Parasha – 21 MICHPATIM 5782

La Paracha Michpatim suit immédiatement la Paracha Yitro qui est dédiée à Matane Torah (le Don de la Torah). Michpatim s’achève avec le récit des évènements qui précédèrent et suivirent Matane Torah.
Cette Paracha traite principalement de lois “civiles”. Sa place, intercalée au milieu de Matane Torah, est surprenante…
Le 1er verset de la Paracha dit : “Et voici les lois que tu placeras devant eux” (Chemot 21,1).
Rachi remarque que le “Vav” traduit par “et” qui introduit la Paracha appelle explication.
Il dit que ce “Vav” vient relier la Paracha des règles “sociales” à la Paracha précédente, où Moché Rabénou a transmis les Asséret HaDibrot (les Dix Commandements) aux Bené Israël, pour enseigner que de même que les Asséret HaDibrot ont été dites au Sinaï dans la révélation de Hachem, ainsi les lois énoncées dans notre Paracha ont également été transmises au Sinaï.
Les règles “sociales” de la Torah ne sont en rien comparables aux lois de tous les peuples qui sont d’origine humaine et n’ont d’autre objectif que d’assurer la “paix sociale”.
Même les lois “civiles” de la Torah possèdent en réalité une dimension spirituelle d’origine Divine.
A propos de l’expression : “devant eux”, Rachi précise : “et pas devant des idolâtres, même si tu sais sur une règle qu’ils la jugent comme les lois d’Israël etc…”.
C’est une manifestation de plus que ces lois ont une dimension spirituelle bien au-delà de leur intérêt civil.
A propos de notre Paracha, nos ‘Hakhamim (Chemot Rabah, 30, 9) citent le verset de Tehilim (147, 19-20) : “Il exprime Ses paroles à Yaacov, Ses décrets et Ses lois à Israël ; il n’a pas fait de-même pour chaque peuple, et ils ne connaissent pas les lois”.
Le terme “Michpatim” traduit par “lois”, désigne les lois de la Torah accessibles à l’intellect humain, et donc particulièrement les règles de la vie civile.
Le Midrach rapporte à ce propos le dialogue entre Akilas, un romain et l’Empereur Adrien. Akilas fit part à Adrien de son intention de se convertir et devenir Juif. Adrien l’en dissuada en soulignant toutes les persécutions et massacres qu’il avait lui-même perpétrés contre les Juifs, voulant prouver par cela leur infériorité.
Devant la réponse d’Akilas que le moindre des Sages d’Israël connaissait les secrets de la Création, Adrien lui suggéra d’apprendre auprès d’eux, sans toutefois pratiquer la circoncision, acte irréversible.
Akilas répondit en mentionnant le verset mentionné ci-dessus qu’aucun sage non-juif ne pourrait avoir accès à la connaissance sans être circoncis.
Le Midrach nous enseigne ainsi que l’accès à la compréhension des règles même “logiques” de la Torah est exclusivement réservé aux Bené Israël. Tel est le privilège que nous a octroyé Hachem en nous donnant la Torah, et en nous appelant “Ses fils” !
Rav Noa’h Chalom Bérézovski (Netivot Chalom, p.169) explique que les lois civiles des nations sont d’ordre intellectuel et dépendent de l’analyse personnelle des juges, qui peuvent se tromper.
Par contre, les Juges d’Israël, qui jugent selon les lois de Hachem, sont inspirés par Lui dans leur jugement.
Rav Bérézovski enchaîne en disant que l’objectif de ces règles est le même que celui de toute la Torah : amener la Présence Divine sur terre.
Il ne suffit donc pas au juge de décider selon sa logique personnelle, car alors sa démarche est alors opposée à la Torah. Il doit, certes, juger “juste”, mais non pas au nom de sa propre appréciation, mais parce que telle est la parole de Hachem, et ainsi a dit la Torah.
Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV Tel France : 01 77 47 24 71 Israel : 05 33 12 24 36
Rav Guedalyahou Schorr (Or Guedalyahou, p. 51) souligne que le fait que ces lois nous semblent raisonnables et droites est dû au fait c’est que Hachem Qui a créé l’Homme ainsi, et Qui a mis en lui un intellect droit, apte à comprendre que ces lois sont l’expression de la droiture.
Il ajoute qu’en ce qui concerne les descendants de Noa’h (les non-juifs), le verset de Kohélèt (3, 11) dit que Hachem “a mis le Monde dans leur coeur” c’est à dire que Hachem a implanté dans l’intellect humain les notions nécessaires à la pérennité du Monde. (Ce qui ne veut évidemment pas dire que chaque homme, et les juges en particulier, ne puissent pas penser de façon “tordue”… l’aptitude à s’opposer à la volonté profonde de Hachem reste à la disposition du “libre arbitre” de l’Homme …).
Néanmoins, Rav Schorr remarque que certaines règles des lois “civiles” de la Torah restent “hermétiques” à la logique humaine (comme, par exemple, la dispense de payer un dommage causé par le feu à un objet “enfoui” et non visible).
L’homme doit comprendre par cela que les lois de la Torah sont bien au-delà de sa raison.
De-même que Hachem a mis dans l’intellect humain en général la base des règles de droiture élémentaires, ainsi Il a mis dans la profondeur de la personnalité des Bené Israël l’aptitude à percevoir les règles de la Torah qui construisent le “Olam Haba” dans ce Monde-ci, c’est-à-dire la dimension spirituelle supérieure qui se construit dans la vie dans ce Monde.
Rav Chalom Schwadron (Lev Chalom, p. 249) explique le verset de Tehilim cité dans le Midrach en disant que nous devons aborder l’étude des règles sociales avec la même soumission avec laquelle nous étudions le Séder Taharot – la partie du Talmud relative aux règles de pureté et d’impureté.
Dans le Séder Taharot, il ne nous vient pas à l’esprit de prétendre appréhender la racine des lois, et nous comprenons que les raisonnements sont au-delà de la raison humaine. Nous comprenons que tout notre effort doit porter à assimiler les choses dans leur dimension spécifique, sans chercher à les juger selon notre logique. Ainsi devons-nous aborder pareillement l’étude des traités de la Michna et de la Guemara relatifs aux lois civiles.
Rav Schwadron souligne que si nous mêlons la logique humaine à cette étude, alors nous butterons inévitablement sur des difficultés de compréhension et nous en viendrons fatalement à chercher à “ajuster” ces lois selon notre raison …
La Guemara (Chabat 31a) nous ouvre une “fenêtre” sur cette notion en rapportant le verset dans Yechayahou (33, 6) : “Vehaya Emounat Itè’kha ‘Hossen Yechou’ot ‘Hokhmat Vadaat …” – ce sera la Emouna de tes moments, la force des sauvetages, la ‘Hokhma (Sagesse) et le Daat (la connaissance) ….
Dans une de ses interprétations, la Guemara relie ce verset aux six ordres (parties) du Talmud, dans cet ordre : Zeraïm – les semences, le Traité consacré aux lois de la culture ; Moèd – les lois liées au temps, les fêtes ; Nachim – les lois concernant le mariage et tout ce qui en dépend ; Nezikim – les lois civiles ; Kodachim – les lois des Korbanot – les Offrandes au Beth Hamikdach ; Taharot – les règles de la pureté et de l’impureté. Les termes “‘Hokhma” (sagesse) et “Daat” (connaissance) sembleraient de prime abord plus en rapport avec le Séder Nezikim, dédié aux lois civiles, les plus accessibles a priori à la raison humaine !
Comment comprendre que ces termes sont appliqués aux domaines les plus inaccessibles à notre logique ?
Il semble que la Torah nous enseigne par là que pour accéder réellement à la sagesse et à la connaissance, il faut tout d’abord “formater” notre esprit au contact des notions de Kodachim et Taharot. Ce n’est que par cela que nous serons pleinement à même d’analyser les règles du Séder Nezikim convenablement.
Notre compréhension, même des notions les plus élémentaires de la Torah, ne peut se construire qu’à la mesure de la Emouna avec laquelle nous abordons l’étude. Ce n’est qu’en comprenant la véritable dimension Divine de chaque parole de la Torah, même là où elle paraît accessible à un niveau élémentaire, que nous pouvons aborder l’organisation de notre existence dans le quotidien.
Cette “Paracha des lois sociales” a donc bien sa place, entre la Paracha Yitro, dédiée à la révélation qui a eu lieu au Har Sinaï, et Terouma, qui amorce la construction du Michkan (Tabernacle) où Hachem s’adresse à nous pour guider chacun de nos pas…

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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