Parasha – 22 TEROUMA 5782

La Paracha Terouma est totalement dédiée à la Mitsva de confectionner le Michkan (le Tabernacle), où la Présence de Hachem au sein de Son Peuple se manifestera particulièrement.

Hachem ordonne à Moché Rabénou de faire appel à une collecte de matériaux destinés à cette réalisation. Le verset emploie ici le terme de “Terouma” (Prélèvement) pour qualifier cet appel, le comparant ainsi à la “Terouma” que nous devons prélever des récoltes de céréales, vin et huile. Le mot “Terouma” (issu de “roum”) a un sens d'”élévation”, et pas simplement de “contribution”.

La confection du Michkan suscite un questionnement : en quoi un espace limité peut-il “contenir” la présence Divine ?!

Rav Its’hak Zeev Yadler (‘Houmach Tiférèt Tsion) explique que Moché Rabénou devait expliquer la teneur de cette notion aux Bené Israël.

Selon la logique “humaine”, si Hachem voulait faire “résider” Sa Présence parmi les Bené Israël, il aurait convenu que ce soit dans des “Anané Kavod” (les Nuées de gloire) de même qu’au Mont Sinaï, lorsque Hachem avait “parlé” à Moché Rabénou (Chemot 24,15-18).

De plus, même si Hachem voulait que le Michkan soit confectionné en or et en argent, il Lui aurait suffi de fournir miraculeusement ces matériaux aux Bené Israël.

Rav Yadler explique donc qu’en réalité, le but de toute la Création étant de manifester la Présence Divine dans le monde physique, ce n’est que par l’action de l’homme matériel à laquelle il donne une dimension spirituelle que ce but est atteint. Seul l’élan pur spontané de don des Bené Israël pouvait donc satisfaire cet objectif.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, 25,2) s’étonne des termes du verset : “…de tout homme que son cœur exprimera la générosité…” ?! (25,2). Il rapporte que pour l’édification d’un Beth Haknésset (Synagogue) dans tout endroit où résident dix Juifs, ils peuvent se contraindre mutuellement à se doter d’un lieu de Tefila (Choul’han Aroukh chapitre 150).

Pourquoi alors, pour le Michkan dont la nécessité était ô combien supérieure, Hachem a-t-Il insisté sur l’expression de la “générosité” des Bené Israël ? Et comment comprendre aussi la rapidité impressionnante à laquelle les matériaux furent réunis (36,3-7) ?

Rav Sorotskin rapporte les paroles du Bekhor Chor qui souligne la différence avec les autres dons destinés au Michkan. Généralement les objets offerts pour l’entretien du Michkan ou les Korbanot sont eux-mêmes sans importance, puisqu’ils peuvent être vendus pour acquérir avec le produit de leur vente les matériaux nécessaires au Michkan.

Par contre, dans le cas de la confection initiale, la Torah énumère avec précision les matériaux que les Bené Israël devaient apporter (25, 3-7).  Seuls les éléments qui seraient directement incorporés dans la construction pouvaient être offerts.

Rav Sorotskin explique que le Michkan que les Bené Israël devaient confectionner était destiné à exister éternellement (même lorsqu’il ne serait plus en “exercice”…). Aussi les dons réels des Bené Israël devaient être incorporés, et devaient provenir d’un élan personnel, sans la moindre intervention extérieure. C’est pourquoi ils apportèrent spontanément, sans attendre la visite de collecteurs. Et en peu de temps, tout le nécessaire fut fourni, au point que Moché dut faire proclamer dans le campement de ne plus rien apporter !

Et, bien que le surplus éventuel aurait pu être affecté aux besoins ultérieurs du Michkan, les dons avaient été fait en vue de cette dimension particulière du Michkan éternel.

Rav ‘Haïm Benattar (Or Ha’Haïm, 36,7) souligne que la totalité des matériaux a été intégrée par un Ness (miracle) dans la confection du Michkan, bien qu’il y avait plus que le nécessaire, car Hachem a valorisé ainsi l’élan particulier de chacun.

Rachi souligne que le terme Terouma apparaît trois fois dans les deux versets (25, 2-3). Cela correspond à trois “prélèvements” distincts :

– le demi-chékel d’argent mentionné dans la Paracha Ki Tissa (30, 11-16) destiné à la confection des socles des panneaux du Michkan.

– un second demi-chékel d’argent destiné aux Korbanot (offrandes) collectives. (Cette Terouma était destinée à se répéter chaque année).

– les dons en matériaux destinés à la réalisation de l’ensemble du Michkan et de ses ustensiles.

Rav Nathan Tsvi Yehouda Berlin (Haamek Davar, 25,2) distingue, lui, entre la Terouma des socles, pour laquelle la règle était : “le riche n’augmentera pas…” et le reste des dons destinés au Michkan. Pour les socles, il n’y avait pas appel à la générosité, mais la participation était obligatoire et uniforme.

Notre Rav, Rav ‘Haïm Yaacov Rottenberg, Zatsal, expliquait que la base du Michkan devait être donnée à égalité par tous, tout comme le respect des lois de la Torah consignées dans le Choul’han Aroukh doit être unanime et obligatoire au sein du Peuple Juif. Ce n’est qu’après que les fondations ont été établies que peut se manifester l’individualité de chacun. Là seulement s’est exprimé l’élan de générosité spontanée des Bené Israël.

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.124) rapporte les paroles de nos ‘Hakhamim (Midrach Chemot Raba, 33, 1) qui introduisent notre Paracha par le verset (Michlé 4, 2) : “Car une bonne Part Je vous ai donnée, Ma Torah ne l’abandonnez pas !”.

Le Midrach développe qu’il y a des achats qui comportent de l’or mais non de l’argent, ou de l’argent mais pas d’or.

Par contre la Torah que Hachem nous a donnée possède la dimension de l’argent et de l’or. Rav Schorr explique ce Midrach à l’aide des paroles du Ramban qui relie la Présence Divine dans le Michkan à la manifestation sur le Mont Sinaï où nous avons reçu la Torah. Hachem prolonge Sa Présence qu’Il a manifestée dans Matane Torah au Har Sinaï en notre sein dans le Michkan (Particulièrement dans le Kodech Hakodachim, au-dessus du Aron contenant les Lou’hot). C’est donc la grandeur de la Torah qui s’exprime dans le Michkan. C’est pourquoi les ‘Hakhamim rattachent la construction du Michkan à la Torah.

Rav Schorr explique qu’il ne s’agit pas ici de valoriser l’or et l’argent dans leur dimension matérielle, mais de comprendre que chaque élément du monde physique correspond en fait à une réalité spirituelle qui en est la racine.

Ainsi, parler d’or et d’argent (et d’autres “valeurs” matérielles) relativement à la Torah ne consiste pas à banaliser la Torah, mais au contraire à souligner qu’elle est la source de tout dans ce monde.

Dans ce sens, les acquisitions matérielles de l’homme dans ce monde correspondent à ses acquis spirituels. Aussi Hachem accorda une importance majeure aux dons des Bené Israël pour la confection du Michkan, chaque élément devant aboutir à une utilisation en phase avec la dimension spirituelle de celui qui l’avait offert.

La Kavana (intention profonde) des donateurs influait ainsi sur la réalisation finale.

C’est ainsi qu’il est rapporté au nom du Gaon de Vilna que si dès le départ, un Beth Haknesset était construit (y compris la confection de la hache pour couper le bois …) “LeChem Chamaïm” (au nom du “Ciel”), il ne pourrait pas s’y exprimer de Tefila avec une pensée étrangère !

C’est l’explication de la Guemara (Baba Metsia 85b) qui rapporte que Rabbi ‘Hiya enseignait la Torah aux petits enfants (‘Houmach et Michna) afin que la Torah ne s’oublie pas dans le Peuple Juif. Pour ce faire, il écrivait des ‘Houmaché Torah (les cinq livres) qu’il confiait aux enfants. Pour confectionner ces ‘Houmaché Torah, il semait du lin, afin d’en faire des filets avec lesquels il capturait des cerfs ; il utilisait la peau pour écrire les Sifré Torah.

N’aurait-il pas été plus “efficace” de consacrer directement son énergie à enseigner la Torah, sans “perdre de temps” à préparer lui-même les matériaux depuis le lin pour les filets ?!?

Rabbi ‘Hiya nous révèle ici l’impact de la Kavana sur les résultats.

La confection du Michkan reste donc toujours d’actualité pour nous à travers tous ces enseignements.

De même que la confection du Michkan faisait appel à deux niveaux de participation : les socles, contribution égale de tous, obligatoire, ainsi en est-il de chaque Mitsva ! Tout d’abord doit s’exprimer la soumission totale à la Mitsva, identique pour chacun. Seulement sur cette base peut, et doit, se manifester la spontanéité de chacun !

Et tout comme le Beth Haknesset décrit par le Gaon de Vilna aurait dans notre monde une qualité exceptionnelle, ainsi en est-il de chaque chose dans notre quotidien : l’étude et l’enseignement de la Torah, l’accomplissement de chaque Mitsva …

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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