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Parasha – 234 – Vayéchev – 5786

בס »ד
La Paracha Vayéchev est centrée sur Yossef Hatsadik et les péripéties qui préparèrent son accession à la position de Vice-Roi d’Egypte dans la prochaine Paracha.
La première partie de la Paracha décrit les circonstances de l’opposition entre Yossef et ses frères qui amena à l’éloigner en le « vendant » aux Ismaélites qui l’emmenèrent en Egypte (Beréchit 37, 1-36).
Puis la fin de la Paracha (39, 1-40, 23) détaille les évènements de son séjour en Egypte jusqu’au seuil de sa « délivrance » de prison …
Nous ne reviendrons pas ici sur la place de Yossef dans la construction du Peuple de Hachem, appelé à être le « squelette » de l’Histoire du Monde, plusieurs « Dvar Torah » des années passées lui ont été consacrés (accessibles par mail sur demande, et dans la « clé USB » qui les regroupe, sur demande par mail à : kvlhm.ezr@gmail.com).
Considérons la partie « centrale » de la Paracha (38, 1-29) dédiée à Yehouda qui parait comme une interruption dans le récit principal relatif à Yossef.
Le passage qui décrit les faits concernant Yehouda énumère son rejet par ses frères (38, 1), son mariage et la naissance des ses premiers fils (2-4), le mariage de son fils ainé Er avec Tamar, et la faute de ses deux premiers fils (6-10), les circonstances qui amenèrent sa bru Tamar à envisager de s’unir à lui (11-14), puis les faits eux-mêmes de cette union et leur suite (15-30).
Ces évènements sont particulièrement « hermétiques » à notre compréhension, plus, peut-être, que beaucoup d’autres passages de la Torah.
Avant d’en aborder l’étude, il convient de rappeler que la Torah n’est pas un « récit » ordinaire humain !
La Torah est, jusqu’à la moindre lettre, le message de Hachem qui doit nous lier à Lui !
Rav Leib Gouréwits (Meoré Chearim, p. 3-6) souligne que bien que la Mitsva d’étudier la Torah soit un ‘Hok, un « Décret » de Hachem dont la raison reste inaccessible à notre intellect, elle nous est perceptible dans son caractère « d’immersion » dans la Parole de Hachem. Même lorsque nous ne percevons pas toutes les facettes d’un enseignement de la Torah, le simple fait de nous plonger dans la Parole de Hachem nous purifie et nous régénère tout comme l’immersion dans le Mikvé (bassin de purification). A condition, bien sûr, d’ouvrir la Torah avec ce regard de Kedoucha (« Sainteté »), et non comme les adeptes de la « critique biblique » des derniers siècles qui déchiffrent la « Bible » comme une simple œuvre humaine …
L’énigme essentielle du récit relatif à Yehouda réside dans les versets 13-30, qui décrivent la relation de Yehouda avec Tamar, ses suites, et la naissance de leurs jumeaux Pérets et Zèra’h, que la Torah décrit avec insistance.
Pour introduire ce passage, Rav Matityahou Salomon (Machguia’h de la Yechiva de Gateshead puis de Lakewood) souligne que ce chapitre de la Torah est particulièrement occulte et élevé ; occulte car nous ne comprenons en rien l’enchainement des évènements, et élevé car nous avons une tradition que c’est à partir de ce fait que la Royauté de la dynastie de David et jusqu’au Machia’h fut fondée !
Rav Salomon cite Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah p. 226)) qui rapporte au nom de ses Maitres que, si ce ne s’était pas passé précisément été de cette manière, il n’aurait été possible d’aucune façon que résulte ce qui en est issu, à savoir la préparation du Machia’h qui ne pouvait être générée que de cette manière voilée. C’est pourquoi Hachem Seul amena ces faits à réalisation.
Cette approche est initiée par le Midrach (Beréchit Rabah, 95, 2) qui introduit ce passage par le verset : « Car Je sais les pensées que Je pense pour vous, parole de Hachem, des pensées de Chalom et non pour le mal, pour vous donner une fin et un espoir ! » (Yirmeya 29, 11).
Le Midrach dit que les Chevatim (les fils de Yaacov, ancêtres des Tribus) étaient occupés à la « vente » de Yossef, et Yossef était occupé à son deuil (sur sa situation), Reouven était occupé à son « deuil » (sur sa « faute »), et Yaacov était occupé à son deuil (sur la disparition de Yossef), et Yehouda était occupé à prendre femme, et Hachem était « occupé » à « créer » la « lumière » du Machia’h ! ».
Dans la mesure où le « point d’orgue » de ce passage réside dans la relation entre Yehouda et Tamar, voyons les explications de nos ‘Hakhamim dans le Midrach et dans les commentaires. La question qui interpelle est, bien sûr, comment Yehouda, personnage dont nous ne pouvons pas mesurer la grandeur, a pu céder à la sollicitation de celle dont le verset dit qu’il l’a perçue comme une « prostituée » (38, 15) ?!
Le Midrach (85, 8) donne diverses explications :
-« Yehouda la vit et la considéra comme une prostituée car elle avait couvert son visage » (38, 15).
Le Midrach explique : « Il (Yehouda) ne fit pas attention à elle. Dès lors qu’elle couvrit son visage, il se dit : « Si c’était une prostituée, aurait-elle couvert son visage ?! ».
Nos commentateurs expliquent ce Midrach de différentes manières : soit que Yehouda a vu qu’à son approche elle a caché son visage, ce qui réfutait l’hypothèse d’une prostituée ; et c’est pourquoi il s’est approché. Soit qu’elle était découverte face à lui, mais s’est immédiatement couverte à l’approche de l’accompagnateur de Yehouda, ce qui montrait qu’elle n’était pas « disponible » pour chacun, mais cherchait un contact exclusif avec lui (Yehouda).
Quoi qu’il en soit, reste la question d’un contact éphémère ? Le Riva (Baalé HaTossefot sur la Torah) explique que Yehouda a donné les Kidouchin (l’équivalent de la bague par laquelle le ‘Hatan « acquiert » sa Cala) à cette personne rencontrée « accidentellement ».
Le Alchikh (contemporain du Ari Zal) développe l’analyse du dialogue entre Yehouda et Tamar en expliquant chaque élément dans son sens profond : Yehouda interroge son « interlocutrice » sur son statut face à un engagement de « relation » : Est-elle « libre » de tout lien précédent ? est-elle « pure » ? que cherche-t-elle dans ce lien qu’ils vont contracter ? Et le tout sans connaitre l’identité de cette personne, ce qui a de quoi nous étonner, dans le monde comme nous le connaissons …
Mais ils vivent dans un Monde de disponibilité face à Hachem qui nous dépasse !
Tamar, quant à elle exprime, selon l’explication du Alchikh, qu’elle attend que la Nechama qui sera issue de leur contact porte une identité « d’Israël » (« ton sceau » – la Mila, et « tes franges » – les Tsitsit ; 38, 18) et de la « Royauté » qui caractérise Yehouda : Ton « bâton » – sceptre ; 38, 18).
Ces explications ne nous sont accessibles que dans la mesure où nous nous souvenons que la Torah est la Parole de Hachem, et qu’elle nous décrit des personnages dont la dimension nous échappe totalement, et dont les actes et les paroles se situent dans des sphères qui nous sont étrangères.
-Le Midrach cite une autre explication selon laquelle Hachem a « contraint » Yehouda à cette « relation » par l’intervention d’un Mal’akh (« Ange »), préposé aux pulsions, afin de faire venir de Yehouda la descendance « Royale » à laquelle Yehouda était destiné.
Là encore il nous faut comprendre que la « Royauté » dont il est question, n’est pas celle, dérisoire, que nous concevons. Il s’agit ici de la maîtrise intégrale sur lui-même qui fait de Yehouda un véritable « Roi » sur l’infinité de ses élans, le rendant ainsi apte à rapprocher le Peuple d’Israël de Hachem.
Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, V, p.180) cite le Targoum Yonathan qui attribue à Yehouda la qualité de « Hodaa » (« reconnaissance » – dont est issu le nom Yehouda) qui se manifeste de deux manières : reconnaitre pleinement les bienfaits reçus, et admettre sans réserve sa responsabilité de ses actes. Pour amener Yehouda au Nissayon (épreuve) de reconnaitre publiquement, en présence de Yaacov Avinou et de Its’hak Avinou sa responsabilité face à Tamar qui était jugée pour son « écart » (38, 26), Hachem fit en sorte que Yehouda agisse comme cela se produisit.
Pour comprendre cette notion, faisons appel à un développement de Rav Dessler dans le chapitre dédié à la Be’hira (« Libre-arbitre ») (Mikhtav MeEliahou, I, p. 113).
Rav Dessler explique que la Be’hira ne s’étend pas pour chacun sur la totalité des niveaux d’action. Chacun a, à un moment donné, un « champ d’action » défini avec ses limites supérieures et inférieures. Chaque « choix » déplace ce « champ d’action » vers le haut ou vers le bas.
C’est là toute la latitude d’action de l’Homme. Elle est définie initialement par son contexte, physique, familial, social, etc. … Seul le choix « limité » dans ce cadre appartient à l’homme. Ainsi, nous ne sommes ni totalement « résultats » des circonstances, comme le prétendent les adeptes du « déterminisme », ni totalement libres de faire du Monde ce qu’il « nous chante » (…). Notre Be’hira existe, dans les limites décidées par Hachem, et là s’applique notre responsabilité totale …
Dans ce sens, toute « critique » relativement à cet épisode de la vie des Chevatim est totalement erronée et déplacée. Notre lecture vient d’un manque de Emouna dans la Torah, et de soumission à Hachem. Il est remarquable que la Guemara (Chabat 55b) qui « redéfinit » les « fautes » de divers personnages de l’Histoire de notre Peuple n’a pas mentionné Yehouda, ce qui confirme qu’on ne lui trouve même pas « l’ombre d’une faute » dans son comportement, à part la « vente » de Yossef.
Il nous reste évidemment l’énigme de la nécessité d’amener l’avenir de la Création jusqu’à la Gueoula (Délivrance) ultime avec la venue du Machia’h d’une façon aussi obscure.
Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, III, p.224 et suivantes) explique que Hachem conduit le Monde à travers deux démarches distinctes :
-La « Midat HaDin » (La « Justice stricte »), selon laquelle Hachem n’octroie aucune aide à l’homme, et alors la Be’hira (Libre Arbitre) s’étend d’un extrême à l’autre, de la soumission totale à Hachem à une rébellion ouverte.
-La « Midat HaRa’hamim » (La « Miséricorde »), par laquelle le Monde « évolue » avec toutes sortes « d’allègements » et d’aides. Rav Dessler souligne que même le retrait de la « Lumière » des 7 Jours de la Création (Rachi Beréchit 1, 4) est une mesure de « Ra’hamim » pour laisser place à la faute par « erreur » (« Choguèg »), afin d’atténuer la faute de l’Homme. Et alors le « champ » de la Be’hira est limité comme Rav Dessler l’a expliqué. C’est cette « Mida » qui justifie les « détours » que prend parfois le cheminement de la Création vers son accomplissement ultime.
Ces notions nous échappent, bien sûr, et participent de la compréhension profonde de la Torah. Nous ne pouvons qu’en apercevoir ici un pâle reflet destiné à fortifier notre confiance dans l’aboutissement de l’Histoire qui nous parait trop souvent chaotique et comme constituée « d’accidents ».
Les enseignements de nos Maîtres dans un segment de notre Histoire comme celui-ci nous rappellent que Seul Hachem détient les clés des évènements …

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