Parasha – 207 – Behaalotekha – 5785

בס »ד

La Paracha Behaalotekha rapporte les développements qui accompagnèrent le premier accomplissement de la Mitsva de Pessa’h après la Sortie d’Egypte (Bamidbar 9, 1-14).

Un an après la Sortie d’Egypte, Hachem ordonna aux Bené Israël par l’intermédiaire de Moché Rabénou d’offrir le Korban (Offrande) Pessa’h. C’est la seule occasion d’accomplissement de cette Mitsva dans la génération du Désert, avant que les Bené Israël n’entrent en Erets Israël et qu’ils en aient l’obligation annuelle.

Les raisons pour lesquelles ce Korban ne fut pas accompli pendant les quarante années suivantes que les Bené Israël vécurent dans le désert font l’objet de discussions de nos ‘Hakhamim, mais ce n’est pas l’objet de notre étude présente. Il est clair que ce Pessa’h revêtait une dimension particulière, car il fut accompli par la génération-même qui avait vécu les Nissim (Miracles) de la Sortie d’Egypte, et qui témoignaient par leur Avoda (le Service de Hachem) de la Manifestation Divine à laquelle ils avaient assisté. Ils construisaient ainsi le pont avec les générations à venir.

Au seuil de ce Pessa’h, la Torah rapporte : « Il y eut des hommes qui étaient impurs à une personne humaine, et ils ne pouvaient pas faire le Pessa’h ce jour-là ; et ils s’approchèrent de Moché et de Aharon ce jour-là. Et ces hommes lui dirent : nous sommes impurs à une personne humaine ; Pourquoi serions-nous diminués et ne pourrions pas approcher le Korban de Hachem en son temps, parmi les Bené Israël ?! » (9, 6-7).

La suite de la Paracha nous enseigne que Moché Rabénou interrogea Hachempour eux, et reçut ainsi les règles de « Pessa’h Chéni » (le « second » Pessa’h) qui permet à ceux qui ont été empêchés d’accomplir Pessa’h en son temps de bénéficier d’une « cession de rattrapage » un mois plus tard, le 14 Iyar.

Ce passage soulève diverses questions :

– La Mitsva du Korban Pessa’h est-elle la seule qui « bénéficie » d’une « cession de rattrapage » ! Quelle particularité justifie une telle exception ?

– Les hommes qui ne pouvaient pas accomplir le Korban Pessa’h se sont insurgés contre cette privation. Pourquoi faisaient-ils tellement cas de cette Mitsva particulièrement ? Comme de nombreux commentateurs le soulignent, soit ils ne savaient pas qu’étant impurs ils ne pouvaient pas participer au Korban, et alors ils n’auraient pas eu de question ; soit ils savaient que l’impureté les disqualifiait, et dans ce cas que voulaient-ils ?! Pouvaient-ils penser que Hachem inventerait une nouvelle Torah pour les satisfaire ?!

– La solution proposée était-elle conséquence de leur intervention ?

Rachi souligne que cette règle aurait dû être exprimée indépendamment de toute demande, puisqu’il dit qu’elle aurait dû être enseignée par Moché Rabénou comme le reste de la Torah, mais que ces hommes ont mérité qu’elle soit exprimée suite à leur revendication (9, 7).

En quoi consistait ce mérite exceptionnel qui leur a donné cette distinction qu’une règle de la Torah soit liée au nom de ces hommes ?

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, 9, 7) souligne que de prime abord la démarche de ces hommes nous est totalement étrangère ! Un des principes de la Torah stipule que celui qui est occupé à une Mitsva est dispensé de l’accomplissement d’une autre Mitsva qui se présente devant lui. Aussi, comment pouvaient-ils se sentir « diminués » ?! Il répond que c’est notre existence « étriquée » qui nous fait nous réjouir de chaque occasion « d’échapper » à l’obligation d’un « sacrifice » sur notre confort qui nous rend leur élan si étranger !

Pessa’h est la construction initiale de notre Peuple ! Selon la Torah, même un Guer (Converti), qui n’a pas de lien de généalogie avec les Bené Israël qui sont sortis d’Egypte, doit participer au Korban Pessa’h (9, 14) !

Ce n’est pas la commémoration d’un évènement historique qui ne le concernerait pas. C’est la base de son appartenance au Peuple de Hachem, comme chacun de nous !

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Bemaaguelé Chana, III, p.36) décrit notre « rendez-vous » de Pessa’h comme le « Gala » annuel de notre « association » ! Même dans la Galout où nous sommes dispersés aux quatre coins de la Terre, nous sommes unis dans cette occasion répétée de nous réunir dans cette appartenance. « Faute d’une salle assez grande pour nous contenir tous », dit Rav Hirsch, nous fêtons ce moment au sein des familles, mais unis comme les maillons d’une chaine qui couvre l’ensemble du Monde. Au-delà de cette description « actuelle » de Rav Hirsch, revenons à l’époque où nous venions tous à Yerouchalaïm pour vivre Pessa’h avec le Korban. Même si chaque groupe familial s’attablait séparément pour le Séder, la consommation du Pessa’h, de la Matsa et du Maror, tous les Bené Israël étaient alors unis dans l’enceinte de Yerouchalaïm qui les contenait tous ensemble grâce à un Ness (Miracle) permanent !

C’est à un tel Pessa’h de « fusion » du Peuple de Hachem que les Bené Israël avaient étéconviés par Moché Rabénou pour la première année après la Sortie d’Egypte !

Nous pouvons ainsi mieux comprendre le sentiment de ceux qui par des circonstances particulières étaient exclus de cette unité grandiose !

Rav Its’hak Arama (Akédat Its’hak, p.28b) souligne que ces hommes comprenaient profondément qu’il était inconcevable que leur état de Touma (Impureté) les tienne à l’écart d’un tel Korban de proximité avec Hachem. Forcément il devait y avoir une solution particulière à cette situation qui résultait de faits indépendants de leur volonté. Pourquoi serions-nous diminués et ne pourrions pas approcher le Korban de Hachem en son temps, parmi les Bené Israël ?! » Et effectivement leur sentiment rejoignait la règle prévue par Hachem d’octroyer à quiconque a été empêché de faire le Korban Pessa’h une « cession de rattrapage » un mois plus tard, le 14 Iyar (9, ,9-12).

Rav ‘Haïm Zaytchik (Mayené ‘Haïm p.255) dit que ces hommes ont simplement exprimé leur détresse et leur aspiration sans limites à la Mitsva, même s’ils n’entrevoyaient pas de solution. Toutefois leur cri fut entendu par Hachem qui répondit en enseignant la règle de Pessa’h Chéni (le « second Pessa’h »).

Rav Ye’hezkel Levinstein (Or Ye’hezkel, Midot, p.316 et suivantes) développe la notion de la grandeur de l’Homme. Dès lors qu’il est conscient de la grandeur de l’Homme qui est « à l’image de Elokim », de notre grandeur particulière d’être  » les Fils de Hachem » (Devarim 14, 1), et conscient du lien profond de la Nechama d’Israël avec Hachem, un Juif ne se contente plus de petitesse, mais aspire à atteindre les plus hauts sommets ! Il explique que notre infériorité est due à notre ignorance de cette grandeur. C’est pourquoi nous nous  contentons d’aspirations matérielles, inconscients de l’essence du Monde à Venir ! Comment peut-on se satisfaire de choses aussi méprisables ?! Cette infériorité de perception est donc le plus grand handicap qui puisse exister. Il explique ainsi cette Paracha. Les hommes qui s’adressèrent à Moché Rabénou aspiraient à la grandeur, et ne pouvaient pas se contenter d’une « dispense » d’accomplir la Mitsva !

Il ajoute que les quatre cinquièmes des Bené Israël qui moururent pendant les trois jours de ténèbres manquaient de cette conscience indispensable. Seul ce manque les a privés de sortir d’Egypte.

Rav Reouven Karèlnestein (Ye’hi Reouven, p.103) explique ainsi la question des ‘Hakhamim (Guemara Souca, 24b) « Qui étaient ces hommes ? ». Qui étaient ces Tsadikim qui avaient atteint un tel niveau d’amour de la Mitsva ?! Il explique que leur mouvement venait d’une « jeunesse » d’esprit sans usure du « vieillissement » ! Dans une telle fraicheur, Hachem répond à l’aspiration de l’homme !

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché, p.183) étend la notion de Pessa’h Chéni. Il apprend de là que de la même manière, bien que la Torah réserve la Capara (réparation) des fautes à Yom Kippour, il reste un espoir même les autres jours de l’année, et il est possible de réparer les fautes par la Techouva. (Son enseignement étant déduit des hommes qui protestèrent contre leur exclusion de la communauté, il va de soi que la Techouva doit revêtir chez l’homme une intensité comparable …)

Rav Epstein souligne que la revendication des hommes était d’être assimilés à la collectivité dans le Korban Pessa’h général, et que cette demande ne fut pas agréée, mais il leur fut accordé une option individuelle. Il remarque là la grandeur particulière de la communauté …

Rav Chimchon Pinkus (Tiférèt Chimchon, p.73) enseigne à partir de l’exemple de Pessa’h Chéni que chaque homme possède la possibilité de « rattraper », dans une certaine mesure, ses manques dans les Mitsvot ou l’étude de la Torah, en tendant tous ses efforts pour avoir accès à un « Pessa’h Chéni », même s’il n’a pas étudié dans sa jeunesse. Il cite le ‘Hazon Ich (Emouna OuBita’hon, 3, 26-27) qui souligne que l’obligation de grandir réellement dans l’étude est la même à tout âge et dans toute situation …

Pour parfaire la leçon donnée par ces hommes d’exception, il nous faut réaliser pleinement le « sacrifice » qu’ils ont accompli en acceptant de se rendre Tamé (impur) au contact d’un mort, alors qu’ils étaient profondément conscients du renoncement que cette action génèrerait.

Rav Karèlnestein rapporte la Guemara (Souca 24b) qui demande à quel mort ces hommes s’étaient-ils contaminés à la Touma (impureté) ? Une des réponses est qu’Il s’agissait là d’un mort qui n’avait personne qui se préoccuperait de l’enterrer.

Rachi mentionne (Chemot 30, 16) qu’aucun des Bené Israël n’est mort entre les deux décomptes, celui du lendemain de Yom Kippour, après la faute du Eguel (Veau d’Or), et celui du début de Bamidbar, après l’inauguration du Michkan. Rav Karèlnestein en déduit que les morts ne pouvaient être que du « Erev Rav » (les Egyptiens qui ont accompagné les Bené Israël à la Sortie d’Egypte), des « Guérim » (convertis) donc, qui n’avaient pas de proches pour les enterrer …

Rav ‘Haïm Zaytchik (Or HaNefech, p.217) souligne la grande Messirout Néfech (le Don de soi) que représentait la démarche de ces hommes prêts à renoncer à cette réjouissance exceptionnelle, incomparable, du premier Pessa’h après la Sortie d’Egypte, pour accomplir un ‘Hessed (Don gratuit) à un mort, Mitsva pas attrayante, et loin d’être réjouissante … Pour nous rendre cette épreuve accessible, Rav Zaytchik compare cette action à renoncer à participer au mariage de son propre fils pour visiter un malade grabataire …

La leçon que nous devons tirer de cette Paracha n’est complète que si nous percevons toutes les facettes de l’épreuve que vécurent ces hommes.

Il nous reste à épanouir en nous la conscience de notre grandeur de « Fils de Hachem », et simultanément la grandeur à laquelle un « Fils de Hachem » doit atteindre dans la soumission à chaque Mitsva !