Parasha – 219 – Ki Tétsé – 5785

בס »ד

Le début de la Paracha Ki Tétsé évoque une situation qui peut survenir lorsqu’on sort en guerre (Devarim 21,10- 14), et la confrontation avec une épreuve : le désir incontrôlable inspiré par une captive non-juive.

La Paracha nous met en garde contre les conséquences d’un tel élan (Rachi 11) en évoquant la suite plus que probable d’un tel choix : le rejet d’une telle union, et la dérive probable du fruit de ce mariage.

Plus loin dans la Paracha, après diverses situations d’épreuves face à ce qui est « extérieur » à notre quotidien « réglé », (22, 1-4 ; 6-10 ; 22,13-23, 9), la Torah nous définit à nouveau les « règles » de la confrontation au monde extérieur (23, 10-15) : « Lorsque tu sortiras en campement sur ton ennemi, tu te garderas de toute mauvaise chose … et un endroit sera pour toi à l’extérieur du camp, et tu y sortiras à l’extérieur (pour les besoins naturels). Et un piquet sera pour toi dans tes équipements, et ce sera lorsque tu t’assoiras à l’extérieur, et tu creuseras avec lui, et tu recouvriras tes excréments. Car Hachem ton Dieu chemine au sein de ton camp, pour te sauver et pour livrer tes ennemis devant toi, et ton camp sera Kadoch (Saint) … ».

Cette insistance de la Torah sur la Kedoucha du camp « militaire » est la source des règles de « propreté » indispensables pour prononcer des paroles de Torah ou de Tefila. Il est interdit de prononcer quelque parole de Kedoucha en présence d’excréments (Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Haïm, chapitre 76).
Le Ramban (23, 10) explique que la nécessité de couvrir les excréments ne s’apparente pas à la Touma (l’impureté) qui souille l’endroit même après qu’elle ait été recouverte. Mais il est interdit de voir ces excréments au moment de la Tefila alors que le cœur est attaché à Hachem, car
les choses répugnantes éveillent une dégradation dans l’âme, et faussent la Cavana (l’orientation) du cœur pur.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique que le mot « Ma’hanèkha » – ton camp, se comprend aussi au pluriel, pour inclure, au-delà du camp de l’armée, tout regroupement occasionnel ou fixe. Toutes les circonstances de la vie, et pas seulement les Beth Haknesset (synagogue) et Beth HaMidrach (lieu d’étude), doivent être empreints d’élévation spirituelle, et protégés des rappels de la dimension « animale » de l’Homme.

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah Vayikra p.204) analyse cette règle et cite l’explication du Ramban. Il s’étonne d’un tel impact d’une chose (les excréments) qui éveille naturellement le dégout. Il remarque que « l’obturation » du cœur causée par une cause extérieure amène à des conséquences imparables. Il en conclut que si déjà le spectacle involontaire d’une chose dégoutante suffit à « boucher » le cœur, combien, alors, les objets des désirs humains peuvent fausser le fonctionnement du cœur sans qu’il puisse s’en affranchir à sa volonté.

Rav ‘Haïm Zaïtchik (Or ‘Hadach Devarim 191) étend encore la portée de cette « mise en garde ».
Si la Torah nous avertit de l’effet de la vue d’une chose dégoutante sur notre cœur, combien plus grave, alors, sera la confrontation avec un Racha (Mécréant).

La Guemara (Meguila, 28a) développe abondamment l’interdiction absolue de contempler le visage d’un Racha. Le Maharcha explique, en citant les Sages de la Kabale, que le visage reflète l’intériorité de l’homme, en bien ou en mal. Il relie cet interdit au verset (Vayikra 19, 4) « ne vous tournez pas vers les « Ellilim » (Fausses divinités) ! ».

Le Rambam (Hilkhot Avodat Cokhavim, 2, 1-3) développe que l’interdiction de l’idolâtrie ne se limite pas au culte. Il est également interdit de lire les ouvrages relatifs à l’idolâtrie, de penser à ce sujet, et même de contempler la représentation d’une idole. C’est le sujet du verset cité ci-dessus.

Le Rambam poursuit son analyse et élargit l’interdiction à toute pensée qui mènerait à la remise en question d’un des principes fondamentaux de la Torah.
C’est le sens du verset (Bamidbar 15, 39) que nous lisons matin et soir dans le troisième paragraphe du Chema : « Et n’investiguez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux ! ». Le Rambam rapporte le commentaire de nos Sages : le cœur, c’est la négation (d’un principe de la Torah), et les yeux, c’est le comportement licencieux.

Rav ‘Haïm Zaïtchik (Or ‘Hadach ci-dessus) souligne que si déjà il est interdit de regarder le visage d’un Racha, il est encore bien plus corrosif pour nous d’écouter ses paroles impures et impies. Il cite que le Gaon de Vilna, malgré sa grande force de Torah, disait ressentir un « refroidissement » de son esprit lorsqu’il passait dans la rue. Même chez lui il veillait à fermer les volets alors qu’il étudiait afin d’éviter le moindre contact avec la rue …

Rav Zaïtchik rapporte également que le ‘Hatam Sofer déplorait l’impact des visites d’un de ses disciples qui avait été infecté de pensées négatives. Après ces visites, il prenait immédiatement un livre de Moussar (étique de la Torah) pour chasser cette empreinte.

Des faits comparables sont rapportés au sujet des Maitres des générations récentes : Rav Baroukh Ber Leibowitz (un des grands dirigeants de Yechiva de l’époque d’avant la Choa, Talmid de Rav ‘Haïm de Brisk) se trouva confronté à la visite indésirable de Bialik, un des « poètes » chantres de l’assimilation, qui avait été son condisciple à la grande Yechiva de Volozin. Rav Baroukh Ber mit comme condition à cette visite qu’il fixerait son regard vers la table et ne lèverait pas un seul instant ses yeux vers ce visiteur. La même attitude est rapportée concernant la visite de Ben Gourion chez le ‘Hazon Ich …

Pour illustrer les dégâts causés par des propos dénigrants, Rav Zaïtchik analyse le cas de Yichmaël, le fils d’Avraham. Il est évident qu’Avraham et Sarah ont prodigué toute leur attention au ‘Hinoukh (la formation) de Yichmaël. Lorsque Hachem annonça à Avraham la naissance de Its’hak, Avraham ressentait qu’il ne méritait pas un tel cadeau, aussi il demanda à Hachem que Yichmael « vive devant Lui », c’est-à-dire dans le respect de Hachem qu’il lui avait inculqué.

C’était le moment où Yichmael accepta de se soumettre à la Brit Mila, et selon les paroles d’Avraham il était donc apte à devenir l’héritier de la mission d’Avraham face à l’Humanité …
Alors qu’est ce qui a détérioré Yichmael au point de le disqualifier ?!

Rav Zaïtchik répond que ce furent les propos des moqueurs de l’époque qui propageaient la rumeur que Sarah était enceinte d’Avimélekh et non d’Avraham (Sforno, Beréchit 21, 9) ! Ces paroles que même Hagar, sa mère, lui avait rapportées, le déstabilisèrent et lui firent perdre tout l’avenir de grandeur qui lui était réservé en tant que fils d’Avraham. Rav Zaïtchik souligne qu’on voit de là que l’air vicié peut même s’insinuer dans la maison d’Avraham et Sarah et y abimer des âmes élevées par eux !

Rav Zaïtchik cite encore le Séfer Ha’Hinoukh (Mitsva 456) qui comprend l’interdiction de la Torah d’écouter un faux-prophète comme s’appliquant non au fait de croire à ses prétendues prophéties, mais même de scruter ses arguments dès le départ.
Le Sefer Ha’Hinoukh explique que l’intellect humain n’est pas assez solide pour atteindre la vérité par lui-même. Aussi,
l’interdiction de la Torah vient protéger l’homme d’une contagion même provisoire.

Ces recommandations qui pourraient nous sembler « excessives » prennent tout leur sens pour nous lorsque nous constatons actuellement que le Monde entier bascule dans une hystérie de haine à l’encontre de notre peuple, sans que la moindre trace de discernement ne se manifeste chez quelque « intellectuel » que ce soit. Les non-juifs (et malheureusement également ceux de nos frères qui ont tourné le dos à la Torah …) sont évidemment plus fragiles à la déstabilisation. Il est toutefois intéressant d’analyser que la « dérive » commence par des idées « généreuses » de bien public. Le socialisme, suivi par la « liberté » qui dérive rapidement en « licence », aboutissent finalement à la justification même de la violence aveugle !

La période du Corona nous a appris les règles élémentaires de l’hygiène et de la prophylaxie dans le domaine physique. Apprenons à appliquer les mêmes principes à la protection de notre Nechama.

Prenons conscience de l’impact de cette culture qui nous est étrangère par son essence, et retrouvons la solidité de nos valeurs fondamentales dans la distance indispensable face à toute contagion.בס »ד