui-même.)

Le Toldot Yaacov Yossef explique que la faute du Eguel consistait dans le manque d’unité de chacun entre sa dimension spirituelle et sa dimension physique, et, au niveau collectif, dans un manque d’unité dans le Clal Israël.

Telle est la faute qui a causé la Galout (exil) actuelle, la “Sin’at ‘hinam” (que nous ne devons pas comprendre comme une animosité violente entre les personnes. Un simple manque d’unité constitue déjà la faute de Sin’at ‘hinam …).

Rav Reouven Karèlnstein (Ye’hi Reouven, II, p. 608) rapproche cette notion de la Michna (Chekalim, 1,1) : “Le premier Adar, on publie sur les Chekalim et sur les Kilaïm (les mélanges de plantes interdits, qu’il faut éliminer avant qu’ils n’aient grandi dans la situation d’interdiction …)”.

Pour quelle raison la Michna associe t’elle les Chekalim et les Kilaïm ?  

Rav Karèlnstein rapporte l’explication de Rav Yonathan Eibeschitz : le sens de la Mitsva du Ma’hatsit Hachékel est faire réaliser à chaque Juif qu’il ne constitue pas une entité à lui tout seul, mais qu’il n’est juste qu'”une moitié”. Seule l’association avec un autre Ben Israël forme une seule unité symbolisée par le chékel entier.

La Mitsva vient donc souligner l’unité d’Israël.

Mais pour souligner que cette unité ne peut pas provenir de l’union du Tsadik avec le Racha (mécréant), la Michna mentionne l’interdiction des Kilaïm pour souligner que l’unité ne peut se réaliser que s’ils sont d’une même espèce, le Tsadik avec le Tsadik. Mais le Tsadik avec le Racha, c’est Kilaïm !

Rav Karèlnstein explique encore (p.611) qu’avant de considérer l’accomplissement des Mitsvot, la base de tout est la Emouna. C’est pourquoi, avant de faire appel aux dons spontanés pour confectionner le Michkan, il fallait tout d’abord réaliser les Adanim (les socles) avec la Emouna. Il cite que le Baal Hatourim relie les Adanim aux cent Berakhot que nos ‘Hakhamim nous ont dit de prononcer chaque jour.

Les Adanim sont étroitement liés à la Emouna, et de même les cent Berakhot expriment la Emouna.

Dans l’accomplissement des Mitsvot, chacun a son niveau de grandeur, depuis les Tsadikim jusqu’aux gens “moyens” ; et même parmi les Tsadikim il y a des écarts de niveau. Mais en ce qui concerne la Emouna, chaque Juif à son niveau doit être entier dans sa Emouna dans les Treize principes de la Emouna (énoncés par le Rambam, commentaire sur la Michna Sanhédrin, 10,1).

Rav Karèlnstein demande alors pour quelle raison on n’apporterait pas un chékel entier pour manifester une Emouna complète ?

Il répond que l’obstacle principal à la Emouna réside dans l’incompréhension face aux vicissitudes de la vie des Tsadikim, qui mène à douter de la Présence Divine dans le fonctionnement du Monde.   

La réponse à cette question, est inaccessible dans le présent, et réside dans l’unité du déroulement de l’Histoire du début à la fin, qui nous échappe.

Le demi-chékel, vient nous rappeler que nous ne percevons qu’une partie infime de l’Histoire du Monde, et que c’est seulement à l’aboutissement de l’Histoire du Monde que se révèlera le sens de chaque évènement qui semblait négatif à son moment.

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beèr Moché, p. 869) souligne que la Torah ne nous a été donnée que lorsque notre Peuple a atteint la dimension d’unité, comme le dit le Midrach (Vayikra Rabah, 9,9), qui se base sur le verset (Chemot19,2) : “Israël campa (au singulier !) là-bas, face à la montagne”.

De même, après la faute du Eguel, à Yom Kippour, lorsque les Bené Israël devaient recevoir à nouveau la Torah avec les secondes Lou’hot (Tables), la Torah souligne par la Mitsva de Ma’hatsit Hachékel la notion de “moitié” pour rappeler que la grandeur d’Israël réside dans le fait d’être “un seul homme” !

Nous voyons ainsi que la réparation de la Avoda Zara (idolâtrie) du Eguel (toute relative qu’elle ait été …) constituait une dissociation de l’unité fondamentale du Clal Israël, essentielle au lien avec Hachem. Seule la réunification dans la Mitsva de Ma’hatsit Hachékel pouvait régénérer la grandeur de notre Peuple, et le préparer à recevoir à nouveau la Torah. Aussi, pour aboutir à l’accomplissement ultime de l’Histoire dans la Gueoula (Délivrance) complète, nous devons réparer la faute de Sin’at ‘Hinam qui a entrainé cette Galout, et réaliser l’unité parfaite de tous ceux qui sont tournés vers Hachem, chacun à son niveau.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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