Parasha – 209 – Kora’h – 5785

בס »ד

La Paracha Kora’h est un défi à notre compréhension des messages de la Torah.

Le personnage de Kora’h (Bamidbar 16, 1-35) qui conteste l’autorité de Moché Rabénou semblerait de prime abord être un simple « intrigant » avide d’honneur et de position sociale.

Une telle lecture relève d’une pauvreté dramatique de réflexion ! Seuls ceux qui sont profondément infectés des préjugés de la « critique biblique », la démarche « négationniste », qui aborde la Torah comme une œuvre humaine banale, pour la désacraliser, peuvent s’attarder à une telle analyse.

Considérons les éléments divers de ce dossier avec rigueur intellectuelle :

Cet événement se situe 2 ans après la Sortie d’Egypte. Les Bené Israël, même les plus simples, ont vécu personnellement les Nissim (Miracles) des Dix Plaies et de la Sortie d’Egypte. Ils ont traversé la Mer Rouge à pied sec, sous la conduite de Moché Rabénou. Ils ont vécu sans intermédiaire la Révélation de Hachem au Har Sinaï, où Hachem a montré la dimension particulière de Moché Rabénou. Puis Moché leur a apporté les premières Lou’hot (Tables des Dix Commandements), et ensuite les secondes Lou’hot, après la Faute du Eguel (Veau d’Or) et le pardon de Hachem. Ils ont pu voir comment le Michkan (Tabernacle) n’avait pu être érigé que par Moché.

– Les « associés » de Kora’h, les 250 hommes, tous issus parmi les guides des Chevatim (Tribus), sont invités à s’associer à un « test », face à Aharon, qui définira qui est le Cohen Gadol Choisi par Hachem (16, 6-7), en sachant que seul l’élu sortira indemne de cette épreuve, les autres mourront pour avoir accompli la Avoda (Service) de la Ketorèt (encens) sans y être autorisés. Ils prennent délibérément ce risque (16-18) et seront consumés par un feu sortant du Michkan (35).

Comment comprendre l’inconscience de ces hommes qui ont assisté à tous les prodiges accomplis par l’intermédiaire de Moché Rabénou, et qui prennent le risque de conséquences aussi dramatiques ?!

-La suite des évènements n’est pas moins surprenante… Les Bené Israël reprochent à Moché Rabénou d’avoir provoqué ce désastre (17, 615), s’exposant de ce fait à une nouvelle intervention de Hachem qui coûtera la vie à 14.000 hommes avant que Aharon endigue la plaie à l’aide de ce même Ketorèt (encens) auquel les Bené Israël en étaient venus à attribuer des effets néfastes …

Comment déchiffrer ces évènements avec le regard d’un banal conflit de positions sociales dans une communauté ou une entreprise ?!

Comment croire que la Torah éternelle de Hachem nous raconterait un fait divers aussi ordinaire ?!

Le Midrach (Bamidbar Raba 18, 8) soulève la question : « Kora’h qui était un homme sensé, qu’a-t-il vu pour s’engager dans cette inconséquence ?! Mais son œil l’a induit en erreur : il a vu qu’une chaîne de grandeur sortirait de lui, Chemouel qui est considéré comme Moché et Aharon, comme il est dit : « Moché et Aharon parmi Ses Cohanim, et Chemouel parmi ceux qui invoquent Son Nom … » (Tehilim 99, 6).

Quel est donc cet « œil » qui a trompé Kora’h ?

Il s’agit manifestement d’une perception de « Roua’h HaKodech » (Inspiration Divine), d’un niveau juste inférieur à la Nevoua (Prophétie). Il s’avère donc que Kora’h chuta du fait même de sa propre grandeur !

La Michna dit : « Toute Ma’hlokèt (divergence) qui est « LeChem Chamaïm » (Pour le Nom du Ciel) est destinée à s’établir ; et celle qui n’est pas « LeChem Chamaïm » n’est pas destinée à s’établir (Avot 5, 17).

Quelle est la Ma’hlokèt qui est « LeChem Chamaïm », c’est la Ma’hlokèt de Hillel et Chamaï. Et celle qui n’est pas « LeChem Chamaïm », c’est celle de Kora’h et tout son groupe ! ».

Le fond de la divergence de Kora’h était ainsi comparable à celle de Hillel et Chamaï, qui était intégralement une discussion de Halakha (Règles d’accomplissement de la Torah), et non une banale querelle d’intérêt personnel.

Rav Ye’hezkel Sarna (Dalyot Ye’hezkel I, p.302) analyse l’épisode de la Ma’hlokèt de Kora’h. Il cite la Michna dans Avot qui compare la Ma’hlokèt de Kora’h à celle de Hillel et Chamaï. Il rapporte également le Midrach cité plus haut et en déduit que le fondement de la démarche de Kora’h était la recherche de l’élévation spirituelle. Il en conclut que, comme la Michna le dit, le défaut « unique » de son aspiration était le fait qu’elle était : « Chèlo LeChem Chamaïm » (pas  » LeChem Chamaïm »). Kora’h lui-même n’était pas conscient de ce manqueau plus profond de lui. Il était persuadé de mener une analyse « désintéressée » de principe de vie selon la Torah pour le Peuple entier. Il ne voyait pas du tout clair en lui-même qu’il avait une attente personnelle d’être Cohen Gadol qui faussait son jugement.

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah p.164) développe l’analyse de cet épisode. Il souligne que l’objectif de Kora’h n’était effectivement pas d’un niveau médiocre de recherche de position sociale. Mais voyant la possibilité d’une plus grande proximité à Hachem à travers la mission de Cohen, il tendait de toute sa personne vers une telle grandeur spirituelle. Une telle « jalousie » est totalement d’une dimension de Kedoucha (« Sainteté ») ! Toutefois, Rabbi Yerou’ham souligne que nos ‘Hakhamim disent « Il n’y a entre le Guehinom et le Gan Eden que l’épaisseur d’un cheveu ! » (Yalkout Chimoni Kohélèt 976).

Même à un tel sommet de Kedoucha, où la « jalousie des Sages accroit la sagesse », dans une poursuite extrême de la proximité à Hachem, il subsiste une porte pour le Yetser Hara (Penchant du Mal), qui permet de passer de la « Jalousie » de Kedoucha, à la conscience de ses propres manques, à un « cheveu » de jalousie simple de la supériorité de l’autre.

Et c’est dans cette « épaisseur d’un cheveu » que Kora’h a chuté !

Rabbi Yerou’ham apprend de là la grandeur extraordinaire du véritable « LeChem Chamaïm » !

Un simple manquement, aussi fin qu’un cheveu, au niveau de la Kavana – l’intention, suffit à perdre la clarté de vue !

Dans le Dvar Torah sur la Paracha Chela’h, la semaine dernière, nous avons souligné que la notion de « Lo tatourou a’haré levavekhem vea’haré eynékhem » (Ne déviez pas à la suite de votre cœur et à la suite de vos yeux) ne s’adresse pas aux appétits matériels banals, mais aux perceptions que nos sens nous communiquent sur le Monde. En considérant les Tsitsit que nous mettons aux quatre coins de nos vêtements, nous devons tourner notre regard exclusivement sur la véritable réalité, la Présence unique de Hachem derrière chaque fait grand ou petit !

Kora’h a été induit en erreur par son œil, comme le dit le Midrach. Comme le développement du Midrach le révèle, le « regard » qui a faussé le jugement de Kora’h était le « Roua’h HaKodech », l’Inspiration Divine qui lui a fait percevoir sa descendance jusqu’à Chemouel HaNavi. Cette connaissance en elle-même était exacte, mais l’interprétation qu’il en a fait était erronée, due à un manque infime de « LeChem Chamaïm » !

Moché Rabénou a vu, lui aussi la chaîne des générations issues de Kora’h. Toutefois il a vu également qu’elle était le résultat de la Techouva des fils de Kora’h qui se sont repris et démarqués de l’erreur de leur père. C’est la différence entre le regard « intéressé » de Kora’h qui n’a pas perçu son erreur, et le regard extérieur de Moché Rabénou qui n’était pas aveuglé par une aspiration personnelle comme Kora’h !

Chacun de nous peut et doit apprendre de l’exemple de Kora’h que nul n’est à l’abri de l’erreur !

La Torah nous enseigne ici et pour toutes les générations la seule protection contre les erreurs : n’accorder aucun crédit à notre propre intellect dès lors qu’une question touchant de près ou de loin à un détail de Mitsva est en jeu.