Parasha – 230 – ‘Hayé Sarah – 5786

בס »ד

La Paracha est dédiée de façon exceptionnelle à une femme, Sarah Iménou (notre Mère).

Comme certains le soulignent, et s’en étonnent, la Torah n’abonde pas en récits et développements concernant des femmes. Dans le monde actuel, « féministe », cette réserve est facilement perçue négativement et avec une pointe de critique.

Avant d’avancer dans notre étude de cette Paracha, nous devons rétablir un regard Juif sur ce sujet comme sur tout autre. La Torah, notre Torah de Vie, n’a pas vocation de satisfaire aux « humeurs » du moment.

La Torah est le lien que Hachem nous tend pour nous attacher à Lui. Hachem a créé chaque élément de la Création avec les caractéristiques de son épanouissement et de sa réalisation.

En particulier l’Homme, sommet et « centre » de la Création dans la complémentarité des deux genres, a reçu les outils de sa destinée. La différence entre l’homme et la femme n’est pas accidentelle, et ne nécessite donc pas d’être « corrigée » comme s’y appliquent nos contemporains.

Il n’est pas question de suivre les traces de Par’o (le roi d’Egypte) qui avait asservi le Peuple Juif et qui, pour mieux les briser, intervertit les tâches des hommes et des femmes (Midrach Chemot Rabah 1, 11). Les rôles respectifs sont distribués depuis la Création, et il ne nous appartient que de déchiffrer les enseignements de la Torah.

Il est remarquable que cette Paracha, consacrée jusque dans son nom à Sarah Iménou, commence précisément lors de son départ de ce monde.

De plus, le premier verset insiste sur les segments de son existence en découpant : « cent ans, et vingt ans, et sept ans », puis conclut : « les années de la vie de Sarah ».

Rachi (basé sur le Midrach Beréchit Rabah, 58, 1) explique que la Torah vient comparer les différentes étapes de la vie de Sarah en soulignant qu’elle était « pareille » à vingt ans qu’à sept ans, en beauté, et à cent ans comme à vingt ans sans la moindre faute.

Au-delà des questions particulières sur ces deux comparaisons, le Midrach introduit ces considérations par le verset :  » Hachem « connait » les jours des Temimim (personnes intègres), et leur possession sera éternelle » (Tehilim, 37, 18). Le Midrach explique que tout comme ils sont intègres, ainsi leurs années sont « entières« .

Rachi explique la conclusion du verset : « les années de la vie de Sarah » : « Toutes étaient égales en bien » !

Cette affirmation soulève évidemment des questions lorsque nous considérons toutes les difficultés qui ont jalonné l’existence de Sarah Iménou : les nombreuses tribulations du fait qu’elle accompagnait Avraham Avinou, les deux épisodes chez Par’o (12,10-15), et Avimelekh (20, 1-16) (voir notre précédent Dvar Torah), la crainte de la famine (12, 10), les « Dix Nissyonot (épreuves) d’Avraham qu’elle a accompagné, les quatre-vingt-dix ans pendant lesquelles elle était stérile … Comment nos ‘Hakhamim peuvent-ils nous présenter toutes les années de la vie de Sarah comme étant un exemple de « qualité » ?!

Rav Chalom Schwadron (Lev Chalom, p. 181) souligne que non seulement nos ‘Hakhamim affirment que même avant la naissance d’Its’hak, Sarah Iménou était heureuse, mais ils vont jusqu’à dire que toutes les années étaient « égales » en bien ?! Il développe que telle est la grandeur de celui qui n’a pas d’autre désir que se conformer à la Volonté de Hachem. Pour un tel Tsadik, chaque situation, même opposée à une aspiration naturelle, comme souhaiter une descendance, est vécue comme l’accomplissement de la Volonté de Hachem, et ainsi évidemment positive. Bien que les Imahot (Mères) aspiraient naturellement à enfanter, le Décret Divin n’était pas pour elles une source de souffrance.

Rav ‘Haïm Zaytchik (Or HaNefech p. 157) explique que les épreuves de la vie n’entament pas la sérénité des « Temimim » car ils vivent les Nissyonot (épreuves) comme des étapes de leur épanouissement.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah 23, 1) souligne que cette Paracha qui parle de la mort de Sarah est appelée « Hayé Sarah » – la Vie de Sarah. De même, la Paracha Vaye’hi qui introduit la mort de Yaacov Avinou, est appelée « Vaye’hi » – il (Yaacov) vécut.

Rav Sorotskin explique que ces noms viennent ainsi nous enseigner que l’essentiel de la vie est la vie éternelle après que l’âme a quitté le corps.

Ces commentaires apaisent notre étonnement sur la valorisation des années de Sarah Iménou.

Mais quelle est la véritable dimension de Sarah Iménou et des autres Imahot ? Et quel est leur rôle dans la construction du Peuple d’Israël ? Que signifie le Midrach qui leur attribue le titre de « Temimim », soulignant la « Temimout » (l’intégrité) des actes de Sarah ?!

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah p. 150) définit la Temimout des actions comme étant un assemblage d’actions ponctuelles qui constituent un édifice cohérent jusque dans ses moindres détails. Il donne comme exemples l’accueil qu’Avraham ménageait à ses visiteurs, comme le décrit la Torah dans ses moindres détails (18, 2-8), ou encore la diligence et la précision des actes de Rivka lorsqu’elle répond à la demande d’Eliezer de lui donner « un peu d’eau » (24, 15-20).

Rabbi Yerou’ham souligne que le ‘Hessed (Don gratuit) n’exige pas la perfection, car même un peu de ‘Hessed est du ‘Hessed. Par contre le Emeth (Vérité) ne se définit que dans la perfection jusqu’au plus petit détail. Pour mériter un lien particulier avec Hachem, il faut atteindre une telle perfection des actions. Telle était la grandeur des Avot (Patriarches) et des Imahot (Mères).

Le Midrach (Beréchit Rabah 58, 3) ajoute une indication sur la grandeur de Sarah Iménou : « Rabbi Akiva enseignait, et l’auditoire somnolait. Il voulut les réveiller. Il dit : pourquoi Esther a-t-elle régné sur 127 provinces ? Que vienne Esther la « petite-fille » de Sarah qui a vécu cent et vingt et sept ans, et qu’elle règne sur 127 provinces ! ».

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché p.521) explique ce Midrach énigmatique. Pourquoi Rabbi Akiva a-t-il choisi cet enseignement particulier pour réveiller son auditoire ?

C’est parce que le Roi d’Israël a une obligation particulière de porter sur lui un Sefer Torah en permanence (Devarim 17, 19) pour rester conscient du devoir de « remplir » le temps de Torah et de Mitsvot.

Esther atteignit une telle conscience qui lui fit acquérir la véritable dimension royale visée par la Torah. Cette grandeur est comparable à celle de Sarah Iménou dont le verset dit que la totalité de ses années était d’une qualité égale !

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChèbaTorah, Pourim, p.83) développe pareillement que la grandeur commune à Sarah Iménou et Esther réside dans une existence « égale », sans « à coup », sans « chutes ». Cette constance est la caractéristique de la « Royauté » prônée par la Torah : un attachement permanent à Hachem.

Le Midrach Tan’houma développe l’éloge qu’Avraham Avinou prononça sur Sarah Iménou : le chapitre de Echet ‘Haïl (Michlé 31, 10-31) que nous lisons le soir de Chabat avant le Kiddouch.

Rav Epstein (Beér Moché, p. 503) souligne les paroles du Midrach sur le verset (31, 13) « elle a distingué entre la laine et le lin … » : « elle a distingué entre Its’hak et Yichmael« . Elle a dit à Avraham : « Chasse cette servante (Hagar) et son fils, car le fils de cette servante n’héritera pas avec mon fils, avec Its’hak ! » (Beréchit 21, 10).

Il ne s’agit évidemment pas d’un héritage financier, mais de la continuation de la mission d’Avraham dans l’Histoire de la Création. Et si la question se posait, si peu que soit, c’est que Yichmael dont la Torah souligne les manques était cependant réellement un « fils d’Avraham » dans la dimension spirituelle la plus élevée. Les personnages que la Torah nous présente, comme Essav également, sont, comme l’expliquent nos Maîtres, des personnalités de haut niveau, dont les défauts se situent dans des « sphères » qui dépassent notre perception …. Rav Epstein explique que la laine représente la « Anava » (la qualité de réserve) tandis que le lin représente la Gaava (l’orgueil). C’est l’opposition déjà présente entre Hevel et Caïn, les fils d’Adam Harichone qui apportèrent comme offrande l’un (Caïn) du lin, et l’autre (Hevel) des agneaux (laine) (Beréchit 4, 3-7 avec Midrach Tan’houma).

Rav Chalom Chapira souligne pareillement ce Midrach qui met en évidence la grandeur de Sarah Iménou dans le ‘Hinoukh (la formation) de la génération suivante.

Rav Guedalyahou Schorr (Or Guedalyahou, p. 74) explique qu’Avraham et Sarah « réparèrent » la faute d’Adam et ‘Hava. La faute de ‘Hava avait été de causer le « mélange » du Tov (Bien) et du Râ (Mal).

Sarah Iménou sut établir la distinction entre « la laine et le lin », entre Its’hak et Yichmael. Il souligne que tel était l’essentiel de la mission des Imahot (Mères). De même, Rivka Iménou sera attentive à ce « tri » indispensable dans la continuité d’Israël dans la mission d’Avraham Avinou, et recevra de Hachem la révélation de la différence profonde entre ses propres enfants, Essav et Yaacov (Rachi 25, 23 ; Targoum 27, 13).

Aussi, après qu’Eliezer, le serviteur d’Avraham ait rapporté à Its’hak les éléments de sa mission pour lui ramener une épouse (Rivka) (24, 66), et les Nissim (Miracles) qui l’avaient accompagné, ce n’est qu’après avoir constaté que ses qualités de Yir’at Chamaïm (la Crainte de Hachem) égalaient celles de Sarah que Its’hak construisit profondément son foyer avec elle (Targoum 24, 67).

La grandeur de nos Imahot résidait autant dans « l’affinage » de leurs qualités que dans le ‘Hessed.

C’est l’enseignement que chacune d’entre elles nous a transmis pour les générations : le ‘Hessed dans la perfection de chaque instant !

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